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[25]Site Web I.S.B.N. 9782130536130 DOI 10.3917/dio.201.0127 [26]A propos de cette revue [27]Site Web Alertes e-mail Recevez des alertes automatiques relatives à cet article. [28]S'inscrire Alertes e-mail - Diogène Être averti par courriel à chaque nouvelle parution : [_] d'un numéro de cette revue [_] d'une publication de Susan Sontag [_] d'une citation de cet article Votre adresse e-mail ____________________ Envoyer [29]Gérer vos alertes sur Cairn.info [30]Cairn.info respecte votre vie privée * [31]Revues * [32]Magazines * [33]Ouvrages collectifs * [34]L'état du monde * [35]Encyclopédies de poche * * [36]Revues * [37]Discipline * [38]Revue * [39]Numéro * Article * * * * * Mémoire : distance et proximité Raccourcis [40]Pour citer cet article Liens [41]Sur un sujet proche Vous consultezRegarding the pain of others Un commentaire AuteurSusan Sontag[*] [*] Susan Sontag est essayiste et auteur de théâtre. Née... [42]suite[43]du même auteur (New York.) En rédigeant, dans les années 70, la série d’essais Sur la photographie, je cherchais à comprendre les implications esthétique et éthique de l’omniprésence des images photographiques dans nos vies[1] [1] Ce texte est un commentaire de Regarding the Pain of Others,... [44]suite. Si une part non négligeable de notre connaissance des choses vient non pas de l’expérience directe mais d’images photographiques, on pourrait relativiser en disant que le niveau d’information engendré par l’image est assez équivalent à celui de l’expérience. Mais comme l’a remarqué Roberto Schwartz dans un merveilleux essai sur « proximité et distance », lorsque nous regardons de près ces choses qui sont distantes, nous les voyons à proximité, mais sans responsabilité. Quand nous sommes confortablement installés dans notre salon et nous regardons une image de lion, ce lion que nous voyons dans la jungle, lui, ne nous voit pas. L’information que la photographie communique n’est pas, bien sûr, seulement une affaire de zoologie ou de vie naturelle. C’est une information sur l’art ; une information qui nous donne une idée de ce qu’est le monde autour de nous ; une information sur la guerre et les souffrances humaines. 2 Ce recueil d’essais écrits il y a un quart de siècle fut de fait le tout premier livre de réflexions d’ordre général sur la photographie. Bien sûr, quiconque écrit sur ce sujet est redevable au grand essai de Walter Benjamin (L’Œuvre d’art à l’ère de la reproduction mécanique). Dans les années 70, cependant, aucun livre n’avait encore été consacré à une réflexion d’ensemble sur la signification des images photographiques du point de vue esthétique et du point de vue éthique. C’est parce que je me suis rendu compte qu’un sujet aussi important et intéressant n’avait pas été traité de façon approfondie que j’ai essayé de m’y atteler, consciente bien sûr que tout ce que je pourrais dire à ce sujet serait incomplet. 3 Une des principales idées sur lesquelles j’ai travaillé dans ces essais est tirée d’une expérience que j’ai moi-même vécue dans mon enfance en 1945. La Seconde Guerre mondiale venait de se terminer. Je vivais en Amérique. Je me trouvais dans une librairie où j’ai ouvert ce qui doit avoir été l’un des tout premiers livres – probablement pas un très bon livre – sur la guerre nazie. Le livre montrait un certain nombre de photographies prises à Dachau, Buchenwald et Bergen-Belsen à la Libération. Ce que je vis était au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer depuis mon enfance paisible, non-violente, en Arizona et en Californie. Je me souviens du choc comme s’il venait de me secouer aujourd’hui. Ce que je voyais montrait ce que les gens sont capables de faire à d’autres gens. Ce fut probablement un des moments les plus importants de ma vie. Une théorie que j’ai développée sur la photographie de l’atrocité, la photographie de guerre, les images de gens qui souffrent très loin de nous, est précisément que de telles images seraient aujourd’hui incapables de susciter chez nous un bouleversement aussi intense. Nos vies sont désormais inondées par de telles images. Nous avons tout vu, et cela nous a rendus de moins en moins sensibles, de plus en plus endurcis. Cette idée de la prédominance des images sur la réalité est allée très loin. Le sociologue français Jean Baudrillard, par exemple, a fait sienne la tâche de signaler que la réalité n’existe pas, qu’il n’y a que des images. Nous sommes entièrement déconnectés de la réalité ; nous avons vu tant d’images que nous ne pouvons plus réagir. Nous avons sans doute été désensibilisés par la photographie. 