#publisher Taille du texte: + - Accueil > Hippocrate > Archives > Hippocrate > L'effet placebo * Hippocrate: Cette semaine * Hippocrate - le magazine * Médecines alternatives * Maladies et thérapies * Vidéos * Archives * Le chocolat * L'effet placebo 20/06/06 * Envoyer à un ami L’effet placebo - le pouvoir thérapeutique de l’illusion Des millions de médicaments sont produits chaque année à travers le monde. Leur rôle est de guérir ou au moins d’atténuer les souffrances des patients. Mais quels sont réellement les effets des substances actives présentes dans les médicaments ? Et quels sont les autres facteurs qui permettent de lutter contre les causes et les symptômes de la maladie ? Aujourd’hui, nous savons que l’efficacité d’un médicament dépend pour une grande part de la confiance du patient. Il doit être convaincu que le traitement va permettre de soulager ses douleurs et ses souffrances. Afin de dissocier le rôle de la substance active de l’aspect psychologique, on effectue des études cliniques comparant de nouveaux candidats-médicaments et des préparations inactives, appelées placebos. Ces placebos ont exactement la même forme et la même couleur que les vrais médicaments. Lors de ces tests, les candidats-médicaments doivent apporter la preuve de leur efficacité, indépendamment des attentes du patient. A la clinique de psychiatrie et de psychothérapie de l’Université de Tübingen, on teste l’efficacité de substituts nicotiniques sur un groupe de fumeurs. L’objectif des chercheurs est, ici, de comparer l’efficacité des chewing-gums à la nicotine par rapport aux gommes placebo. Les participants à l’étude ont été informés que seule la moitié d’entre eux allaient bénéficier de gommes à la nicotine, les autres recevant un placebo. Les cobayes se sont rendus à intervalles réguliers au service de consultations externes de la clinique, où les médecins ont contrôlé l’évolution de leur tabagisme. Environ 10 semaines après le début du traitement nicotinique de substitution, les médecins ont observé un taux de réduction voire d’abstinence d’environ 20 %, soit le double du taux rencontré chez les personnes à qui l’on avait donné des gommes placebo. Dans le groupe placebo, le taux atteignait tout de même 10 à 11 %. Le pouvoir thérapeutique de l’illusion Dans presque toutes les études de ce genre, une partie des cobayes ayant bénéficié d’une préparation inactive ont constaté une amélioration de leur état de santé. « Placebo » est un mot latin signifiant « je plairai ». Ces préparations ne contenant aucune substance active ont un effet positif sur les cobayes. Dans l’effet placebo, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Premièrement, une personne peut spontanément constater une amélioration de son état de santé sans que cela soit à mettre sur le compte du médicament. Deuxièmement, le patient s’attend à ce que le médicament le soulage et la foi du patient peut déplacer des montagnes ! Chez certains patients, très influençables, la forme du médicament joue également un rôle. Une préparation n’a donc pas d’effet placebo en soi. Le traitement ne fait effet que si le patient est convaincu de son efficacité. La confiance que l’on place en son médecin joue également un rôle décisif. Par conséquent, tous les médicaments possèdent, en plus de l’effet réel de la substance active, un effet non spécifique : l’effet placebo. Que se passe-t-il réellement dans notre cerveau? Quels sont les mécanismes responsables de cette attente positive ? Quelles substances émises par le cerveau permettent de soulager la douleur ? Les scientifiques tels que le psychologue fribourgeois Harald Walach ont pour objectif de décoder tous les mécanismes de l’effet placebo : « Ce phénomène repose sur des processus psychologiques, à savoir la perception, la foi et l’espoir. Ces processus psychologiques provoquent inévitablement dans notre cerveau des modifications liées à la libération de substances chimiques, responsables de la transmission de messages entre nos cellules nerveuses. Ces substances ont également des effets immunologiques. Elles modifient la réponse du système immunitaire et stimulent le