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L'effet placebo et nocebo

Le terme de "placebo" est familier aux médecins et aux profanes et est souvent utilisé comme synonyme de manque d'efficacité, comme dans l'expression "seulement un effet placebo". L'effet des préparations utilisées en médecines alternatives et complémentaires est aussi souvent égal à ces placébos et de ce fait déprécié1. En tant que substances sans effet, les placébos sont souvent un élément essentiel pour les essais cliniques des médicaments.


Définition de placebo et nocebo

Le mot "placebo" tire son origine du latin "placere" et signifie littéralement "je plairai". Selon la définition classique, un placebo est un "faux médicament" sans substance pharmacologiquement active, et qui est indiscernable de l'extérieur d'un vrai médicament ("verum"). Le placebo ne peut pas en soi provoquer d'effet. Si effet il y a, il peut seulement être imputé à l'action de donner le placebo, i.e. le fait d'être administré par le médecin au patient. L'expression "effet placebo" de cet article fait mention à l'effet dû à l'administration d'un placebo.

Mise à part les placebos purs, qui ne contiennent que de l'amidon ou autre substance inerte, les placebos actifs existent. Il s'agit la plupart du temps de médicaments réels mais donnés à des doses sans effet ou, à cause de leur spectre d'action, qui n'ont aucun effet sur la maladie qui est étudiée. Lorsque le médicament testé est un de ceux qui a des effets secondaires caractéristiques que le patient remarquera, il est possible qu'un placebo actif soit utilisé qui provoquera les mêmes effets secondaires dans le groupe contrôle. Bien qu'il soit impossible de réaliser une étude en double-aveugle pour plusieurs médicaments sans adopter cette procédure, elle implique quelques difficultés éthiques7, 8.

Les patients qui prennent des placebos ne rapportent pas seulement les effets désirés, mais aussi des effets indésirés9. Le phénomène qui fait que des préparations sans substances actives peuvent avoir des effets rendant malades a, par analogie avec l'effet placebo, été imputé à l'"effet nocebo" (où "nocebo" signifie "je ferai mal")10. Une attitude négative, pessimiste de la part des patients, de mauvaises expériences avec des médicaments antérieurs, une information négative que le patient a reçue du médecin, du pharmacien et de la presse peuvent tous provoquer des effets secondaires, comme peut le faire le fait de lire la notice et sa longue liste d'avertissements11.


Histoire

Le premier test placebo documenté remonte aux études du scientifique naturaliste, qui deviendra plus tard Président des Etats-Unis, Benjamin Frankline2. A son époque, il y avait une méthode populaire pour soigner, propagée par le docteur allemand Franz Anton Mesmer et nommée après lui le "mesmérisme". Sous la direction d'un comité rassemblé par le Roi de France, Franklin réussit à renverser l'opinion selon laquelle le corps contenait un fluide qui pouvait être influencé de l'extérieur, et pouvait être guidé par la "mesmérisation", en montrant que la réussite du traitement dépendait exclusivement de la croyance que le mesmériste était présent. L'efficacité thérapeutique des médicaments est étudiée par le moyen d'études cliniques contrôlées contre placébo, en double-aveugle et randomisées depuis le milieu du 20° siècle.


Efficacité des placebos

L'estimation de l'effet des placebos a été pendant des décennies fortement colorée par l'influente publication de Beecher avec ce titre suggestif : "Le puissant placebo12". Ces termes représentaient à la fois le titre, le résumé et le texte. Dans sa publication de 1955, Beecher a analysé plusieurs études qui ont utilisé des placébos, dont la plupart étaient de lui, et en a tiré quelques conclusions décisives. Ces dernières incluaient que les placébos avaient un effet reproductible sur environ un tiers des patients; que plus les symptômes d'une maladie étaient fort, plus l'effet placébo était fort; et que l'effet placébo durait habituellement pendant longtemps.

Aucune de ces trois déclarations n'a été rigoureusement soumise à analyse dans des études suivantes. Premièrement, l'effet placebo montre une remarquable variabilité entre 7% et 49% des patients traités; deuxièmement l'effet placebo n'est pas corrélé avec la sévérité des symptômes; et troisièmement la durée de l'effet placebo varie à l'intérieur d'une large échelle de quelques minutes à plusieurs années6, 13.

Dans ses études, Beecher a aussi abordé la question d'une "personnalité placebo" qui permettrait de prédire la réponse. Cependant, les preuves de cette "personnalité" sont difficiles à trouver, à tel point que l'existence même de cette personnalité placebo, et de ce fait la prédictibilité de la réponse à un placebo, ont été décrits comme étant un mythe14. La discussion sur ce sujet a cependant été enrichie par la publication de Furmark et al. qui démontrait l'existence d'une disposition génétique à la réponse placébo2.