4 Les années passant, j’ai eu cependant d’autres expériences – des expériences de première main. Témoin de trois guerres, j’ai connu les tranchées et vécu sous le feu. J’ai passé pratiquement deux ans et demi avec des journalistes et photo-journalistes à Sarajevo pendant le siège qui a été levé en septembre 1995. J’ai commencé à penser que les choses étaient beaucoup plus compliquées que ce que j’avais décrit dans mes essais antérieurs. Étant donné la puissance énorme des images, il me semblait beaucoup trop simple de dire que nous étions juste devenus insensibles ou que nous avions juste été désensibilisés, que nous ne réagissions plus à la vue de ces images, qu’elles ne signifiaient rien pour nous… À partir des expériences que je venais de faire, j’ai éprouvé le besoin de réfléchir et d’essayer de transmettre ce que j’avais ressenti comme étant plus vrai, plus complexe. 5 Les photographies réifient. Elles transforment un événement en quelque chose que l’on peut posséder. Elles opèrent une sorte d’alchimie, en offrant de la réalité un compte rendu transparent. Souvent, quelque chose semble ou est ressenti comme étant « mieux » sur une photographie. De fait, c’est l’une des fonctions de la photographie que d’améliorer l’apparence normale des choses. On est toujours déçu par une photographie qui n’est pas flatteuse. « Rendre laid » est une fonction plus moderne que le fait d’« embellir ». En rendant son sujet plus laid, plus affreux qu’il n’est, l’appareil photographique modifie notre réaction morale à ce qui est montré. Le sujet « enlaidi » invite à une réaction active. 6 Afin de provoquer et de changer nos conduites, les photographies doivent choquer. Il y a quelques années, alors qu’on avait estimé que le tabagisme tuait environ 45 000 personnes par an, les responsables de la santé publique du Canada décidèrent d’inscrire sur chaque paquet de cigarettes un avertissement avec une photographie choc : un poumon atteint de cancer, un cerveau détruit, un cœur endommagé, une bouche en sang, à un stade de délabrement dentaire aigu… Une étude avait montré que – Dieu sait comment – de telles photographies auraient soixante fois plus de chances de pousser les fumeurs à abandonner la cigarette que de simples avertissements verbaux. En supposant que cela soit vrai, on peut toujours se demander quelle est la limite et la durée de l’impact d’un tel choc. Au moment même où ils regardent ces images, les fumeurs canadiens peuvent reculer de dégoût. Mais ceux qui fumeront encore d’ici cinq ans, seront-ils encore perturbés ? Le choc peut devenir familier. Et même s’il ne le devient pas, on peut toujours détourner les yeux et ne pas regarder… Les gens trouvent moyen de se protéger de ce qui les perturbe, en l’occurrence une information désagréable à l’adresse de ceux qui veulent fumer. L’aptitude à se détourner d’une information désagréable semble normale, c’est un mode d’adaptation. De même qu’on peut s’habituer à l’horreur dans la vie réelle. 7 On peut donc, sans doute, s’habituer à l’horreur et en particulier à l’horreur de certaines images. Néanmoins, je tendrais aujourd’hui à dire qu’il y a des cas où l’exposition répétée à ce qui choque, à ce qui attriste, à ce qui repousse n’empêche pas les cordes sensibles de vibrer. Je pense que l’accoutumance n’est pas automatique en matière d’images. Parce qu’elles sont portables, parce qu’elles peuvent être insérées dans des contextes différents, les images n’obéissent pas aux mêmes règles que la vie réelle. Les représentations de la crucifixion ne deviennent pas banales aux yeux des croyants, quand ce sont de vrais croyants. On peut toujours compter sur les représentations théâtrales de Chushin Gura, probablement les récits les plus connus de toute la culture japonaise, pour faire éclater en larmes les spectateurs japonais. Qu’importe le nombre de fois où ils y ont assisté au Kabuki, les spectateurs pleurent chaque fois que le Seigneur Asano admire la beauté des cerisiers en fleurs sur le chemin où il va commettre son « seppuku ». De même, le théâtre iranien connu sous le nom de « Ta’ziyeh », qui représente la trahison et le meurtre de l’Imam Hussein, ne manque jamais de provoquer les larmes des spectateurs iraniens, peu importe le nombre de fois où ils ont assisté à la représentation de cette scène. En fait, les spectateurs pleurent en partie précisément parce qu’ils ont déjà et bien souvent vu cette scène. 8 Les gens veulent pleurer. Le pathos sous forme de récit n’épuise pas. Mais les gens veulent-ils vraiment être horrifiés ? Probablement pas. Et puis, il y a des images dont le pouvoir demeure vif en partie parce qu’on ne peut pas les regarder trop souvent. Les images de visages détruits, qui porteront toujours le témoignage d’une grande iniquité, survivent à ce prix. Il y a, par exemple, les images incroyablement horribles prises dans les hôpitaux, après la Première Guerre mondiale, d’anciens combattants dont les visages avaient été arrachés. Ces images ont été publiées dans les années 20 dans un livre très connu contre la guerre. Est-il juste de dire que les gens se sont accoutumés aux visages de ces « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale qui avaient survécu à l’holocauste des tranchées, aux visages fondus et greffés de ceux qui ont survécu aux bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki ou aux visages des survivants Tutsis, tailladés à coup de machette par les Hutus lors du génocide rwandais en 1994 ? 