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Va-t-on enfin réussir à mettre au pas les paradis fiscaux ?

Va-t-on enfin réussir à mettre au pas les paradis fiscaux ?

Source : Capital
16/10/2013 à 05:00 / Mis à jour le 16/10/2013 à 05:00
© REA
Cette fois ça y est, les Etats-Unis et l’Europe ont décidé d’en finir avec ces Etats corsaires, où les fraudeurs peuvent manœuvrer à l’abri. Mais il reste encore du travail.

On ne va peut-être pas aller jusqu’à les prendre en pitié, mais c’est tout de même cruel : cela fait deux fois que les paradis fiscaux assistent à leur oraison funèbre. La première, c’était il y a quatre ans, à l’issue du G20 de Londres. A l’époque, les dirigeants les plus puissants de la planète nous avaient juré, la main sur le cœur, que les heures de ces confettis de la finance étaient comptées. En juin dernier, à l’occasion du sommet du G8 en Irlande du Nord, la sentence a de nouveau été prononcée contre ces territoires délinquants. Un nouveau coup de bluff ? Peut-être pas. Car, cette fois, l’Oncle Sam s’est doté d’une arme de destruction massive pour leur régler leur compte : une loi qui lui permet de contraindre n’importe quelle banque de la planète à transmettre des informations sur les avoirs ­financiers détenus par les Américains. Et de faire définitivement la peau au secret bancaire. Le cauchemar des Suisses !

Du coup, les Européens s’y mettent également : ils préparent en ce moment un texte de la même eau. Il faut dire qu’ils croulent sous les dettes et ne peuvent plus se permettre de laisser leurs contribuables profiter de ces espaces protégés pour berner le fisc. Il faut dire aussi que leur opinion publique est désormais d’accord pour agir. D’abord parce qu’elle a été scandalisée par une série d’affaires retentissantes – les aveux de Jérôme Cahuzac, les petits trafics des Italiens Domenico Dolce et Stefano Gabbana au Luxembourg, le compte en Suisse du président du Bayern Munich ou encore les juteuses magouilles de Mgr Scarano, un prélat du Vatican. Et puis parce que la base de données d’Offshore Leaks, le fameux réseau à l’origine de révélations sur les paradis fiscaux, est désormais disponible au grand jour. Et que tout le monde peut aujourd’hui consulter sur Internet les liens entre la filiale offshore d’une grande banque et ses bénéficiaires.
Mais suffit-il de le vouloir pour parvenir à mettre au pas tous ces Etats corsaires ? Ce n’est pas sûr, tant l’univers des paradis ­fiscaux est insaisissable. En attendant qu’on y parvienne, ces pages devraient vous ­aider à y voir un peu plus clair dans ce dossier très opaque. Et à comprendre les colossaux enjeux qui se cachent ­derrière les palmiers des Caraïbes et les ­sommets enneigés des Alpes.

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?

Placer son argent dans un paradis fiscal sert à échapper au fisc, mais pas seulement. Ces territoires permettent aussi de fuir les lois et les réglementations, le plus souvent sous le sceau de la confidentialité. Et si, en anglais, on parle de places «off­shore», c’est bien que ces havres fiscaux réservent en général leurs privilèges aux non-résidents. Combien la planète en compte-t-elle ? Difficile à dire avec précision. Tenue par le souci diplomatique de ne froisser personne, la France n’en comptabilise officiellement que huit, pour le moins exotiques (le Botswana, Montserrat, l’île de Nauru, l’île de Niue…), l’OCDE en a dénombré jusqu’à 84 avant de réduire sa liste à zéro, tandis que l’ONG Tax Justice Network en recense 71. Chacun de ces Etats a sa spécialité : la Suisse est parfaite pour cacher les grandes fortunes, Jersey pour transmettre un patrimoine, les îles Caïmans pour accueillir les fonds spéculatifs, Hong Kong pour établir une société-écran… Leur point commun ? «Ce sont tous des places sûres, dotées d’un service bancaire de qualité», observe Nicholas Shaxson, auteur britannique du best-­seller «Treasure Islands».

En quoi sont-ils nuisibles à l’économie mondiale ?

En plus de priver les Etats de la bagatelle de 255 milliards d’euros de revenus fiscaux chaque année (35 milliards rien que pour la France) et de faciliter la vie des mafias, qui peuvent y laver discrètement leur ­argent sale, ces zones non contrôlées bloquent toute régulation efficace de la ­finance mondiale. Les fonds qui viennent s’y réfugier ne sont en effet soumis à ­aucune norme prudentielle et brassent des sommes considérables hors de tout contrôle. Selon les calculs du Boston Consulting Group, le volume mondial des dépôts offshore s’élève à 5 995 milliards d’euros. «Depuis les Bahamas, les hedge funds prennent des risques énormes, ­spéculent sur l’éclatement de la zone euro ou le prix du maïs, plus personne ne sait qui fait quoi», s’insurge Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE. C’est extrêmement déstabilisant pour l’économie. Leurs ­défenseurs font cependant valoir que les zones offshore facilitent les investissements internationaux à travers des joint-ventures, offrent un havre de stabilité pour les affaires et servent de garde-fous aux autres Etats qui, sans leur existence, ­seraient tentés de taxer encore plus.

Faut-il mettre dans le même sac paradis fiscaux et dumping fiscal ?

La France, un paradis fiscal ? Cette façon de voir les choses ferait se tordre de rire le premier contribuable venu. Et pourtant, sans parler des pratiques fiscales de Monaco, d’Andorre, de Saint-Barthélemy ou encore de la Polynésie française, notre pays est bien une terre d’élection pour les entreprises bénéficiant du crédit d’impôt recherche. Ce mécanisme leur permet en effet de défalquer de leur feuille d’impôts leurs dépenses en R & D, ce qui peut alléger considérablement la note. Nos voisins offrent, eux aussi, des niches alléchantes. Les Pays-Bas proposent un régime d’exonération des dividendes particulièrement favorable aux sociétés holdings, la Belgique exonère les plus-values sur actions, l’Irlande pratique un taux d’impôt sur les sociétés qui fait le bonheur des multinationales américaines (Apple, Amazon, Starbucks…), et le Royaume-Uni attire les cadres aux gros revenus avec son statut ­fiscal pour les «résidents non domiciliés». En réalité, tous les pays européens ou presque ont gardé sous le coude un dispositif agressif. Mais, contrairement aux ­paradis ­fiscaux, ce dumping se fait à visage découvert, les règles sont connues et il n’y a pas de flux financiers cachés.

 
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