* Ecrits Ecrits * Demos Demos * Outils Outils * Blog Blog Retour Discours politique Nicolas Sarkozy, Rencontre économique franco-saoudienne (14/01/2008) Monsieur le Président du Conseil des chambres saoudiennes de commerce et d'industrie, Monsieur le Président de la chambre de commerce et d'industrie de Riyad, Monsieur le Président du Conseil d'affaires franco-saoudien, Monsieur le Ministre d'État, Madame et Messieurs les Ministres, Messieurs les Présidents, C'est un honneur pour moi de vous rencontrer aujourd'hui, vous, les représentants patronaux de la première puissance économique de la région. Il s'agit pour moi de la première visite en Arabie Saoudite, et je veux vous dire combien je suis impressionné du niveau de développement que je constate. Peu de pays dans le monde ont réussi un aussi rapide décollage économique et sont parvenus en si peu de temps à hisser leurs infrastructures, leur industrie, leur tissu urbain, à un tel niveau de qualité, voire de sophistication. Peu de pays dans le monde ont su créer un climat aussi favorable à l'éclosion d'une communauté d'affaires dense et performante, associant des entreprises de toutes tailles, d'où émergent de grands groupes privés d'envergure régionale et mondiale. Le message que je veux vous adresser est clair : je souhaite que la France et l'Arabie s'engagent sur la voie d'un partenariat économique durable et renforcé. Je voudrais vous dire, Messieurs les entrepreneurs et hommes d'affaires saoudiens, vous qui connaissez bien la France, qui aimez notre pays, qui y venez souvent, que vous êtes les bienvenus chez nous et que vous y avez toute votre place. Je voudrais vous dire aussi que la France est en mouvement. Depuis mon élection en juin dernier, j'ai engagé un profond processus de réformes visant à dynamiser l'esprit d'entreprise, à alléger les charges, à simplifier les procédures. Je ne prendrai qu'un seul exemple : les entreprises et les syndicats français sont sur le point de conclure aujourd'hui même un accord très important qui va considérablement simplifier le droit du travail de notre pays, qui va donner aux employeurs plus de souplesse et de flexibilité, tout en accordant davantage de sécurité pour les salariés. Nous allons créer la possibilité d'une séparation à l'amiable entre l'entreprise et un salarié. Ce qui eût été impossible il y a quelques mois est en train de se réaliser. Je veux insister sur ce point parce que la France a trop souvent l'attention de la presse internationale, lorsqu'il y a des grèves ou des conflits sociaux. Je suis venu vous dire que cela change, que cela bouge, les syndicats et les employeurs en France apprennent à devenir des partenaires. La rigidité des relations sociales en France, c'est l'image du passé : comme l'Arabie Saoudite, la France est en mouvement. Si la France occupe le troisième rang mondial pour l'accueil des investissements étrangers, il y a bien une raison. Si la Bourse française est le marché financier européen le plus internationalisé avec près de 47 % du capital du CAC 40 détenus par des investisseurs étrangers, il y a bien une raison. Dans un pays hostile aux investissements étrangers, nous n'aurions pas un salarié sur sept employés par une société étrangère. Chers amis d'Arabie Saoudite, vous êtes les bienvenus. Nous allons encore renforcer le dynamisme des grandes villes françaises pour en faire le moteur de la croissance de notre pays. Nous lançons aujourd'hui même une grande réforme de nos ports pour qu'ils retrouvent le même dynamisme que ceux du Golfe, d'Asie et de la mer du Nord. Je veux que la France redevienne la porte d'entrée et de sortie du commerce international et la puissance maritime qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Et le mouvement de réforme ne s'arrêtera pas dans mon pays. Je veux aussi vous dire mon ambition que Paris soit, Madame la Ministre des Finances, une place financière de rang mondial. Je vous ai promis la vérité ; je vous le dis, je refuse qu'on dise que les musées sont à Paris et la finance à Londres. À Paris, il y a les musées et il y a également la finance. Il y a également d'excellents musées à Londres, mais il y a surtout à Paris une place financière implantée dans la zone euro, avec les meilleurs spécialistes mondiaux de mathématique financière, une place alliée à la Bourse de New York et qui a décidé récemment, je