Il n'a pas réussi à décrocher un débat avec Hollande. Tant pis... Jean-Luc Mélenchon veut porter le fer avec l'autre François. Ce jeudi, le représentant du Front de gauche à la présidentielle a lancé sa nouvelle offensive anti-Bayrou. Mélenchon a choisi un bureau de l'Assemblée nationale pour jeter son gant au visage du leader du Modem, officiellement candidat depuis mercredi. Une «contribution» au débat présidentiel: «Je l'ai fait avec Mme Le Pen, j'aurais plaisir à le faire avec M. Bayrou [...] Il passerait un moment assez vivifiant et tonique car il ne pourrait pas se réfugier derrière des formules aussi creuses.»

Mélenchon et Bayrou, c'est déjà une longue histoire d'affrontements politiques. Sur la laïcité d'abord. Lorsqu'en 1993, ministre de l'Education nationale d'Edouard Balladur, le second soutient une proposition de loi pour réformer la loi Falloux et permettre un financement public des écoles privées. Sénateur PS de l'Essonne, Mélenchon prend alors la tête de l'opposition socialiste au Palais du Luxembourg contre le texte (voir vidéo sur le site de l'INA).

Sur le programme politique ensuite. Mélenchon le répète depuis sa sortie du PS en 2008: pendant la campagne de Ségolène Royal, il était chargé, avec l'actuel président du Sénat Jean-Pierre Bel, de rédiger l'argumentaire anti-Bayrou. «Malheureusement nos talents d'auteurs avaient été cruellement meurtris par la suite des événements car à peine le document était-il parti dans les sections socialistes que la candidate, changeant d'avis, s'était mis en tête de rallier M. Bayrou», s'amuse-t-il à rappeler devant les journalistes. Tout cet argumentaire a été soigneusement recyclé par ses troupes en une brochure pour la campagne présidentielle.

Hollande et Joly font «allégeance» au «club des austères»

Après le «capitaine de pédalo» Hollande, Mélenchon s'attaque au «politicien roublard» Bayrou, «un fantôme de [l'économiste ultralibéral] Hayek et des monétaristes sous un emballage qui est appelé centre». Et si le premier est un «concurrent» à gauche, celui du Modem est un «adversaire». «Vous n'avez pas reconnu le loup dans son déguisement d'agneau», prévient Mélenchon, critiquant le «moment de tendresse incompréhensible» d'Eva Joly à Bayrou mercredi soir sur Canal+. «Je ne sais pas si Mme Joly mesure que ses objectifs sont radicalement contradictoires avec quelque gouvernement commun que ce soit avec François Bayrou», avertit le candidat Front de gauche pour qui la représentante d'Europe Ecologie-Les Verts en 2012 «donne un signal assez négatif pour la gauche». «Ca rend la tâche plus rude pour nous, larmoie-t-il. Car chaque fois qu'il y en a un qui craque, que ce soit Hollande, que ce soit Eva Joly, qui viennent faire allégeance au club des austères, nous devons porter sur notre dos la totalité le travail à faire de déconstruction, de démystification». Pendant ce temps, Bayrou «s'avance sous toutes les acclamations conjointes de ses concurrents». Sauf les siennes.

«FMI à domicile»

Pour le député européen, le centre n'existe pas. Bayrou est «de droite». Pour preuve, ce que le candidat Modem propose pour sortir de la crise. Après Strauss-Kahn et Hollande, c'est au tour du député des Pyrénées-Atlantiques d'être rhabillé en «bon docteur» dont le «remède [...] tuera le cheval sur lequel il sera monté». La règle d'or qui inscrirait l'équilibre budgétaire dans la Constitution comme le demande Bayrou? Une «erreur de médication». Comme le «plan de rigueur» de «100 milliards» d'euros dont «50 milliards de moins de dépense publique», dénonce Mélenchon. Mais «il se garde bien de dire combien ça fait de moins d'instituteurs, de policiers, etc.», critique-t-il.

L'ancien socialiste pourfend aussi les «50 milliards de moins retirés des revenus des français»: «A-t-il prévu de taxer le capital comme le travail? Non! Tout le contraire! Il est partisan de la TVA sociale [et] propose d'augmenter de deux points toutes les TVA! [...] C'est une ponction gigantesque!» Pour Mélenchon, Bayrou ne propose rien d'autre à la France qu'un «FMI à domicile». «Comment François Bayrou et les socialistes peuvent imaginer que l'on va faire une politique de gauche - une politique de relance de l'activité, de relance [...] avec la règle d'or et avec un gars qui nous dit que s'il y a un problème ce n'est pas la faute des banques, c'est la faute des Etats?» interpelle l'ex-PS.

«Assurance anti-Bayrou»

Quant à l'appel du candidat Modem «d'acheter Français», Mélenchon le qualifie de «vaste plaisanterie»: «Quand vous montez dans une Renault, il y a deux chances sur trois pour que vous montiez dans une voiture construite dans une voiture construite à l'étranger». Lui prône une «réindustrialisation» par «la planification écologique» contre les «vieilles recettes éculées du libéralisme» de Bayrou, un participant à la «vieille danse des politiciens qui cherchent à se donner un air de nouveauté alors qu'ils ne font que répéter les mêmes formules depuis dix ans, depuis quinze ans». Mélenchon en appelle lui aux électeurs socialistes: s'il y en a «deux à trois millions qui choisissent le bulletin FG, ils auront acheté une assurance anti-Bayrou.» Défi lancé.

Lilian ALEMAGNA
Élections 2012