9 En vérité, s’agissant de crimes de guerre, la notion même d’atrocité est inséparable de la preuve photographique. Mais ce que nous voyons de l’horreur est généralement d’ordre posthume. C’est souvent cette réalité posthume qui en est le rappel le plus « poignant » : des montagnes de crânes dans le Cambodge de Pol Pot, des fosses communes au Guatemala, au Salvador, en Bosnie, au Kosovo. Hannah Harendt, très peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, dans son grand livre Les Origines du totalitarisme publié en 1950, soulignait que les photographies et les nouvelles des camps de concentration étaient trompeuses en ce qu’elles montraient les camps au moment où les alliés les avaient investis. Ce qui conférait aux images leur caractère particulièrement horrible – les cadavres empilés, la forme squelettique des survivants – n’était pas du tout typique des camps. Quand ils fonctionnaient, les camps ne ressemblaient pas à cela. Les prisonniers étaient exterminés systématiquement par le gaz, non par la maladie ou la faim, et par la suite immédiatement incinérés. C’est parce que les fours crématoires s’étaient effondrés qu’on a vu ce que l’on a vu dans ces photographies prises en avril 1945. Les photographies des atrocités illustrent et corroborent les récits, elles permettent d’éviter des disputes sur le nombre exact de ceux qui ont été tués, les chiffres étant souvent gonflés. 10 Les photographies apportent l’exemple, le témoignage ineffaçable. La fonction illustrative des photographies n’est pas sans affecter les opinions, les préjugés, les fantasmes et la désinformation. L’information selon laquelle il y a eu moins de Palestiniens morts à Jénine que ce que les Palestiniens ont affirmé, ce que les Israéliens n’ont cessé de dire, a eu beaucoup moins d’impact que les photographies du centre complètement rasé du quartier des réfugiés. Et les atrocités qui ne sont pas conservées dans nos esprits par des images photographiques connues – comme le massacre japonais perpétré en Chine, en particulier l’attaque de Nanking en 1937, ou le viol de plus de 100 000 femmes et jeunes filles par les soldats soviétiques lâchés par leurs officiers à Berlin en 1945 – demeurent, bien sûr, beaucoup plus lointains. Parce qu’il n’y a pas de témoignages photographiques, peu de gens se soucient de commémorer ces événements. La familiarité de certaines photographies façonne notre sens du présent et du passé immédiat. Les photographies installent des racines référentielles et servent de totems aux causes. Le sentiment est plus susceptible de se cristalliser autour d’une photographie qu’autour d’un slogan. Et les photographies nous aident à construire et à réviser notre appréhension d’un passé plus lointain encore, par la circulation de photographies jusqu’alors jamais vues et les chocs posthumes qu’elles génèrent. 11 D’importantes prises de position sur l’image confrontent idéologies, expériences, anxiétés et fantasmes contemporains. Quand il étudie les représentations qui décorent une coupe du xvie siècle, Carlo Ginzburg nous donne une merveilleuse démonstration de la façon dont cela marche. Pour « témoigner », les photographes ont recours à des codes et vocabulaires traditionnels auxquels nous sommes habitués. On reconnaît souvent, par exemple, dans une photographie particulière représentant la guerre, les atrocités et l’agonie humaine, l’image d’une Pietà. Des photographies que tout le monde reconnaît – et il en existe d’innombrables, chacun d’entre nous en a des centaines en tête, nous savons ce qu’elles sont, pour les avoir si souvent vues – font aujourd’hui partie intégrante de ce sur quoi la société accepte de réfléchir ou déclare qu’elle a choisi de réfléchir. Et aux idées sur ce sur quoi la société choisit de réfléchir, la société donne le nom de « mémoire ». À la longue, me semble-t-il, ce type de mémoire est une fiction. À strictement parler, je suis d’avis que la mémoire collective, cela n’existe pas. Toute mémoire est individuelle, non reproductible et meurt avec chaque personne. Ce que l’on appelle mémoire collective, ce n’est pas du souvenir mais une affirmation : l’affirmation que telle chose ou telle autre est importante ; qu’une histoire concerne quelque chose qui a bel et bien eu lieu ; que certaines images figent l’histoire dans nos esprits ; que certaines idéologies créent et alimentent un stock d’archives d’images ; que certaines images représentatives renferment des idées communes dont la signification déclenche des pensées et des sentiments prévisibles… Certaines images très connues, qui ont circulé partout – tel le champignon atomique des essais nucléaires ou les photographies des astronautes marchant sur la lune – sont des équivalents visuels des échos sonores. Elles commémorent, à la façon contondante des timbres-poste, des moments historiques importants. Sans parler des photographies triomphales, comme celles de la bombe atomique, qui figurent déjà sur des timbres-poste. Encore heureux que les images de Dachau, Bergen-Belsen ou Buchenwald n’aient pas connu ce style de diffusion. 