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Pour Stéphane Rozès, François Hollande doit "revenir au discours du Bourget"

Créé le 03-11-2012 à 15h10 - Mis à jour à 15h20

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PARIS (Sipa) -- François Hollande "doit revenir au discours du Bourget" et donner une "perspective" à son action car "il s'est éloigné du centre de gravité de ce qui a fait son élection", juge le politologue Stéphane Rozès, président de la société Conseil, analyses et perspectives (Cap), six mois après la victoire du socialiste à la présidentielle.

"Une fois élu, François Hollande s'est éloigné du centre de gravité de ce qui a fait son élection. Le président de la République doit revenir au discours du Bourget (le 22 janvier 2012, NDLR). La raison intime de son élection se résume en une phrase, qui est la condition implicite de sa victoire : il est possible de survivre dans le monde tel qu'il est sans renoncer à ce qu'on est, car la France est la solution et non le problème", résume pour Sipa Stéphane Rozès.

"C'était la contradiction de Nicolas Sarkozy: il parlait de la France pendant toute sa présidence mais avec une défiance à l'égard de la France et de son modèle", précise le politologue, qui est aussi enseignant à Sciences Po et à HEC. Pour lui, François Hollande ne l'a pas emporté le 6 mai "par refus de Sarkozy mais par adhésion à sa façon d'être, faite de sérénité et de réalisme". "Et dans les derniers jours, ce n'est pas Sarkozy qui monte mais Hollande qui descend car il fait une mauvaise fin de campagne en s'éloignant du sujet et en annonçant le retour de la gauche au pouvoir, dont les gens n'ont rien à faire".

"Il ne veut pas se lier les mains"

Stéphane Rozès analyse le silence présidentiel sur les perspectives qui doivent être données au quinquennat. "Si François Hollande n'affiche pas de cap, c'est par tempérament. Comme les choses sont compliquées, il fait confiance à son intelligence mais il ne veut pas se lier les mains dans un récit", juge-t-il.

"C'est étonnant de voir comment les présidents élus nient l'histoire dont ils ont été les acteurs pendant leur campagne. C'est le pays qui fait la présidentielle, le candidat doit entrer dans un costume. Or, une fois qu'il est élu, il se décharge du costume. François Hollande est désormais revenu à son tempérament, qui est celui d'un joueur de go, pas d'un joueur d'échec. Il pense qu'en se faufilant entre les bourrasques de la tempête, il va y arriver. Il se tient au milieu d'un champ de force et, quand il n'existe pas, il le crée", souligne le politologue.

Stéphane Rozès, qui a produit des études pour Nicolas Sarkozy comme pour François Hollande, estime que le prédécesseur du socialiste "avait la psychologie du sauveur" et "travaillait beaucoup sur lui-même parce qu'il était inquiet". "François Hollande a une très grande intelligence mais il a une très grande confiance en lui", ajoute-t-il.

"Pilhanisation" et "schrameckisation"

Pour le politologue, "le plus grand danger pour la gauche actuellement, c'est le risque de 'pilhanisation' et de 'schrameckisation'". Jacques Pilhan, conseiller légendaire en communication politique, décédé en 1998, "pensait qu'il y a des lois pour la communication présidentielle, ce qui est une blague". "Il prônait la rareté de la parole mais cela valait pour Mitterrand, minoritaire politiquement, qui du coup faisait jouer à plein la logique présidentielle. Ou pour Chirac", explique Stéphane Rozès. Quant à Olivier Schrameck, directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon, il incarne aux yeux du président de CAP la prééminence des "technos". "Avec eux, on est toujours dans le comment et jamais dans le pourquoi".

"Normalement l'Elysée, c'est le pourquoi, et Matignon, c'est le comment. Sous Sarkozy, qui concentrait le pouvoir, l'Elysée, c'était le pourquoi et le comment ensemble", poursuit Stéphane Rozès. "Pour les Français et pour les journalistes, qui sont comme les Français, tout doit être bien réglé".

"Actuellement, les Français ont retrouvé leur pessimisme", souligne le politologue. "Il n'y a qu'à voir comment était traitée la rentrée dans les médias: plans sociaux, pouvoir d'achat. Mais ce n'est pas le sujet des Français, le sujet c'est: 'est-ce qu'on va sortir de la nasse?' Ils ne peuvent pas croire une seconde que la crise en Europe s'est arrêtée ou que le chômage va baisser. Leur sujet, c'est: 'est-ce que leur pays est sur la voie du redressement?'".

Pour Stéphane Rozès, Jean-Marc Ayrault "a commencé un récit" avec son discours du 27 octobre au congrès PS de Toulouse. "Il a parlé du nouveau modèle français". "Peut-être que son discours va aider François Hollande à le faire".

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