Alors que le plus grand flou règne sur les conditions de la mort de Mouammar Kadhafi et qu'il existe un fort soupçon d'exécution sommaire, un responsable du conseil militaire de Misrata, la ville où la dépouille de l'ancien dirigeant libyen est exposée, a annoncé, le 22 octobre, qu'il n'y aurait pas d'autopsie.
"Personne n'ouvrira le corps"...
Démentant les rumeurs qui évoquaient un possible examen médicolégal ce samedi, Fathi Bachagha, le porte-parole du conseil militaire, a déclaré sans appel à l'AFP : "il n'y aura pas d'autopsie aujourd'hui, ni un autre jour. Personne n'ouvrira le corps", ce qu'ont confirmé deux autres membres de cette instance.
Comme en témoignent des vidéos amateurs, le colonel Kadhafi, qui était en fuite depuis la chute de Tripoli à la fin du mois d'août, a été capturé vivant, jeudi, dans la région de Syrte, sa ville natale, qu'il était en train de fuir à bord d'un convoi de véhicules stoppé par une frappe de l'OTAN. L'ancien Guide libyen, découvert dans une conduite d'égout était manifestement blessé, mais n'est pas mort sur le coup.
Quant à savoir précisément quand et comment, il est décédé, plusieurs versions et hypothèses ont cours. Selon certains, il aurait succombé à ses blessures, selon d'autres, une fois aux mains des combattants du Conseil national de transition (CNT), il aurait été mortellement touché lors d'un échange de tirs entre les rebelles et ses propres troupes, enfin, vu les images de lynchage, plusieurs hommes pointant des armes de poing contre sa tête, rien n'exclut une balle perdue, voire une franche exécution. Seule quasi-certitude, il est mort par balle.
Une foule de curieux dans une chambre froide…
Quoi qu'il en soit, le corps ensanglanté et en partie dénudé de Mouammar Kadhafi a été transporté vers un marché dans la banlieue de Misrata, l'une des villes qui ont le plus souffert durant cette guerre, où il est exposé dans la chambre froide d'une boucherie. La nuit dernière, le corps de Mouatassim, l'un de ses fils également tués jeudi à Syrte, a été disposé à son côté. L'un et l'autre sont étendus sur des matelas posés à même le sol et sont désormais recouverts de couvertures qui ne laissent voir que leurs têtes.
Vendredi, formant une queue de plusieurs centaines de mètres, des milliers de Libyens sont déjà venus constater de leurs propres yeux la mort du dictateur, et des dizaines d'habitants de Misrata attendaient leur tour, tôt, ce samedi matin.
Hier, le numéro deux du CNT, Mahmoud Jibril, se disant "soulagé" que le sort de Kadhafi soit réglé, était lui-même venu à Misrata pour voir sa dépouille, en revanche, il ne semble pas prévu que Moustapha Abdeljalil, le président du Conseil, fasse le déplacement.
Alors que l'ONU et Amnesty International ont demandé des éclaircissements sur les circonstances de la mort du tyran, depuis Benghazi, lors d'une visite à des combattants hospitalisés, interrogé par des journalistes, M. Abdeljalil a confirmé d'un "oui" laconique qu'une enquête était en cours.
L'ultime destination du corps en question…
Le lieu et la date de l'inhumation du colonel Kadhafi n'ont pas encore été indiqués, voire pas même déterminés. En tout état de cause, hier, des membres du conseil militaire de Misrata avaient indiqué qu'il serait probablement enterré dans un lieu secret pour éviter que sa tombe ne devienne un lieu de pèlerinage. Selon plusieurs sources, une réunion pourrait se tenir dans la journée pour convaincre les sceptiques et arrêter une décision.
Ce n'est bien sûr par le souhait de la veuve de l'ex-dirigeant libyen. Dans un communiqué relayé par Arraï, une chaîne proche de l'ancien régime, elle a appelé "au nom de la famille du combattant martyr Mouammar Kadhafi, l'ONU et les organisations internationales à contraindre le CNT à remettre les dépouilles des martyrs à leurs tribus pour les enterrer selon les rites islamiques".
Le beau-frère et le fils préféré en fuite...
Pendant ce temps, les troupes de l'ancien régime poursuivent la traque de deux hauts dignitaires de l'ancien régime, le beau-frère de Mouammar Kadhafi, Abdallah al-Senoussi, 62 ans, qui dirigeait les services de renseignements, et Seïf al-Islam, 39 ans, le fils de l'ancien dirigeant, longtemps pressenti pour lui succéder aux commandes de la "Jamahiryia" libyenne. Tous deux font l'objet d'un mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité.
Le premier aurait été "signalé" tout au nord du Niger, à proximité de la frontière, a indiqué à l'AFP une source gouvernementale nigérienne, le sort du second est encore plus incertain, des sources contradictoires le donnant en fuite, détenu ou mort.
Après la "libération totale" du pays, une "mission impossible" : la reconstruction…
Quoi qu'il en soit, sur le terrain militaire, l'OTAN a annoncé son retrait d'ici la fin du mois, et sur le terrain politique, le CNT devrait proclamer dimanche la "libération totale" du pays et engager les négociations, entre les parties qui ont pris part à la révolution, en vue de la constitution d'un gouvernement provisoire, dont l'une des principales missions sera d'organiser la tenue d'élections, théoriquement sous huit mois.
Entre autres priorités, "la stabilité et l'ordre dans le pays doivent être restaurés, ce qui nécessite la collecte d'armes dans les rues (…) qui n'est pas une opération aisée" a déclaré M. Jibril, le numéro 2 du CNT, estimant que "la reconstruction de la Libye ne sera pas une tâche facile. C'est la 'Mission impossible' de Tom Cruise'".
Pour y parvenir, il faudra notamment des fonds, or, selon le quotidien américain Los Angeles Times, le colonel Kadhafi n'aurait pas fait sortir de Libye 100 milliards de dollars comme estimé jusqu'ici par les pays occidentaux, mais plus du double…