12 Pendant plus d’un siècle de modernisme, l’art a été redéfini comme une activité vouée à finir dans un musée ou dans un autre. C’est aujourd’hui le sort de beaucoup de collections photographiques que d’être exposées et conservées dans des conditions similaires. Parmi ces archives de l’horreur, les photographies des génocides sont celles qui ont connu le développement institutionnel le plus important. Il s’agit de s’assurer, en créant des lieux de mémoire publics pour ces documents et autres témoignages, que les crimes qu’ils dépeignent demeureront inscrits dans la conscience des gens. Cela s’appelle se souvenir, mais à mon sens c’est beaucoup plus que cela. Dans sa prolifération actuelle, le musée-mémoire est le produit d’une façon de penser et de faire le deuil de la destruction du judaïsme européen dans les années 30 et 40, qui a trouvé son aboutissement institutionnel dans le Yadevashem, le Musée de la Shoah à Jérusalem, dans le Musée (étonnamment bien conçu) de l’Holocauste de Washington D. C., et dans le Musée d’histoire juive, une réalisation architecturale magnifique, qui s’est ouvert récemment à Berlin. Des photographies et d’autres objets et registres de la mémoire de la Shoah circulent inlassablement comme des rappels permanents de tout ce qu’ils représentent. Ces photographies de souffrance et de martyre sont plus que des rappels de la mort, de l’échec, de la victimisation. Elles évoquent le miracle de la survie. L’entretien de la mémoire perpétuelle passe inévitablement par la création et le constant renouveau des souvenirs que véhiculent notamment les photographies icônes. Les gens veulent pouvoir visiter leurs mémoires et les raviver. Beaucoup veulent consacrer dans des musées de la mémoire le récit de leurs souffrances, un récit complet, chronologique, organisé et illustré – cela est très important. Depuis longtemps, les Arméniens réclament la création d’un musée qui institutionnalise, à Washington D. C. également, la mémoire du génocide de 1915. 13 Mais pourquoi n’y a-t-il pas déjà dans la capitale des États-Unis – une ville dont la population se trouve être en majorité écrasante une population d’Africains-Américains – un musée de l’histoire de l’esclavage ? J’en déduis que c’est parce que le travail de mémoire est encouragé pour certains et ne l’est pas pour d’autres. De fait, j’ai découvert que, sur tout le territoire des États-Unis, il n’y a pas un seul musée totalement consacré à l’évocation de l’histoire de l’esclavage, à l’ensemble de cette infamie, en commençant par le commerce d’esclaves en Afrique même ! Il semblerait que cette mémoire soit trop dangereuse pour la stabilité sociale pour être activée. Le Musée de l’Holocauste comme le futur musée du génocide arménien concernent des événements qui ne se sont pas passés sur le sol américain. Le travail de mémoire ne doit pas risquer d’inciter contre les autorités une partie de la population du pays rendue amère. Avoir un musée qui fasse la chronique du grand crime que fut l’esclavage des Africains aux États-Unis d’Amérique est admettre que le diable a été « ici même », beaucoup plus que « là-bas ». Et je crois que l’esclavage des Africains en Amérique a été bien pire que l’esclavage des Africains dans n’importe quel autre pays. Aux États-Unis, comme vous le savez sans doute, les esclaves n’avaient aucun droit en tant que personnes. Dans les pays catholiques, la formule classique stipulait que les esclaves étaient équivalents à « trois-cinquièmes d’une personne ». Mais les propriétaires d’esclaves ne pouvaient pas faire ce qu’ils voulaient avec leurs esclaves. Les esclaves avaient certains droits, fussent-ils restreints. Ce n’est qu’aux États-Unis que les esclaves n’avaient aucune protection. Un esclave avait exactement le même statut qu’une vache ou un cheval. Les propriétaires avaient le droit de faire ce qu’ils voulaient avec leurs esclaves. Les Américains préfèrent penser que le mal s’est produit au loin, « là-bas », et se représenter que cela leur a été épargné. Tant que perdurera cet état des choses, les photographies seront toujours à propos de « là-bas ». 