métabolisme. C’est le principe même de l’effet placebo. » Opérations placebo ? Les gélules et les comprimés ne sont pas les seuls à avoir un effet placebo. Dans des études cliniques, les substances inactives sont parfois administrées par injection. Sous cette forme-là, les résultats sont encore plus probants. En effet, plus un traitement est invasif, plus il paraît efficace. Il va sans dire que les opérations chirurgicales bénéficient également de l’effet placebo. De nombreux patients sont convaincus des bienfaits d’une intervention chirurgicale et dans la majorité des cas, leurs problèmes disparaissent après l’opération. De nombreuses pratiques s’appuyant sur une très longue expérience n’ont jamais été évaluées de manière scientifique. On considère que 20 % au maximum des opérations ont fait l’objet d’une telle démarche. C’est pourquoi, au cours des dernières années, un nombre croissant d’études contrôlées par placebo ont été menées dans le domaine de la chirurgie. Jusqu’à présent, en Europe, seuls les Pays-Bas proposent des opérations placebo. Depuis quelques années, Johannes Jeekel, professeur à l’école de médecine de l’Université Erasmus de Rotterdam, a mis en place une étude visant à démontrer l’efficacité des opérations chirurgicales : « Le chirurgien doit savoir si l’opération est vraiment nécessaire. Car si vous opérez un patient sans raison valable, cela risque de lui faire plus de mal que de bien. Toutes les opérations nuisent plus ou moins à la santé du patient. Sans oublier que cela coûte cher à la société et rallonge les listes d’attente dans les hôpitaux. C’est pourquoi il est essentiel de savoir si l’opération est réellement justifiée. » Aux Etats-Unis, des opérations placebo avec arthroscopie du genou ont été réalisées. Là aussi, on a constaté une diminution des douleurs identique chez les patients réellement opérés et chez ceux ayant reçu un traitement placebo. Il est probable que d’autres opérations pourraient également profiter de cet effet placebo. C’est ce que doivent maintenant découvrir les médecins. Soulager la douleur Pendant des décennies, on n’a pas voulu croire à l’existence de l’effet placebo. Mais les recherches réalisées au cours de ces dernières années ont établi son existence irréfutable. A l’Institut Max Planck de psychiatrie, à Munich, les scientifiques du monde entier se penchent sur l’étude des processus qui régissent le corps humain. Les chercheurs savent déjà beaucoup de choses sur les mécanismes de l’effet placebo chez les patients qui souffrent de douleurs chroniques. Les neurotransmetteurs produits par notre organisme jouent un rôle majeur. En cas de douleurs intenses, nos neurones sont capables de fabriquer ce que l’on appelle des opiacés endogènes. Walter Zieglgänsberger: « Dans certaines situations, notre corps parvient à soulager la douleur grâce à la production de substances endogènes. Nous ne ressentons presque plus nos souffrances. Ceci est également possible dans les situations extrêmes. En cas de grand stress, des systèmes internes nous permettent de lutter contre la douleur. La conviction profonde du patient peut également déclencher le même type de processus. L’imagerie cérébrale nous permet, aujourd’hui, de voir que les régions du cerveau qui interviennent dans le traitement de la douleur peuvent être stimulées par ces opiacés endogènes. » Grâce à de tous nouveaux procédés d’imagerie, il est désormais possible d’étudier précisément l’action de ces opiacés endogènes. Depuis peu, il est même possible d’analyser vers quelles régions du cerveau sont acheminés les neurotransmetteurs et sur quelles structures cérébrales ils exercent leur effet apaisant. Mais comment pouvons-nous, sans médicament, agir activement sur la douleur et exercer une quelconque influence ? Les scientifiques ont décidé de réaliser une expérience pour vérifier si le fait de distraire l'attention des sujets avait des répercussions sur leur perception de la douleur. Les cobayes sont exposés à une forte chaleur. Ce stimulus douloureux est combiné avec un exercice de concentration. On demande aux sujets de se concentrer sur les couleurs projetées sur