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Muncipales à Marseille : « La politique? C’est comme le Père Noël, je n’y crois plus »

Le temps d’une course en taxi, des Marseillais nous ont livré leur regard sur leur ville et sur la campagne municipale. Florilège.

PASCALE ÉGRÉ | Publié le 22.11.2013, 06h58

Marseille (Bouches-du-Rhône), lundi. Richard, chauffeur de taxi, est amoureux de sa ville. Mais il l’entend en filigrane dans les confidences de ses clients : « Ici, les gens souffrent. »

Marseille (Bouches-du-Rhône), lundi. Richard, chauffeur de taxi, est amoureux de sa ville. Mais il l’entend en filigrane dans les confidences de ses clients : « Ici, les gens souffrent. » | (LP/Matthieu de Martignac.)

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Une journée ordinaire à Marseille, capitale européenne des embouteillages. Une course « à la volée » a conduit le taxi de Richard à l’est de Marseille, non loin de cette bastide où Marcel Pagnol vécut il y a soixante ans.

Midi

Château de la Buzine, XIe arrondissement. 
Medhi, 20 ans, carrossier de profession, s’engouffre à l’arrière.

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Il vit tout près, dans le pavillon de ses parents. « Je n’ai jamais voté. La politique ne m’intéresse pas », lâche-t-il. Sa préoccupation : l’emploi. « Il n’y a plus de travail ici, même en intérim. Dès que j’ai quelques sous de côté, je monte à . » Medhi, qui a de la famille en Seine-Saint-Denis, voudrait devenir ambulancier, faire un peu d’argent, puis rentrer. « Car ici, rien ne change. Les gens sont déçus. Moi, je pense à demain. Je ne veux pas me retrouver à 30 ans à galérer pour mon loyer. »

La portière claque. « Voyez ce jeune, il n’habite pas une cité pourrie des ! Et pourtant, il veut s’en aller », commente Richard, le chauffeur. Rodé aux confidences des clients, ce quadra amoureux de sa ville l’affirme : « A Marseille, les gens souffrent. Du manque de boulot, de transports en commun, de logements… Ils n’ont plus confiance, ni droite ni gauche. Ils ont envie que ça pète. J’en entends dire de plus en plus : J’ai jamais été , mais on a tout essayé et cette fois, je tente l’extrême. Comme un dernier recours. » Quelques minutes plus tard, la cliente suivante, Stéphanie, 37 ans, en est l’illustration vivante : « Nous, les petits salariés, on n’a le droit à rien. On se sent exclus de notre propre pays », confie cette ex-électrice UMP, employée d’un bailleur social.

15 heures

Entre le Prado et la Rose. 
Après un appel de la centrale, le taxi prend David, 44 ans, chauffeur de bus à la RTM. Ce fils d’ouvrier qui a grandi en cité, enfant de l’immigration italienne, a « toujours voté à gauche » à Marseille. Mais l’époque où la politique l’intéressait « autant que le cinéma et le ballon » est révolue. « Comme pour le Père Noël, je n’y crois plus. C’est devenu une mafia en cravate. La révolution, ce serait que plus personne n’aille voter. » « Déçu », il l’a été par Sarkozy, dont il aimait « le franc-parler », même s’il ne votait pas pour lui. Il l’est aussi du maire sortant. « Gaudin a divisé Marseille en deux. Il a beaucoup investi pour rénover le centre, en repoussant les pauvres vers le nord. Les loyers du centre sont devenus inaccessibles, il est impossible de se reloger en HLM. Il a créé de la pauvreté. » Richard renchérit : « La ville a le beau temps, des quartiers rénovés, plein d’atouts qui attirent les cadres. Et de l’autre côté, la précarité, qui pousse au système D et au business. »

Quartier Saint-Just, le taxi passe à côté du Bateau bleu, siège du conseil général. David s’exclame : « Ah Guérini, c’est scandaleux qu’il soit encore là! Même si les juges n’arrivent pas à l’attraper, pour moi, c’est un voyou. Mennucci, à côté, il me donne presque envie, parce que c’est le seul socialiste marseillais encore propre. »

17 heures

Du Vieux-Port à Saint-Savournin.
Paul, 44 ans, artisan en électricité, a voté « à droite » durant trente-cinq ans à Marseille. Il y travaille mais a choisi de ne plus y habiter après la naissance de son fils, il y a dix ans. « Pour son éducation », justifie-t-il. Vus de son village, situé au-delà d’un péage au nord-est, l’agitation de Marseille, ses soucis de propreté ou ses « magouilles de colleurs d’affiches » aux élections paraissent bien lointains. « Par référendum, on a voté contre le rattachement à la communauté urbaine. On veut pas payer pour la métropole. » Lui aussi entend beaucoup parler du FN. « Le Marseillais, il est cosmopolite, c’est pas le côté racisme. C’est un ras-le-bol, un vote sanction, pour dire : Ecoutez-moi, j’suis pas content. »

19 h 30

Gare Saint-Charles. 
Sortie des bouchons, c’est l’heure du « coup de feu » et des arrivées du soir. A l’affût, Richard décroche un bon client : originaire de Lyon, Philippe, la cinquantaine, cadre sup chez EDF, a choisi la région pour sa future retraite. Marseille, le Sud, le soleil, il adore. « Il y a du potentiel. » Mais il préfère résider hors ses murs. « Loin de la foule et des cités. »



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