14 Je pense que s’applique toujours la vieille idée selon laquelle l’esprit est un espace intérieur tel un théâtre dans lequel nous emmagasinons des images qui nous permettent de nous souvenir. Le problème n’est pas, à mon sens, que les gens se souviennent au moyen de photographies, mais plutôt qu’ils tendent, de plus en plus, à ne se rappeler que les photographies. Le souvenir par les photographies en est venu à éclipser les autres formes de souvenir et de compréhension. Une fois de plus, les photographies prises lors de la libération des camps en 1945 sont aujourd’hui ce que les gens associent le plus avec l’infamie nazie et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Des morts hideuses par génocide, famine et épidémie sont ce que les gens retiennent le plus de toute la panoplie d’iniquités et d’échecs qui s’est déployée dans l’Afrique post-coloniale. J’ai le sentiment que « se souvenir » est de plus en plus, non pas « se rappeler une histoire », mais « être capable de se représenter une image ». Même un écrivain aussi enraciné dans la solennité de la littérature du xixe siècle et du début du xxe siècle que feu W. G. Sebald a été amené à insérer, ça et là, des photographies dans ses récits douloureux de vies, de nature, de paysages urbains perdus, disparus. Sebald n’était pas un simple poète élégiaque : c’était un militant du poème élégiaque. En se souvenant lui-même, il voulait que le lecteur lui aussi se souvienne. Aussi parsema-t-il ses récits de photographies. 15 La photographie poignante n’a pas à perdre son pouvoir de choquer. Mais elle n’aide pas beaucoup à comprendre. C’est le récit qui nous aide à comprendre. Les photographies font autre chose : elles nous hantent. Regardons l’une des photographies les plus inoubliables de la guerre de Bosnie, une photographie à propos de laquelle le correspondant étranger du New York Times écrivit : « L’image est forte, une des plus éprouvantes de la guerre des Balkans : un milicien serbe qui donne, nonchalamment, un coup de pied à la tête d’une femme musulmane mourante. Elle vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir ». Je pense, moi, au contraire, qu’elle ne vous dit rien de ce que vous avez besoin de savoir. Nous savons que cette photographie est l’une des plus célèbres photos de la guerre de Bosnie et qu’elle a été prise par le photographe Ron Haviv, dans la ville de Bijeljina, en avril 1992, le premier mois de l’invasion serbe de la Bosnie. De l’arrière, on voit un soldat serbe portant un uniforme régulier. Il a une silhouette jeune, porte des lunettes de soleil juchées sur le haut de la tête, une cigarette pend entre le deuxième et le troisième doigt de la main gauche qu’il tient levée, et il a un fusil qu’il tient vers le bas dans sa main droite. Il a soulevé sa jambe gauche et il s’apprête, de fait, à donner un coup de pied à une femme qui est étendue le visage contre terre sur un trottoir. Elle n’est pas seule. Elle est étendue là entre deux autres corps, mais sa tête est un peu plus en avant que les autres corps. La photographie ne nous dit pas que cette femme est musulmane, bien qu’il soit vraisemblable qu’elle le fût. Pour quelle autre raison serait-elle étendue là, comme morte, avec les deux autres, sous le regard de soldats serbes ? En fait, la photographie nous dit peu de chose. Tout ce qu’elle nous dit, en somme, c’est que la guerre, c’est l’enfer, et que d’avenants jeunes hommes arborant des armes sont capables de donner des coups de pied à la tête de femmes étendues le visage contre terre. Les images des atrocités bosniaques ont été montrées à l’époque même où elles étaient commises. Elles ont été importantes, comme les images de la guerre du Vietnam, car elles ont nourri et renforcé une indignation justifiée face à une guerre qui était loin d’être inévitable, que l’on aurait pu et dû arrêter beaucoup plus tôt. Elles ont été une incitation, un aiguillon : chacun se sentait obligé de regarder ces images si épouvantables car il fallait immédiatement faire quelque chose contre ce qu’elles décrivaient. 16 D’autres problèmes surgissent, je pense, lorsque nous sommes invités à réagir à un dossier d’images, jusqu’ici inconnues, d’horreurs commises dans un passé lointain. Je vais vous donner un exemple : une centaine de photographies ont été découvertes il y a deux ans, des images que l’on ne connaissait généralement pas et qui n’avaient jamais fait l’objet d’une exposition. Il s’agit de photographies, prises entre 1890 et le début du xxe siècle, de noirs victimes de lynchages dans des petites villes des États-Unis. Lorsqu’elles ont finalement été montrées dans une galerie de New York, cela a constitué une expérience accablante pour les gens qui les ont vues. Ce qui était le plus horrible dans ces images, était leur provenance. Il s’agissait d’images prises par les gens qui étaient dans la ville, dans la foule qui perpétrait ces lynchages. Des images « souvenir » en quelque sorte. Des photographies de corps qui pendaient et qui, la plupart du temps, avaient été horriblement mutilés. Ce n’étaient pas juste des personnes qui avaient été pendues, mais des personnes qui avaient été battues, taillées en pièces, souvent dénudées, et castrées. Au moins la moitié des images montraient des gens posant sous les corps ainsi pendus, comme pour dire : « Moi au lynchage », « S’il te plaît, George, prends-moi en photo » ! Ils étaient de bons chrétiens américains ceux qui posaient devant un appareil photographique, sous des corps goudronnés, mutilés, pendus. 