Ils ont montré qu'un polymorphisme de deux gènes, qui jouent un rôle important dans le métabolisme de la sérotonine, déterminait l'effet d'un traitement placebo pour la phobie sociale. Dans cette étude, le polymorphisme tryptophane-hydroxylase-2 permettait une prédiction statistique significative de l'effet placebo avec une précision de 70,8%. Etant donné qu'il a été montré que la sérotonine jouait un rôle dans certaines régions du cerveau (par ex. l'amygdale) dans la pathogenèse de cette maladie et dans son traitement avec des inhibiteurs de capture de sérotonine, il semble plausible que cette substance apportée joue aussi un rôle dans la réponse placébo. A partir de là, les médias ont fait des généralisations abusives en parlant d'un "gène placébo", ce qui est trompeur et exagéré car cette sensibilité génétique est associée seulement à un ensemble de symptômes d'un seul mécanisme d'effet spécifique.

L'effet placebo varie en force pour différentes indications. Deux analyses rétrospectives d'un total de 156 études cliniques ont montré que, en comparaison d'une absence de traitement, le traitement placebo avait une influence significative et efficace sur des mesures subjectives, mais très peu sur des mesures continues objectives15, 16. Cependant, une étude sur des patients qui avaient de la tension a montré que les valeurs de la tension systolique et diastolique étaient réduites par un placebo, et que c'était le cas à la fois pour les mesures de tension sanguine prises par un médecin dans un hôpital, et pour les mesures de tension prises automatiquemente3.

Les placebos n'ont pas d'effet sur les mesures binaires subjectives ou objectives (oui/non), par exemple la rechute après un retrait de la nicotine15, 16. D'un autre côté, ils peuvent être très efficaces sur des mesures continues subjectives, comme la douleur. Le simple fait de dire à un patient qu'on lui a donné un anti-inflammatoire puissant peut avoir des effets analgésiques notables. Des rhumatologues anglais ont analysé 198 études contrôlées contre placebo de patients atteints d'arthrite, et ont montré qu'un placebo non seulement réduisait la douleur, mais améliorait aussi la fonction et réduisait la raideur des articulations17.


Les mécanismes de l'effet des placebos

Selon les théories courantes prédominantes et prouvées, les mécanismes principaux de l'effet placebo sont des réflexes conditionnés et les attentes des patients6. C'est-à-dire que des phénomènes conscients et inconscients sont à l'oeuvre.

Les Reflexes conditionnés

La définition du réflexe conditionné renvoie aux études historiques de Pavlove4. Pavlov avait observé, dans une étude expérimentale avec des chiens, que la vue de la nourriture stimulait leurs sécrétions gastriques. Si la nourriture était présentée en même temps qu'un signal sonore, après une courte accoutumance, le signal sonore seul suffisait pour provoquer les secrétions gastriques. La plupart des patients ont vécu l'expérience dans leur vie de prendre des médicaments et de trouver qu'ils amélioraient leurs symptômes.

Par conséquent, si, quand ils avaient de nouveaux symptômes, on leur donnait un médicament, ils supposaient inconsciemment que cela les aiderait encore. La conséquence de cette attitude est que même un placébo peut être efficace. Cependant, si les patients remarquent que les nouveaux médicaments les aident moins que les précédents, cette attitude positive diminue, comme le fait l'effet de la prochaine administration de placébo. En d'autres termes, le patient devient déconditionnée5.


Pour aller plus loin :
- Le mystère du placebo. Patrick Lemoine.
- Le Mystère du nocebo. Patrick Lemoine.
- L'effet placebo : Un voyage à la frontière du corps et de l'esprit. Ivan O. Godfroid.
- L'effet placebo : Le pouvoir de guérir. Danielle Fecteau.
- Placebo : Le remède des remèdes. Collectif.

A visiter :
- Pharmacologie du placebo.
- Les Actualités sur le placebo.
- Que contrôle-t-on dans les études contre placebo ?
- Les thérapies alternatives et la psychologie de la croyance.

Références :
1. Shang A, Huwiler-Müntener K, Nartey L, et al. : Are the clinical effects of homeopathy placebo effects? Comparative study of placebocontrolled trials of homeopathy and allopathy. Lancet 2005; 366: 726-32.
2. Furmark T, Appel L, Henningsson S, et al.: A link between serotoninrelated gene polymorphisms, amygdala activity, and placebo-induced relief from social anxiety. J Neurosci 2008; 28: 13066-74.
3. McQuay HJ, Moore RA: Placebo. Postgrad Med J 2005; 81: 155-60.
4. Schönbächler G: Placebo. Schweiz Med Forum 2007; 7: 205-10.
5. Enck P, Benedetti F, Schedlowski M: New insights into the placebo and nocebo responses. Neuron 2008; 59: 195-206.
6. Oeltjenbruns J, Schäfer M: Klinische Bedeutung des Placeboeffektes. Anaesthesist 2008; 57:447-63.
7. Quitkin FM: Placebos, drug effects, and study design: a clinician's guide. Am J Psychiatry 1999, 156: 829-36.
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9. Barsky AJ, Saintford R, Rogers MP, Borus JF: Nonspecific medication side effects and the nocebo phenomenon. JAMA 2002; 287:622-627.
10. Kennedy WP: The nocebo reaction. Med World 1961; 95: 203-205.
11. Benedetti F, Lanotte M, Lopiano L, Colloca L: When words are painful: unravelling the mechanisms of the nocebo effect. Neuroscience 2007;147: 260-71. 12. Beecher HK: The powerful placebo. JAMA 1955; 159: 1602-6.
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