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Biocarburant : les algues sont-elles la solution ?

Biocarburant : les algues sont-elles la solution ?

1. Introduction : les biocarburants

Une des pistes les plus étudiées pour remplacer le pétrole est celle des biocarburants, c'est à dire des carburants synthétisés à partir de la biomasse. Ces carburants présentent en effet de nombreux avantages qui les rendent particulièrement attractifs :

  • Ils se présentent sous forme liquide (le biogaz est une exception). Cela signifie qu'ils peuvent utiliser quasiment sans modification toute l'infrastructure actuellement en place pour les carburants fossiles (camions-citernes, pompes à essence, etc). De même, il n'y a pas besoin d'imaginer d'imaginer des réservoirs exotiques (et coûteux) pour les stocker comme c'est le cas pour l'hydrogène.
  • Les véhicules actuels peuvent utiliser les biocarburants avec très peu voire même parfois aucune modification. Inutile de dépenser des milliards pour mettre au point les moteurs et les véhicules du futur: ils existent déjà, ce qui est loin d'être le cas pour les véhicules à hydrogène.
  • Les biocarburants sont entièrement neutres du point de vue de l'effet de serre. Le CO2 qui est libéré dans l'atmosphère par les véhicules roulant au biocarburant a en effet été pompé précédemment de l'atmosphère par la biomasse qui a servi à le fabriquer: le cycle est bouclé et le CO2 ne s'accumule pas, ce qui n'est pas le cas des carburants fossiles où le carbone est transféré du sous-sol de la planète à l'atmosphère.
  • Enfin, notons que les biocarburants sont totalement et rapidement biodégradables (aucun risque comparable à une marée noire), et que leur combustion est beaucoup plus propre que celle des carburants classiques.

Dans la pratique, il existe trois grandes filières pour le biocarburant:

  • La filière alcools (méthanol et éthanol)
  • La filière Biodiesel (encore appelés Diester en France)
  • La filière huiles végétales (huile de Tournesol, etc). Il est en effet possible de rouler directement à l'huile végétale. Les tous premiers véhicules diesel roulaient ainsi, et ce n'est qu'après l'arrivée sur le marché d'une huile minérale très bon marché (le pétrole) que cette filière fut abandonnée.

(Je ne compte pas le biogaz qui, de toute façon, ne me paraît pas être très adapté à une utilisation à grande échelle.)

Chaque filière présente des avantages et des inconvénients :

  • Les alcools sont déjà produits de façon industrielle, il ne s'agit donc que d'étendre une filière qui existe déjà. Le principal problème vient en fait de la faible quantité d'énergie contenue dans les alcools. Même dans les cas les plus favorables le bilan énergétique total n'est que très faiblement positif. D'un point de vue économique cela signifie donc que la production d'alcool est très peu rentable (quand elle l'est) et que la filière doit être subventionnée.
  • Le Biodiesel est actuellement le biocarburant qui a le vent en poupe. Il est en effet facile à fabriquer, y compris par des particuliers, et il peut être utilisé directement par l'ensemble des véhicules diesel (moyennant parfois des modifications mineures).
  • La filière des huiles végétales est, de façon étrange, assez peu mise en avant. Elle est pourtant plus simple que la précédente car elle ne nécessite aucune réaction chimique. Son principal inconvénient est que les véhicules peuvent rencontrer des problèmes à basse température et que l'huile s'oxyde rapidement.

N'oublions pas que l'agriculture, qu'elle soit traditionnelle ou qu'elle concerne la production de carburant vert, est elle même une grande consommatrice d'énergie. Actuellement, cette énergie est fournie par les carburants fossiles (machines agricoles et engrais) mais, si l'on souhaite s'en passer totalement il est bien évident que la production sera inférieure (ou, ce qui revient exactement au même, qu'une fraction de la production de biocarburant sera immédiatement consommée par les machines et les engrais agricoles permettant la culture de la biomasse).

Sachant que le biodiesel est fabriqué à partir d'huile végétale, la distinction entre les deux dernières filières peut paraître artificielle. En fait, je pense que la filière Biodiesel est surtout promue par les industriels qui pourraient ainsi se rendre indispensables, tandis que la dernière filière ne nécessite aucune étape chimique où ils pourraient intervenir. Ils n'auraient alors aucun impact sur la filière, alors qu'ils ont au contraire tout à gagner si le biodiesel prend le dessus.

En ce qui me concerne, je pense que la dernière filière est, à long terme, très prometteuse, en tout cas en ce qui concerne les véhicules légers. En utilisant directement l'huile végétale, on saute en effet une étape chimique qui est elle même consommatrice d'énergie. Il s'ensuit que, mathématiquement, la filière biodiesel est moins rentable du point de vue énergétique et donc financier. Naturellement, cela ne signifie pas que le biodiesel soit une mauvaise piste, mais simplement que l'utilisation directe d'huile végétale doit être prise avec autant de sérieux que les autres filières, ce qui n'est pas forcément le cas. (Je pense aussi que voir des décideurs pressés en costard cravate et l'industrie chimique lourde fait tout de suite plus sérieux pour les politiques que le paysan qui fait rouler son tracteur avec l'huile qu'il presse lui même dans sa grange...).