17 Qu’en est-il des ces images lorsqu’on les regarde maintenant ? La plupart ont plus d’une centaine d’années. Elles désignent des spectateurs, des témoins, des co-meurtriers. Mais aujourd’hui, lorsque nous les regardons, qui sommes-nous ? Que regardons-nous ? Nous ne sommes pas des spectateurs. À quoi sert, peut-on se demander, de montrer ces images ? Est-ce seulement pour que nous nous sentions mal ? Est-ce pour nous consterner, pour nous attrister ? Est-ce pour nous aider à faire un deuil ? Est-il vraiment nécessaire de regarder de telles images, étant donné que ces horreurs, passées il y a si longtemps, ne peuvent plus être punies ? Sommes-nous meilleurs pour avoir vu ces images ? Nous apprennent-elles quelque chose ? Ne confirment-elles pas simplement ce que nous savons déjà, et ce que nous voulons déjà savoir ? Je pense que ces questions sont justifiées. Et toutes ont été soulevées au moment de l’exposition et après, lorsque fut publié le livre de photographies portant le titre : Without Sanctuary : Lynching Photography in America (« Sans sanctuaire : photographies de lynchage en Amérique »). Certains contestèrent la nécessité de cette exposition, disant qu’elle était macabre, qu’elle perpétuait la victimisation des noirs, qu’il n’était pas nécessaire de réveiller ces souvenirs de cette façon, etc. 18 Malgré tout, les responsables de l’exposition et de l’édition du livre étaient d’avis qu’il fallait examiner ces images – ils utilisaient généralement le mot « examiner » et non le mot « regarder », pour prêter à cette démarche un aspect plus impartial, plus objectif. On avait l’obligation d’examiner ces images de façon à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’actes perpétrés par des barbares, mais d’actes qui traduisaient le triomphe d’un système raciste, lequel déshumanisait les gens au point qu’ils puissent commettre de telles horreurs. Cependant, je m’interroge : qui est barbare ? Peut-être est-ce là ce à quoi ressemblent les barbares ? Cela dit, le barbare de quelqu’un, ce n’est que quelqu’un d’autre en train de faire ce que font tous les autres. Combien sont ceux dont on peut attendre qu’ils fassent mieux ? La question est : qui cherchons-nous à blâmer ? Qui pensons-nous avoir le droit de blâmer ? Les enfants d’Hiroshima et de Nagasaki n’étaient sûrement pas moins innocents que les jeunes Africains-Américains, hommes et peu de femmes, qui ont été massacrés et pendus aux arbres dans des petites villes. Plus de 100 000 civils allemands (des femmes pour la plupart) ont été incinérés sous les bombardements britanniques de Dresde la nuit du 13 février 1945. 72 000 civils ont été grillés par la bombe lâchée par les Américains sur Hiroshima. Et la liste pourrait se prolonger. Qui souhaitons-nous blâmer ? Quelles atrocités d’un passé inguérissable pensons-nous être obligés de voir ? Les Américains pensent sans doute qu’il serait « morbide » de se détourner de leur chemin pour regarder des images des victimes brûlées à la suite des bombardements sur le Japon ou celles des chairs consumées par le napalm des victimes civiles de la guerre américaine au Vietnam. Cela serait en effet morbide. Mais de nombreux Américains blancs disent, me semble-t-il malgré tout, avoir une sorte d’obligation de regarder les images de lynchage. Et ils se livrent à une reconnaissance intense et approfondie de la monstruosité et du mal intrinsèque du système esclavagiste qui a existé dans le passé, ce que la plupart des États-Unis ne remet pas en question. C’est là un projet auquel de nombreux Américains d’origine européenne se sont sentis obligés d’adhérer au cours des dernières décennies, comme à un devoir patriotique. Toujours d’actualité, ce projet de reconnaissance du crime de la Nation est, dans mon pays, un accomplissement national. 19 Il n’est cependant pas question de reconnaître le recours de l’Amérique - disproportionné, répété et invétéré - à la puissance du feu contre les civils, une violation de l’une des lois cardinales de la guerre. À cet égard, nous sommes restés au stade de la guerre coloniale américaine aux Philippines, qui remonte à 1900. Cette reconnaissance-là n’est assurément pas un projet national. Pendant environ un siècle, l’Amérique s’est réservée le droit de brandir un maximum d’armements aussi bien contre des civils que contre des soldats. Aucun traité n’empêche l’usage d’armes telles que le napalm, les mines anti-personnel ou même encore les armes nucléaires. Après tout, les États-Unis sont la seule puissance ayant utilisé des armes pareilles jusqu’à présent. Mais si quelqu’un insiste sur ces réalités désagréables, il ou elle sera, bien sûr, considéré(e) comme très anti-patriotique. 