le souligne ici, de développer massivement les produits financiers dits islamiques. Si vous ne le saviez pas, je vous le dis. La hausse des cours du pétrole est une grande opportunité pour les pays comme l'Arabie Saoudite et comme ses voisins du Golfe, qui ont la chance de posséder cette ressource. Mais nous savons tous que cette ressource n'est pas infinie. Avec sagesse, plusieurs pays de la région ont canalisé une partie de cette richesse, aujourd'hui abondante, dans des fonds souverains destinés à la faire fructifier pour les générations futures. L'Arabie Saoudite a été pionnière, une fois de plus, en la matière et s'apprête à engager une politique encore beaucoup plus ambitieuse. Je serais bien mal placé pour contester une telle décision, gage de prudence et de vision de long terme. Et je serais aussi bien mal avisé de refuser que la France fasse partie des pays où s'investissent les richesses des futures générations des pays pétroliers. Nous avons besoin d'investisseurs financiers de long terme, capables de voir plus loin que les résultats trimestriels. Vous êtes les bienvenus en France. Et je veux faire une grande différence entre des investisseurs de long terme que vous représentez, qui cherchent avant tout un rendement financier sur longue période, mais qui ne cherchent pas à déstabiliser les entreprises, qui ne cherchent pas à piller leur technologie, qui ne cherchent pas un contrôle stratégique sur leurs activités -- je veux faire la différence entre vous, qui êtes les bienvenus, et des fonds activistes ou même d'autres fonds souverains aux intentions moins claires. Je ne suis pas quelqu'un d'hypocrite, je ne suis pas quelqu'un qui ment et je le dis comme je le pense : investisseurs de long terme, investisseurs loyaux et solides, vous êtes les bienvenus. Investir pour dépecer les entreprises et pour faire de la spéculation, les portes de l'économie française ne seront pas ouvertes. Et nous faisons la différence entre les règles qui sont les vôtres et un certain nombre de comportements que nous n'acceptons pas. La France sera toujours ouverte aux fonds souverains dont les intentions sont sans ambiguïté, dont la gouvernance est transparente et dont le pays d'origine pratique la même ouverture à l'endroit des capitaux étrangers (cela s'appelle la réciprocité). Vous savez, je suis pour trois mots : la liberté, l'identité, la réciprocité. J'en ajoute un quatrième : la modernité. Et j'affirme la complémentarité de tout cela. Je voudrais aussi vous dire que la France est aussi une terre exceptionnelle pour des investissements industriels créateurs d'emploi. Nous avons soixante-et-onze pôles de compétitivité où les universités, les laboratoires de recherche et les entreprises travaillent ensemble pour l'innovation. Nous venons de terminer une réforme sans précédent de nos universités qui sont aujourd'hui autonomes et libres. Nous allons consacrer 20 milliards d'euros, c'est-à-dire 30 milliards de dollars, en cinq ans à leur développement. Nous offrons aujourd'hui même (c'est voté) à toutes les entreprises qui font de la recherche-développement en France un crédit d'impôt égal à 30 % de leurs dépenses de R & D. En France, c'est l'État qui finance le tiers des dépenses de R & D pour des entreprises privées, c'est le régime le plus attractif au monde. Nous allons lancer dans les deux années qui viennent une dizaine de grands partenariats public-privé de plusieurs milliards d'euros pour bâtir de nouvelles infrastructures. La France bouge, la France vous attend. Je voudrais également que vous sachiez que notre désir de vous accueillir chez nous en plus grand nombre va de pair avec notre souhait de renforcer la présence durable des entreprises françaises en Arabie Saoudite. Je veux saluer la clairvoyance de la politique économique engagée par Sa Majesté le roi ABDALLAH, la gestion équilibrée et performante de vos finances publiques, la lutte déterminée et courageuse que vous engagez contre le terrorisme. Je veux saluer l'adhésion du royaume à l'OMC. Ce sont des signaux d'ouverture et de libéralisation bienvenus. Nos industriels me le disent : l'Arabie Saoudite n'est pas un risque. D'ailleurs, je constate avec beaucoup de satisfaction la présence de soixante sociétés françaises qui opèrent de manière durable dans votre vaste pays où elles emploient près de 20 000 salariés, dont de