1. Définitions

Définition de l'effet placebo: écart positif entre le résultat thérapeutique constaté et l'effet prévisible d'un traitement. Lorsqu'on donne un traitement à un patient, son effet thérapeutique est connu. Parfois, l'effet constaté par le patient peut être différent de l'effet attendu, notamment exagéré. L'écart entre ces deux effets est l'effet placebo. Tout médicament et toute personne sont susceptibles de développer un effet placebo.

L'effet placebo peut être observé chez un homme sain ou malade, chez l'adulte, l'enfant, le nourrisson et l'animal. Ainsi, lorsque l'on effectue des essais précliniques d'une substance, on commence toujours par l'injection d'une molécule non médicamenteuse puis par l'étude des effets de la molécule médicamenteuse afin de soustraire de l'effet thérapeutique l'effet placebo.

L'effet placebo peut s'observer sur:

  • les signes fonctionnels: douleur (un des signes qui répond le plus à l'effet placebo), l'insomnie, l'anxiété
  • les signes physiques: constantes biologiques dosées dans le sang, pression artérielle, rythme cardiaque, diamètre des pupilles.

Définition de l'effet nocebo: nocebo signifie "nuire". L'effet nocebo désigne l'écart négatif entre le résultat thérapeutique constaté et l'effet prévisible d'un traitement.

2. Découverte

La découverte de l'existence de l'effet placebo par Bernard J. remonte aux années 1947. Au cours d'une expérience, la moitié des patients ont reçu une injection de Streptomycine, l'autre moitié une injection d'eau distillée. Cependant, tous les patients ont présenté une amélioration avec notamment une diminution significative de leur fièvre. Cependant, les patients sous placebo ne montraient pas de disparition définitive de leur fièvre contrairement aux patients sous Streptomycine.

3. Pourcentages d'amélioration subjective par administration de Placebo

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4. Effets négatifs du placebo

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5. Caractéristiques de l'effet placebo

  • latence d'action faible
  • pic d'activité rapide
  • durée d'environ deux semaines
  • relation dose / effet: l'effet sera d'autant plus important que la dose augmente
  • dépendance possible: si arrêt brutal de la substance placebo, le patient peut présenter un syndrome de manque
  • effets indésirables: effet nocebo

6. Facteurs qui influencent l'effet placebo

6.1. L'objet: le nom, la couleur, la forme, le gout...

6.1.1. Le nom

Le nom de la substance influence de façon importante l'effet placebo. Par exemple, le médecin de Napoléon était spécialisé dans le soin de la constipation des femmes de la cours. Il leur prescrivait un médicament, le Mica Panis, qui n'est autre que de la mie de pain. Aujourd'hui, les firmes pharmaceutiques ont compris l'importance du vocable attribué aux substances.

Ananxyl®: anxiolytique. "an" préfixe privatif et "anxyl" renvoie à l'anxiété d'où "qui supprime l'anxiété".

Seresta®: stabilisateur de l'humeur. "Seres" Désigne la sérénité et "sta" la stabilité.

Pondéral®: pondérer le poids

Dynabolon®: stimule les personnes fatiguées

Urbanyl®: anxiolytique: évoque l'anxiété liée à la ville, à l'urbanisme.

Le préfixe peut parfois chercher à tirer vers le haut le patient écrasé par la maladie: Surelen®, Survector®, Prozac®, Promontil®, Ascensyl®

Le médicament peut également évoquer les mystères de l'alchimie: Sargenor®: qui génère de l'or et "athanor" qui est le fourneau des alchimistes.

6.1.2. La couleur

Le jaune renvoie au foie (couleur de la bile, des troubles hépatiques)

Le vert renvoie à la nature, à l'écologie, à la non pollution de l'organisme

Le bleu renvoie au ciel, aux layettes des nouveau-nés

Des anxiolytiques comportant la même dose de Diazépam seront plus efficaces en comprimés bleus ou verts qu'en comprimés rouges ou jaunes.

Le jaune vif et le roge sont atribués aux stimulants, le marron aux laxatifs.

6.1.3. Le gout, la forme

Il est coutumier d'entendre "c'est mauvais mais c'est pour cette raison que c'est si efficace".

Au niveau de la forme, deux hypothèses sont évoquées rendant les petits médicaments aussi puissants que les gros. Un gros comprimés est supposé contenir plus de principe actif donc serait plus efficace qu'un petit. Cependant, on évoque également une plus grande concentration des petits comprimés "petit mais costaud!".

6.2. Les modalités thérapeutiques

6.2.1. Le rituel de la prescription

La force de l'ordonnance

Entrent en compte dans l'effet placebo:

  • la texture du papier, la typographie, l'en tête
  • la liste des diplômes, titres et qualifications: plus ils sont nombreux, plus l'effet placebo sera important
  • l'illisibilité de l'écriture. Ce dernier point est également retrouvé comme influençant l'effet placebo chez les chinois et les arabes. Une écriture illisible évoque la formule incantatoire que seul le pharmacien peut décrypter. De plus, lorsqu'un médicament devient disponible sans ordonnance, il perd une partie de son efficacité.

La complexité de la prescription

Plus le traitement est complexe, plus il sera rapidement efficace.

Au cours d'une expérience, on demande aux sujets de prendre un comprimé une fois par jour:

  • soit le comprimé est pris quand le sujet le souhaite
  • soit le comprimé doit être pris 30 minutes après le levé, à jeun, en buvant un verre d'eau tiède et en restant allongé une demi heure après la prise.

Les résultats montrent que l'effet placebo est plus important dans le cas d'une prise complexe.