2. En pratique : rendement et production à grande échelle

Si les biocarburants présentent tant d'avantages, il est logique de se demander pourquoi ils ne sont pas plus utilisés. En fait, on peut dire que le pétrole n'est rien d'autre qu'un biocarburant naturel stocké depuis des millions d'années dans quelques rares endroits par un caprice géologique. En adoptant ce point de vue, on comprend qu'il soit difficile économiquement de parvenir à synthétiser un carburant meilleur marché que le pétrole qui ne nécessite que d'être pompé. Néanmoins cette explication seule ne suffit pas à expliquer ce déséquilibre qui mérite un examen plus détaillé. La véritable explication tient en un mot que l'on emploie beaucoup en économie : le rendement.

Il faut bien comprendre que, aussi séduisant que puisse paraître la fabrication de biocarburant, celle-ci nécessite un investissement en temps en énergie. Pour que le carburant vert soit utilisable de façon réaliste à grande échelle, il faut non seulement que sa production soit énergétiquement rentable (ce qui n'est pas toujours le cas) mais il faut également en produire en très grandes quantités. Malheureusement, ces critères sont assez difficiles à remplir par la filière agricole traditionnelle.

Prenons, par exemple, le cas du tournesol. Rouler à l'huile de tournesol est une alternative très séduisante au pétrole mais qui ne paraît guère envisageable à grande échelle. Pour récolter cette l'huile un agriculteur doit en effet remplir deux conditions :

- Attendre le moment de la récolte. Les graines ne peuvent être récoltées qu'une seule fois par an : le rendement en temps est très mauvais.


- Récolter les graines. Seules les graines sont utiles pour la fabrication de l'huile. Tout le reste de la plante (les feuilles, la tige, les racines) a poussé "pour rien". Les graines ne constituent qu'une faible proportion de la masse totale de la plante (et l'huile ne constitue qu'une partie de la masse des graines). En d'autres termes, le rendement en masse est de seulement quelques pourcent et est donc aussi très mauvais.

En d'autres termes, il faut des surfaces cultivables énormes si l'on veut pouvoir fabriquer du biocarburant en quantités appréciables. Le rendement est même si bas qu'il faudrait y consacrer des surfaces supérieures à celles actuellement dévolues aux cultures agricoles. En d'autres termes la culture d'un tel biocarburant entre en compétition directe avec l'agriculture traditionnelle et ne peut donc constituer qu'une solution partielle au problème. Pour le résoudre, il faut donc imaginer un moyen d'augmenter le rendement en temps ou en masse de la biomasse utilisée pour le biocarburant. C'est ici qu'interviennent les algues.

3. Les algues : un rendement exceptionnel

Les algues présentent l'intérêt immense de présenter à la fois un rendement exceptionnel en temps (il est possible d'effectuer une récolte complète en quelques jours), et en masse (certaines espèces ont une masse de graisse de plus de 50 %).

Les avantages d'une telle approche sont évidents :

- Ces rendements exceptionnels rendent réalistes la fabrication de biocarburant à grande échelle sur une surface "raisonnable". Certains estiment qu'il suffirait d'une surface de 4 millions d'hectares pour couvrir la consommation de pétrole des USA.


- Ces cultures n'empiètent pas sur la production agricole traditionnelle et ne limitent pas la production de nourriture. A vrai dire, c'est plutôt le contraire : certaines espèces d'algues sont très nourrissantes avec un contenu exceptionnel en protéines, en vitamines et en oligo-éléments, et pourraient donc très bien nous nourrir dans le futur.


- Les algues ont bien évidemment besoin de nourriture et pourraient donc très bien se nourir de déchets organiques et limiter ainsi la pollution actuelle.


- La production d'algues peut être à la fois conduite industriellement lorsque l'environnement est favorable, ou au contraire de façon plus locale lorsque le besoin s'en fait sentir.


- Enfin, les algues sont faciles à cultiver et se prêtent facilement à la culture automatisée (bioréacteurs, etc). Dans la pratique, cela signifie que cette culture offre un meilleur rendement énergétique, même en mettant de côté les propriétés déjà exceptionnelles des algues.







Pour en savoir plus :

4. Conclusion

La culture d'algues paraît comme une des seules pistes réalistes permettant de fabriquer du biocarburant à l'échelle industrielle et, à l'heure actuelle, la difficulté n'apparaît pas tant technique que politique. Faire "pousser le pétrole" constitue un véritable changement de paradigme qui, s'il se concrétise, ne sera pas sans répercussion sur notre société actuelle. A mesure que le pétrole s'épuise, l'intérêt pour les biocarburants se fera de plus en plus fort et il apparaît certain que tous ceux impliqués dans sa fabrication tenteront d'influencer les politiques pour se voir confier une part croissante du processus, pour des raisons tant économiques que politiques. A grande échelle, les derniers pays exportateurs de combustible fossile tenteront sans doute de limiter l'émergence de cette solution. A une échelle plus locale, les agriculteurs traditionnels tenteront sans doute de limiter l'émergence d'autres filières, tandis que l'industrie chimique tentera naturellement de pousser à l'utilisation de biodiesel plutôt que de l'huile végétale. Toutefois, s'il est certain que ces pressions existeront et auront un impact, la réalité physique poussera peu à peu à l'utilisation de la filière la plus efficace énergétiquement. Bien sûr, le choix de la filière en question est difficile, mais il ne fait pour moi aucun doute que la culture des algues est plus prometteuse que toutes les autres alternatives.