20 On peut se sentir obligé de regarder des photographies qui rendent compte de certains grands crimes. On devrait être obligé de penser à ce que cela signifie que de les regarder, de réfléchir sur notre capacité à assimiler des images si exceptionnellement horribles. Toutes les réactions à ces images ne relèvent pas d’un examen de conscience raisonné. La plupart des descriptions de corps violentés, mutilés, déclenchent un intérêt concupiscent, impudique, pervers, malsain. Les images horribles peintes par Goya dans sa grande œuvre Les Désastres de la guerre sont à cet égard, comme dans bien d’autres, une exception notable en ce que la part laissée à l’imagination dans ces images empêche de les regarder avec un esprit concupiscent malsain. Il ne s’appesantit pas sur la beauté des corps. Les peignant vêtus, il les rend discrets. Mais les images de l’atrocité, dans la mesure où elles impliquent la violation d’un corps sain deviennent, à mon sens, à un certain degré, pornographiques. Cela fait partie de la complexité de la situation. Ce n’est pas la simple curiosité qui, sur les autoroutes, ralentit brutalement le flot de voitures au niveau d’un accident qui s’est produit. C’est le désir de voir quelque chose d’épouvantable. Qualifier de morbide ce type de désir pourrait signifier qu’il s’agit bien sûr de quelque rare aberration. Mais il ne s’agit pas d’aberration. Je pense que l’attirance pour ces spectacles est récurrente et que c’est une éternelle source de conflit intérieur, mental. En fait, la première fois que cela a fait l’objet d’une discussion, il s’agissait précisément d’une discussion sur un conflit intérieur, dans la partie de La République de Platon où il distingue trois parties dans l’esprit, un peu comme le ça, le moi et le surmoi de Freud : la raison en haut, la conscience représentée par l’indignation au milieu (où je dirais que se situe l’ego), et en bas, le désir. Pour illustrer ces trois parties de l’esprit, Platon se met à nous raconter une histoire des plus étonnantes : Sophocle est en train de parler. Revenant du Port du Pirée, à l’extérieur du mur situé au Nord, il remarqua des corps de criminels allongés sur le sol, leurs meurtriers se tenant à côté, et voulut aller les regarder de près. Mais simultanément, il éprouva un dégoût, et tenta de se détourner. Il résista pendant un certain temps, couvrit ses yeux, mais en fin de compte le désir fut plus fort que lui. Ouvrant tout grand ses yeux, il courut vers les corps. Et il pleura en s’adressant à ses yeux : « Voilà, yeux maudits, nourrissez-vous de ce si beau spectacle ! ». C’est un passage des plus révélateurs. Pour illustrer un conflit entre le désir et la conscience, généralement, la plupart des gens auraient recours à l’exemple d’une passion sexuelle impropre quelconque. Mais Platon donne l’exemple de quelqu’un qui aime regarder des corps morts, quelqu’un qui se trouve attiré par cette « morbidité ». Il sous-entend - ce qui suggère que ce n’est pas rare - qu’une soif existe en nous de regarder des choses terribles. 21 Il serait erroné, naïf, contraire à la vérité, simplificateur, d’omettre que l’impulsion ici dénigrée est aussi en jeu lorsque nous regardons la douleur des autres par le biais d’images. Cela fait partie du fardeau de les regarder, le fardeau n’est pas seulement de savoir que nous sommes en train de les regarder. Comme Roberto Schwartz, je suis très consciente de ce que nous regardons ces images en pensant qu’elles nous offrent le privilège d’une proximité avec les choses que nous ne saurions avoir autrement - une proximité sans responsabilité qui nous est procurée par celui qui a pris les images, par le biais de la photographie. Il est également vrai que nous sommes dans une position de voyeurs. Nous ne sommes pas seulement sujets à une réaction passionnelle, à une réaction de compassion. Il existe une part de voyeurisme. En fait, regarder les choses par l’intermédiaire d’images est une opération complexe. Au point qu’il y a des gens pour dire que le fait de regarder des images est mal en soi, et que nous ne devrions jamais regarder quoi que ce soit par le truchement d’une image, qu’il y a quelque chose d’indécent à le faire lorsque nous n’avons pas de responsabilité par rapport à ce qu’elles décrivent. 