La complexité fait participer le patient à son traitement de façon plus active, elle le responsabilise, avec l'idée que si la procédure n'est pas respecter, le traitement sera inefficace.

6.2.2. Le prescripteur



La solennité de la prescription

Le respect ressenti envers le thérapeute prescripteur va augmenter la confiance et l'effet thérapeutique du traitement.

Une étude a été faite sur les antiacides. Le même médicament été donné soit par un médecin, soit par une infirmière. Les résultats montrent 70% d'effets positifs du traitement lorsque celui-ci est donné par un médecin contre 30% d'effets positifs lorsqu'il est donné par une infirmière.

La force de persuasion du prescripteur

Il s'agit d'un facteur très important influençant l'effet placebo.

Une étude a été réalisée concernant des implants de Disulfirame, placés sous la peau et actifs pendant un an. Une prise d'alcool alors que le patient est sous Disulfirame provoque des rougeurs, des sueurs, des vertiges, des nausées, des malaises, des vomissements de l'hypertension et une tachycardie. Au bout d'un an, l'implant est inactif. On a montré que, chez certain patients, l'implant avait été inefficace; il n'avait pas diffusé son produit correctement. Pourtant, les patients ont présenté les différents signes décrits précédemment lorsqu'ils ont consommé de l'alcool.

Le médecin est d'autant plus placebo inducteur qu'il ne sait pas qu'il l'est.

Une autre étude a porté sur 200 personnes présentant des troubles fonctionnels. Parmi eux:

  • 100 ont eu un diagnostic précis et un traitement présenté comme efficace (groupe 1)
  • 100 ont eu un diagnostic incertain et un traitement présenté comme pouvant être efficace (groupe 2).

Pour chaque groupe, la moitié des patients a été mis sous placebo et l'autre moitié n'ont pas pris de traitement. Les résultats montrent 64% d'amélioration sous placebo pour le groupe 1 contre 39% d'amélioration chez les patients mis sous placebo pour le groupe 2.

La personnalité du prescripteur

L'effet placebo sera moindre si le médecin est perçu comme étant antipathique.

La disponibilité du prescripteur

Entrent en compte dans l'influence de l'effet placebo la durée de la consultation et l'importance de la liste d'attente.

6.3. Le prix des choses

Dans l'inconscient collectif, un médicament qui ne coute pas cher n'est pas efficace.

6.4. Le patient

Pour que l'effet placebo soit important, il faut que le patient ait confiance et croit son médecin. Il n'y a pas d'effet du niveau intellectuel ni du niveau d'études sur l'effet placebo.

6.5. L'influence des autres

Expérience

L'expérience porte sur des cigarettes de cannabis et sur la notion de toxicité de groupe.

Etude 1: Au groupe 1, on donne à fumer des cigarettes de cannabis. Au groupe 2, on donne à fume des cigarettes sans cannabis mais contenant toutes les impuretés du cannabis. Les deux groupes pensent fumer du cannabis. On demande aux sujets d'évaluer l'effet psychotrope ressenti sur une échelle allant de 0 à 100. La note est identique pour les deux groupes; il y a donc une composante subjective très importante dans l'effet psychotrope ressenti sous cannabis.

Etude 2: On donne à tous les sujets à fumer du cannabis. Pour une partie des sujets, ils fument en groupe, pour l'autre partie, ils fument seuls. En groupe, l'effet psychotrope ressenti est plus important que celui ressenti seul.

Ces résultats montrent qu'un médicament peut avoir des effets différents selon l'entourage du patient.

Expérience chez l'animal

On place des souris, soit de façon isolée dans leur cage, soit en groupe. On les laisse s'habituer à leur environnement pendant trois semaines. Puis, on leur donne des amphétamines par voie intraveineuse. Les souris isolées sont calme, il n'y a pas de mortalité. Par contre, les souris en groupe sont très agressives et le taux de mortalité est de 90%. On parlera alors de toxicité de groupe: le groupe va modifier l'effet de la substance par augmentation du niveau de stress.

7. Evaluation et explication de l'effet placebo

On sait aujourd'hui que l'effet placebo dépend:

  • de conditions environnementales: traitement en ambulatoire, hospitalisation, comportement de l'entourage, niveau de stress, d'anxiété
  • des aspects du traitement: simple, complexe, mode d'administration, couleur, taille, gout, prix, nouveauté...
  • de la personnalité du malade: conformiste, souffrance, attentes, acquiescement, communication verbale, curiosité...
  • du corps médical: communicatif, chaleureux, optimiste, inspirant la confiance et la compétence

8. Comment évaluer l'effet placebo?

Afin d'évaluer l'effet placebo d'une substance, on pratique des essais en "double aveugle", c'est à dire que l'on constitue deux groupes de patients chez qui ont va comparer les résultats:

  • un groupe contrôle qui ne reçoit aucun traitement: il permet ainsi d'évaluer l'évolution naturelle d'une pathologie
  • un groupe reçoit une substance active
  • un groupe recevant une substance placebo

Pour calculer l'effet placebo d'une substance, on compare les résultats des groupes contrôle et placebo.

Pour connaitre l'efficacité d'un traitement, on soustrait aux résultats du groupe médicament les résultats du groupe contrôle et du groupe placebo.

8. Explication de l'effet placebo

Aujourd'hui, on ne connait pas les circuits neuronaux impliqués dans l'effet placebo/ Les observations neurobiologiques ont montré sous placebo:

  • une libération d'endomorphine, de cortisol et peut être d'autres neurotransmetteurs
  • la mise en jeu d'une voie nerveuse descendante cortico-méso-spinale inhibitrice (voie d'inhibition de la douleur qui va de la peau au cortex somesthésique)