l’écran et d’appuyer sur le bouton correspondant à la couleur indiquée. Des examens radiologiques permettent d’observer les différents mécanismes mis en oeuvre à l’intérieur du cerveau. Les scientifiques sont parvenus à démontrer que les exercices de concentration permettaient de diminuer la sensation de douleur. A l’avenir, ces découvertes pourraient profiter aux patients qui souffrent de douleurs chroniques. Mais pour cela, ils devront apprendre à activer eux-mêmes ces processus cérébraux... La théorie du conditionnement classique A la clinique universitaire de Essen, les psycho-neuro-immunologues examinent le lien qui existe entre le système nerveux et le système immunitaire. On considère aujourd’hui que certaines fonctions corporelles peuvent être déclenchées par une réaction à un stimulus, acquise par apprentissage. C’est ce que l’on appelle la théorie du conditionnement classique. Le but de ces examens est de déterminer dans quelle mesure on peut conditionner les réponses immunitaires des rats, en utilisant uniquement un stimulus de conditionnement. On donne à boire aux rats un liquide dont ils ne connaissent pas encore le goût. Il s’agit en fait d’un mélange d’eau et d’édulcorant. Immédiatement après, on leur injecte un médicament qui diminue l’activité de leur système immunitaire. A plusieurs reprises, on a associé la prise du médicament au nouveau stimulus gustatif. Les animaux ont donc été conditionnés à ce nouveau stimulus gustatif. Au bout d’une semaine, on arrête les injections de médicament. Les rats ne reçoivent plus que de l’eau sucrée. Le stimulus gustatif suffisait désormais à provoquer des modifications de leur système immunitaire, un résultat que seul le médicament permettait d'obtenir auparavant. Cette découverte est-elle transposable à l’homme ? Nous avons administré le même médicament à des volontaires sains, à qui l'on a fait boire simultanément un liquide vert fluorescent au goût totalement nouveau. Au bout de la deuxième semaine, on leur sert la boisson verte, mais avec, cette fois-ci, un comprimé placebo ne contenant aucune substance active. Comme les animaux, les volontaires ont été conditionnés à ce nouveau stimulus. Une prise de sang devrait permettre de montrer l’impact de l’absorption simultanée de la boisson verte et de la gélule placebo sur le système immunitaire. Les examens sanguins ont effectivement montré un effet similaire, que l’on utilise le placebo ou le véritable médicament. Le système immunitaire des volontaires a été conditionné. L'effet placebo, quelle utilité? Les scientifiques espèrent pouvoir utiliser, un jour, ce conditionnement en complément du traitement médicamenteux des patients. Et ceci pour deux raisons : premièrement, pour réduire les effets secondaires des médicaments, et deuxièmement pour maximiser leur efficacité thérapeutique. Il est possible d’envisager l’utilisation de cette méthode pour les personnes qui viennent de subir une transplantation d’organe. Ces patients ont besoin d’une grande quantité de médicaments qui affaiblissent leur système immunitaire. C’est la seule façon d’éviter un rejet de l’organe greffé. Si l’organisme des transplantés pouvait limiter la réaction de rejet, on aurait besoin de moins de médicaments. Cela représenterait un progrès considérable pour de nombreux patients. Il va sans doute s’écouler beaucoup de temps avant que l’on puisse mettre tout cela en pratique. Mais une chose est sûre : l’effet placebo n’a rien de chimérique. ....................................................................... ......... HIPPOCRATE - Magazine de santé Mardi 27 juin 2006 à 14h00 Rediffusion du 1er février 2005 Rédactrice en chef : Heidemarie Petters Une coproduction ZDF-ARTE G.E.I.E. Edité le : Thu Jan 27 15:31:51 CET 2005 Dernière mise à jour le : Tue Jun 20 14:17:14 CEST 2006 Right Column IFRAME: iframe_right_column [Your user agent does not support frames or is currently configured not to display frames. However, you may visit Click here] Tous les droits de reproduction et de diffusion réservés © 2013 ARTE G.E.I.E. ARTE G.E.I.E. 4, Quai du Chanoine Winterer CS 20035 F- 67080 Strasbourg Cedex