Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur l'apprentissage de la langue française par les résidants étrangers et la francophonie, Paris le 20 mars 2012. | vie-publique.fr | Discours publics

Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur l'apprentissage de la langue française par les résidants étrangers et la francophonie, Paris le 20 mars 2012.

Personnalité, fonction : MITTERRAND Frédéric.

FRANCE. Ministre de la culture et de la communication

Circonstances : Remise des premiers labels qualité "français langue d'intégration" à Paris le 20 mars 2012

En tant que ministre en charge de la langue française, je me réjouis que cette première remise des labels « français langue d’intégration » coïncide avec la Journée internationale de la Francophonie.

La démarche d’apprentissage du français par des étrangers appelés à s’installer durablement dans notre pays, voire, pour un très grand nombre d’entre eux, à s’intégrer à notre société, est l’une des dimensions essentielles de l’appartenance à la cité. Ce n’est donc pas seulement une question d’enseignement ; c’est une question politique, au sens le plus noble du terme, parce que de tous les liens que les hommes nouent dans la cité, le lien de la langue est le plus fort. C’est lui qui fonde le sentiment d’appartenir à une communauté.

Pour ma part, je l’appréhende comme telle, en considérant qu’il s’agit là d’une question de politique linguistique, au même titre que d’autres questions cruciales pour la politique de la langue ou des langues. J’ai par exemple à l’esprit :
- La garantie d’un « droit au français » pour les consommateurs et les salariés ;
- La modernisation de la langue française, qui doit évoluer et s’enrichir de mots nouveaux exprimant les réalités du monde contemporain ;
- La promotion de la langue française dans le monde, au plan européen, dans le bassin francophone, et partout où il existe une demande de français ;
- La promotion de la diversité linguistique, dans notre pays et au-delà de nos frontières.

Une première remarque s’impose quant à notre politique de la langue : elle doit favoriser la cohésion sociale. Mon ministère, à travers notamment l'action de la délégation générale à la langue française et aux langues de France, est à ce titre chargé de contribuer à renforcer les compétences linguistiques de nos concitoyens, notamment de ceux qui sont le plus éloignés de la langue française, afin de leur permettre de participer pleinement à la vie sociale, économique et culturelle de notre pays. Il a également la charge de coordonner, en tant que de besoin, les politiques de maîtrise de la langue menées par les différents services de l’État, en réunissant une expertise sur un certain nombre de dossiers.

Une première remarque s’impose quant à notre politique de la langue : elle doit favoriser la cohésion sociale. Mon ministère, à travers notamment l'action de la délégation générale à la langue française et aux langues de France, est à ce titre chargé de contribuer à renforcer les compétences linguistiques de nos concitoyens, notamment de ceux qui sont le plus éloignés de la langue française, afin de leur permettre de participer pleinement à la vie sociale, économique et culturelle de notre pays. Il a également la charge de coordonner, en tant que de besoin, les politiques de maîtrise de la langue menées par les différents services de l’État, en réunissant une expertise sur un certain nombre de dossiers.

La maîtrise de la langue s’acquiert naturellement dans le milieu familial.

Elle se poursuit à l’école avec l’apprentissage de l’écrit, des codes et des normes régissant l’usage de la parole, puis au-delà de l’école, dans la vie sociale et professionnelle. Or, force est évidemment de constater, dès lors que la langue n’a pas été acquise au cours des premières années par les « allophone » - ce qui est le plus souvent le cas - que les choses ne vont pas de soi et exigent une réponse appropriée en termes d’apprentissage de la langue - une langue nouvelle pour eux, une langue appelée à devenir leur langue d’usage.

C'est pour identifier spécifiquement cette réponse qu’a été forgé le concept de « français, langue d'intégration » (FLI), que l’on aurait pu aussi bien qualifier de langue d’adoption. De même qu'il existe un « français, langue étrangère » (FLE), qui vise à accroître la diffusion de la langue française à travers le monde, il y a désormais le « français langue d’intégration » qui, symétriquement, vise à permettre l'intégration à la communauté française.

Le français a en effet vocation à devenir la langue dans laquelle celles et ceux qui ont fait le choix de s'installer durablement dans notre pays construiront leur avenir professionnel et exerceront leurs droits de citoyen.

Parce qu'elle est le premier des liens sociaux, la maîtrise de la langue du pays d'accueil constitue, pour les migrants, un puissant facteur d'intégration, et je dirais même le plus puissant des facteurs d’intégration : c'est elle, en effet, qui permet d'appréhender le sens d’usages culturels et de codes sociaux, adossés à des normes qui ne sont pas toujours transmissibles dans des langues étrangères.

