mardi 27 novembre 2012 17:18
Reporters sans frontières veut construire un Internet sans censure
par Camille Gévaudan
tag : liberté d’expression
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Juillet 2011 en Biélorussie : comme tous les mercredis depuis le début de l’été, les rues de Minsk accueillent une manifestation de citoyens frappant dans leur mains pour protester pacifiquement contre le gouvernement autoritaire, fraîchement réélu après un scrutin très contesté. Des manifestants sont embarqués par la police. Une journaliste de Radio Free Europe filme les arrestations. Sa caméra est confisquée, mais l’agent qui s’en empare oublie de l’éteindre et d’effacer l’enregistrement... Un an et demi plus tard, la vidéo est mise en ligne sur wefightcensorship.org, à la vue de tous. Cette nouvelle plateforme est une initiative de Reporters sans frontières, qui l’a présentée ce matin avec l’« objectif de rendre la censure caduque ». Elle veut accueillir tous les contenus qui peinent à émerger et à être diffusés sur la Toile pour des raisons de contrôle et de surveillance politique : vidéos, sons, articles et dessins de presse, photographies... N’importe qui peut envoyer un ou plusieurs documents à l’équipe éditoriale du site via une page dédiée , un peu comme le proposait WikiLeaks avant la grande affaire des câbles diplomatiques. Les contenus sont ensuite étudiés, « sélectionnés » par un comité éditorial puis enrichis « d’un texte de présentation du contexte et de l’auteur » avant leur mise en ligne, pour mieux « apprécier leur valeur informative ». Les documents ainsi publiés deviennent de véritables petits dossiers. Celui sur la situation de la presse en Érythrée, par exemple, comporte à la fois « l’un des derniers articles de la presse indépendante » du pays paru en 2001, le communiqué du gouvernement annonçant le lendemain « la suspension jusqu’à nouvel ordre de la presse privée », et un fichier mp3 pour entendre la lecture de ce communiqué à la radio. « Reporters sans frontières propose ainsi un outil de dissuasion pour inciter les États et autres pouvoirs à respecter la liberté de l’information, explique Christophe Deloire, directeur général de l’ONG. Cette liberté qui permet de vérifier l’existence de toutes les autres... » Il voit dans cette initiative un moyen d’amplifier l’effet Streisand, qui veut que les velléités de censure sur Internet finissent par avoir les conséquences inverses, en focalisant l’attention sur l’information à taire, et donc et en incitant sa diffusion. « Nous souhaitons démontrer que priver l’auteur d’un article de sa liberté, saisir des exemplaires d’un journal ou bloquer l’accès à un site d’hébergement vidéo n’empêchera pas le contenu lui-même de faire le tour du monde, au contraire. » Reporters sans frontières appelle d’ailleurs les internautes à copier le site Wefightcensorship sur des serveurs « miroirs », en leur donnant le mode d’emploi technique pour le faire. Ainsi, il devient inutile pour les censeurs gouvernementaux de couper l’accès de ses citoyens à Wefightcensorship, puisqu’il sera possible et facile d’en créer des répliques à l’infini. D’autres outils anti-censure sont mis à disposition des cyber-militants dans un « kit de survie numérique » : on y apprend à chiffrer ses e-mails, effacer les métadonnées susceptibles de trahir l’origine des documents sensibles, ou encore configurer un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner les filtrages gouvernementaux. Le site n’est pour l’instant lisible qu’en français et en anglais, mais ne demande qu’à s’enrichir de langues supplémentaires (notamment grâce aux bénévoles qui voudront donner un coup de main) pour maximiser son impact. A lire également : Les « ennemis d’Internet » : « Ils ont peur de perdre le contrôle »
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