22 Je terminerai cette analyse par une sorte de réflexion morale. Quelle que soit la part de corruption qu’incombe à ce genre de scène, je suis persuadée que c’est une bonne chose en soi de reconnaître – ou d’avoir la force de reconnaître – toute la souffrance qu’il y a dans le monde. Et je crois que quelqu’un qui est éternellement surpris par l’existence de la dépravation et de l’horreur, quelqu’un qui est sans cesse désillusionné ou même incrédule lorsqu’il se trouve confronté aux preuves de ce que les êtres humains sont capables de se faire les uns aux autres, est quelqu’un qui n’est pas moralement et psychologiquement parvenu à l’âge adulte. Je pense que personne, passé un certain âge, n’a le droit à ce genre d’innocence, à cette superficialité, à cette ignorance, à cette amnésie. Il existe maintenant un vaste corpus d’images qui fait qu’il est plus difficile pour nous de conserver ce genre de déficience morale. Et je suis d’avis qu’il faut laisser ces images nous hanter, même si ce ne sont que des images, des symboles, des parcelles importantes d’une réalité qu’elles ne sauraient toute embrasser : elles remplissent, néanmoins, une fonction vitale. Les images disent : « Voilà ce que les gens sont capables de se faire les uns aux autres ! » « N’oubliez pas ! ». Ce n’est pas tout à fait la même chose que de demander aux gens de se souvenir de toute une somme monstrueuse d’horreurs en particulier. Dire « N’oubliez pas ! », c’est autre chose que de dire « N’oubliez jamais ! ». 23 Peut-être les gens attribuent-ils trop de valeur à la mémoire et pas assez à la réflexion. Nous croyons que la remémoration est un acte éthique profondément enraciné au cœur de notre nature : après tout, se rappeler est tout ce que nous pouvons faire pour les morts. Nous savons que nous allons mourir et nous portons le deuil de ceux qui, dans le cours normal des choses, sont morts avant nous : grands-parents, parents, professeurs, amis plus âgés que nous. L’insensibilité et l’amnésie semblent de fait aller de pair dans la vie de chaque individu. Mais je pense que l’histoire nous donne des signes contradictoires quant à la valeur de la remémoration pour les différentes communautés. L’impératif qui gouverne nos relations avec ceux qui sont morts avant nous - dans le laps de temps d’une vie humaine, d’une vie individuelle - s’appelle la piété. Dans le temps beaucoup plus long de l’histoire d’une collectivité, cette promptitude à vouloir se souvenir, à garder le contact avec les disparus signale, de mon point de vue, un certain dysfonctionnement. Il y a tout simplement trop d’injustice dans le monde et trop de souvenirs de malheurs passés. Pensons aux peuples qui justifient tout ce qu’ils font par ce qui leur est arrivé des siècles auparavant. Faire la paix, c’est oublier. Il est plus facile de se réconcilier si la place que prendrait une telle mémoire est faite à la réflexion sur la vie que l’on mène, et si on laisse les injustices particulières se dissoudre dans une compréhension plus générale de ce que les êtres humains sont capables de se faire les uns aux autres. 24 Traduit de l’anglais (américain) par Francine Marthouret et Frances Albernaz. Notes [45][ *] Susan Sontag est essayiste et auteur de théâtre. Née à New York en 1933, ses ouvrages ont été traduits partout dans le monde. Citoyenne honoraire de Sarajevo, elle fait partie des écrivains les plus engagés pour le respect des droits de l’homme et a été à l’origine de plusieurs campagnes de soutien aux auteurs persécutés et emprisonnés. Parmi ses ouvrages : Italy, One Hundred Years of Photography (avec Cesare Colombo), 1988 ; The Volcano Lover, 1992 ; Homo Poeticus, 1995 ; In America, 1999 ; « Why Are We in Kosovo ? », 1999 ; Where the Stress Falls, 2001.[46] Retour [47][ 1] Ce texte est un commentaire de Regarding the Pain of Others, ouvrage dont la sortie est prévue en mars 2003, New York, Farrar, Strauss and Giroux.[48] Retour POUR CITER CET ARTICLE Susan Sontag « Regarding the pain of others », Diogène 1/2003 (n° 201), p. 127-139. URL : [49]www.cairn.info/revue-diogene-2003-1-page-127.htm. DOI : [50]10.3917/dio.201.0127. ____________________ search [51]Recherche avancée * CAIRN.INFO + [52]À propos de Cairn.info + [53]Services aux éditeurs + [54]Services aux institutions + [55]Services aux particuliers + [56]Conditions d’utilisation + [57]Conditions de vente + [58]Vie privée * Disciplines (revues) + [59]Droit + [60]Économie, gestion + [61]Géographie + [62]Histoire + [63]Lettres et linguistique + [64]Philosophie + [65]Psychologie + * + [66]Sciences de l'éducation + [67]Sc. info/communication + [68]Sciences politiques + [69]Sociologie et société + [70]Sport et société + [71]Revues d'intérêt général + [72]Toutes les revues * Outils + [73]Aide + [74]Plan du site + [75]Raccourcis clavier + [76]Flux RSS + [77]Accès hors campus + [78]Contacts * Mon CAIRN.INFO + [79]Créer un compte + [80]Mon panier + Mes achats + [81]Ma bibliographie + [82]Mes alertes e-mail + [83]Mon crédit d'article © 2010 Cairn.info Références Liens visibles 1. 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