L'Europe met la pression sur les paradis fiscaux

Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, et son homologue danoise, Helle Thorning-Schmidt, en discussion avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en mars dernier, à Bruxelles.

Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, et son homologue danoise, Helle Thorning-Schmidt, en discussion avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en mars dernier, à Bruxelles. Crédits photo : YVES HERMAN/REUTERS

Le sommet de l'Union européenne, aujourd'hui, marquera une étape supplémentaire dans la fin des paradis fiscaux. L'Autriche et le Luxembourg résistent encore.

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Le soufflé pourrait-il retomber? Six semaines après avoir pronostiqué la mort imminente du secret bancaire et la fin de l'évasion fiscale à l'échelle de l'UE, les Européens semblent sur le point de se laisser dicter le tempo par les deux derniers bastions de la dissimulation des revenus: l'Autriche et le Luxembourg.

Le sommet express de l'UE ce mercredi après-midi visait initialement à tordre le bras du chancelier Werner Faymann et du premier ministre Jean-Claude Juncker, au cas où ils persisteraient à refuser l'échange automatique d'information fiscale exigé par les grands, à commencer par la ­France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Dans les faits, la pression européenne s'est relâchée, le Luxembourg lui-même s'est raidi et le rendez-vous qui réunira les 27 dirigeants de l'UE risque de se solder par une demi-mesure.

Une discussion difficile

De sources françaises, allemandes et britanniques, le sommet pourrait se contenter de «confirmer» au plus haut niveau un accord noué il y a huit jours avec Vienne et Luxembourg, à l'échelon des ministres des Finances. À travers ce compromis, les deux capitales ont réussi à gagner du temps: ­elles conditionnent toute remise en cause de leur secret à une transparence fiscale accrue de la part des places financières concurrentes situées hors de l'UE, comme la Suisse, Monaco ou le Liechtenstein. Au désespoir de la Commission et de Paris, cela revient à accorder au gouvernement fédéral de Berne un quasi-droit de veto sur la loi européenne…

Au nom du Luxembourg, Jean-Claude Juncker a déjà douché les attentes, affirmant qu'il ne lui serait «pas possible d'aller au-delà» de l'accord déjà noué entre ministres le 14 mai. L'Autrichien Werner Faymann a multiplié les signaux conciliants à l'approche du rendez-vous. Mais son pays, à la différence du Grand-Duché, ne s'est jamais formellement engagé ni sur la fin du secret bancaire, ni sur un calendrier pour le faire disparaître. La discussion «s'annonce très difficile», concède un ambassadeur. Au sommet, deux voix au moins pourraient donc manquer à l'unanimité indispensable à toute avancée fiscale.

L'Europe, bloquée depuis 2005 par l'obstruction des deux pays, craint de voir ainsi paralysée sa nouvelle dynamique. De fait, c'est bien la «croisade» antifraude lancée après l'affaire Cahuzac et les fuites Offshore Leaks qui risque de se retrouver dans l'ornière. Au contraire du recoupement ­fiscal systématique des non-résidents inspiré par le système américain Fatca et ouvertement souhaité par trois capitales sur cinq, l'UE reste armée d'un filet rapiécé et aux mailles trop larges: dans l'Union, l'échange d'information ne porte encore que sur les intérêts de l'épargne, et non pas sur les gisements de richesses que sont, pour le fisc américain, les salaires, les retraites et les plus-values en capital des non-résidents.

«Une condition essentielle»

Inquiètes, les trois grandes institutions européennes ont appelé mardi les chefs d'État et de gouvernement à se ressaisir, tant qu'il est temps. José Manuel Barroso voudrait que les Vingt-Sept systématisent dès 2015 l'échange d'information sur toutes les formes de revenus. L'évasion fiscale pèse 1.000 milliards d'euros, dit-il, «soit le double ou presque des déficits combinés des États de l'UE». Hermann Van Rompuy, qui présidera le sommet, a fixé l'enjeu: lutter contre l'évasion «est une condition essentielle pour faire accepter le coût politique et social du redressement budgétaire».

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183 commentaires

  • Pour régler la question de la domiciliation fiscale des bénéfices, les multinationales comme Amazon, Google, Yahoo ou Starbucks ont trouvé une parade qui consiste à faire sortir de leurs organigrammes respectifs les filiales (51% ou contrôle) situées dans des paradis fiscaux en leur substituant des affiliées ou, mieux encore, des sociétés totalement indépendantes contrôlées indirectement au travers des holdings et gérées par des sortes de "family offices" (voir le recent article du WSJ). Dorénavant, les transactions se feront à "arm's length", de fournisseur de biens et services à client, avec pour ces multinationales le même résultat que celui qui existait auparavant, c'est à dire que l'essentiel des profits demeurera dans les paradis fiscaux, hors de portée des percepteurs et simultanément c'est bon pour la communication de ces groupes qui peuvent dire qu'ils se sont retirés des paradis fiscaux.

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    Cela me fait toujours pouffer quand on qualifie la France de "grand pays" quand on voit les amateurs qui sont censés la gouverner et les veaux qui la composent comme disait fort justement le Général ...

  • Tous aussi irresponsables, tous aussi faux-jetons !Il n'ont aucune envie de régler les problèmes qui se posent à l'Europe et qui la minent. Les paradis fiscaux sont toujours présents, alors que vaut leur....crédibilité ?

  • Etait-ce vraiment une bonne idée la libre circulation des marchandises et des capitaux en Europe et la suppression des droits de douanes ????

    Marre de cette Europe qui tue nos emplois !!!

    Tous derrière DUPONT-AIGNANT et « Debout la République » !!!

    Le seul vrai Gaulliste à défendre une Europe des états souverains !!!

    http://www.debout-la-republique.fr/

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    Supprimez les enfers fiscaux , et les paradis fiscaux n'auront plus de raison d'être. Pour celui qui travaille dur ,et voit plus de 50% de ses revenus prélevés par l'Etat , directement et indirectement ,la fraude fiscale est une mesure de légitime défense.

    • Légitime défense ou une excuse que l'on se donne pour gagner encore plus d'argent. C'est vrai que les milliardaires de la planète, qui n'ont pas besoin de plus pour vivre, arrètent de courir après les profits lorsqu'ils ont atteint leur premier milliard n'est-ce-pas? Mettez les impôts à 50% et les exilés fiscaux vont réapparaître prétextant que 50% c'est trop parce que chez le voisin c'est seulement 40%.

  • Je reformule : A chaque fois que je vois le chef de cette grosse Commission, le mot "empaillé" me vient à l'esprit.

  • Ils peuvent toujours rêver en couleur : pour un paradis fiscal supprimé, 10 ouvriront leurs portes. La transparence est une grosse mascarade, lorqu'on sait que les partis polituqes profitent eux-mêmes du système (campagnes électotales, rétrocommissions, ventes d'armes, etc.). Évidemment, ceux-là ne seront jamais inquiétés, encore moins condamnés... Si vous étiez riche, que feriez-vous pour échapper à la pression fiscale qui finance 5 millions de fonctionnaires et autres assistés?

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    Si cette reculade assurée n'était pas immédiatement contrée par appel au fédéralisme des principaux des dirigeants des plusieurs des grands peuples, les confettis vont se croire tout permis. Il faut en finir avec les traités de ravaudeuses.