Je l’ai dit : si elle détermine et exprime nos singularités, la langue, en nous reliant aux autres, fonde le sentiment d'appartenance à une communauté.

Langue commune, langue partagée, dont la connaissance et l'usage sont indispensables pour mener une vie au coeur de la cité plutôt que dans ses marges, le français est bien ce qui nous permet de « faire société ».

Lorsque nous parlons d’intégration à la société d’accueil, nous considérons la langue du pays d’accueil comme faisant partie des conditions de cette intégration. Par opposition aux très nombreuses langues qui se diffusent à des degrés divers dans l’espace public, le français, langue commune, est constitutif de l’intercompréhension des citoyens. Non pas la langue unique - bien qu’elle soit seule langue officielle -, mais la langue partagée par tous. Il est vrai que nous avons parfois de la peine en France à faire comprendre que langue commune ne signifie pas langue unique, et qu’apprendre une langue n’implique pas d’en désapprendre une autre. La spécificité du « français langue d’intégration », et qui intéresse très directement mon Ministère, est que l’enseignement de la langue française est adossé à la découverte d’une société et d’une culture dans lesquelles, par immersion, les migrants vont être appelé à évoluer.

C’est donc bien de l’apprentissage d’une « langue-culture » qu’il s’agit ici ; au-delà de son lexique, de ses aspects formels et de ses usages, il s’agit de l'apprentissage de cette autre grammaire qui régit la société française : celle des valeurs qui la fondent, telles qu’elles s’incarnent au quotidien.

Trouver un logement, postuler à un emploi, jouer un rôle dans la scolarité de ses enfants, participer à la vie démocratique, comprendre les médias...

Telles sont, parmi d'autres, les situations concrètes visées dans cette démarche d'ensemble qui caractérise le « français langue d’intégration », et qui doit permettre aux règles qui fondent notre société d'être comprises et respectées.

Au-delà de ces objectifs auxquels répond le « français langue d’intégration », il y a l'enjeu crucial de l'accès aux savoirs, aux oeuvres de l'esprit, à un imaginaire commun – un accès qui dépend de la connaissance et de la maîtrise de la langue française.

Je suis donc particulièrement heureux que cinq mois après la création par décret du label qualité « français langue d’intégration » (FLI), les premiers labels puissent déjà être attribués aux organismes de formation linguistique qui en ont fait la demande et ont satisfait à un audit rigoureux, après avis d'une commission nationale dont la délégation générale à la langue française et aux langues de France est, je le rappelle, membre de droit.

C'est à mes yeux, et pour mon Ministère, tout l'intérêt de cette démarche : en favorisant l'intégration des migrants dans la société française, elle ne peut qu'améliorer les conditions de leur accès à une culture partagée.

Cette « langue d’intégration », c’est peut-être un descendant de Breton émigré à l’île Maurice qui l’aura le mieux définie - « quelqu'un d'un bord de mer, qui regarde passer les cargos, qui traîne les pieds sur les ports, quelqu'un qui n'a pas de terre, qui ne s'enracine pas dans un terroir, comme un homme qui marche le long d'un boulevard et qui ne peut être ni d'un quartier ni d'une ville, mais de tous les quartiers et de toutes les villes » :
« La langue française est mon seul pays, le seul lieu où j'habite. Non pas la langue que j'entends, ni celle qui s'écrit dans les livres, mais la langue qui parle au fond de moi, quelquefois même sans mots, juste un mouvement instinctif, quelque chose qui tremble, qui trouble, qui passe, qui pose des pierres. »

Une langue dont il dit, parce qu’elle lui était maternelle, qu’elle « était une fatalité » et « une absolue nécessité » : « cette langue m'avait recouvert, m'avait enveloppé, elle était en moi jusqu'au tréfonds. Cela n'avait rien à voir avec la connaissance d'un dictionnaire, c'était ma langue, c'est-à-dire la chair et le sang, les nerfs, la lymphe, le désir et la mémoire, la colère, l'amour, ce que mes yeux avaient vu premièrement, ce que ma peau avait ressenti, ce que j'avais goûté et mangé, ce que j’avais respiré. » Ce migrant qui voit dans la langue française cette « langue complète, faite de la graine et du son, langue métisse, semblable au créole, encore vivante, encore mutante », et qu’il nous faut défendre comme un « lieu d’asile », s’appelle - vous l’aurez sans doute reconnu – Jean-Marie Gustave Le Clézio.


Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 20 mars 2012

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