nombreux Saoudiens. Je dis aux PME françaises, chaque fois que je m'adresse à elles, qu'un pays comme le vôtre, qu'un marché comme celui de l'Arabie Saoudite, est un gisement de croissance à ne pas manquer. Et je salue la présence du président de la CGPME. Nous devons travailler ensemble sans relâche pour qu'il soit simple pour une PME française de s'implanter en Arabie et simple pour une PME saoudienne de s'implanter en France. Enfin, je voudrais souligner que l'Arabie porte aussi une responsabilité particulière dans le monde. Par ses réserves pétrolières, par sa place éminente au sein de l'organisation des pays exportateurs de pétrole, l'Arabie a une influence inégalable sur le marché de la ressource énergétique la plus stratégique au monde. Je sais que vous exercez cette responsabilité avec modération et une remarquable clairvoyance. Mais, amis d'Arabie Saoudite, quand le prix du pétrole triple en quatre ans, pour atteindre 100 dollars récemment, je m'inquiète de la brutalité de ces hausses qui affectent directement la croissance et le pouvoir d'achat, non seulement en France et en Europe, mais plus encore dans de nombreux pays pauvres dépourvus de pétrole. Cette hausse des prix du pétrole est un phénomène sans doute irréversible. Car le pétrole se raréfie et il devient chaque jour plus cher et plus difficile d'exploiter les gisements. Mais je crois qu'il est dans l'intérêt des pays pétroliers comme des pays consommateurs de contrôler cette appréciation pour qu'elle se fasse à un rythme modéré, afin d'assurer stabilité et visibilité aux cours du pétrole. Car cette visibilité est la meilleure garantie que les investissements nécessaires seront faits, tant dans la production pétrolière que dans les économies d'énergie, les énergies renouvelables et le nucléaire. Je souhaite que l'Arabie Saoudite utilise son influence, qui est grande, pour donner cette visibilité indispensable à nos économies. Je souhaite enfin, bien sûr, qu'elle fasse appel, pour développer ses gisements, à l'industrie parapétrolière française, la meilleure du monde par sa technologie. Nos deux pays ont des économies extraordinairement complémentaires. L'Arabie peut nous apporter beaucoup et nous pensons pouvoir apporter beaucoup à l'Arabie. La France a la chance d'avoir une proximité particulière avec le monde arabe, proximité issue de liens économiques, politiques denses et anciens. C'est maintenant que l'Arabie Saoudite est engagée dans des investissements d'avenir exceptionnels et maintenant que la France a engagé de grandes réformes que nous devons en tirer le meilleur parti. Vous le voyez, notre collaboration et notre partenariat doivent être aujourd'hui sans limite. Vous avez de l'ambition pour votre pays, nous en avons pour la France, alors travaillons ensemble avec la même ambition partagée. Merci à tous. QUESTION. -- Bonjour, Monsieur le Président. Comme vous l'avez si bien dit, l'Arabie Saoudite est aujourd'hui en pleine transformation et une de nos priorités est d'encourager l'investissement dans la recherche pour pouvoir former un potentiel intellectuel. Et comme vous l'avez aussi bien dit, la France de son côté, tous ces centres de recherche de grande renommée, comme le Cancéropôle, sont à la pointe du savoir-faire de la science et de l'innovation. Des relations culturelles, scientifiques et techniques ont déjà été formalisées par un accord il y a plus de quarante ans et elles continuent à se développer. Mais vient le temps où nous souhaitons renforcer et accélérer cette coopération, nous cherchons à devenir des partenaires scientifiques au premier rang avec la France. Quelle est votre stratégie par rapport à cette suggestion ? Pourrions-nous réaliser un vrai partenariat solide ? LE PRÉSIDENT. -- Merci, Madame. Notre stratégie repose sur deux mouvements complémentaires. Premièrement, je veux dire aux jeunes Saoudiens que nous serions heureux de les accueillir dans nos grandes écoles et dans nos universités. Que les choses soient claires : la France est ouverte pour des étudiants étrangers qui veulent se former chez nous, apprendre notre langue. La France ne veut pas d'une immigration irrégulière, mais la France a beaucoup d'ambition pour la formation de vos élites et de votre jeunesse. Deuxième stratégie : nous voulons avec vous des accords économiques, dont une partie d'entre eux pourraient reposer sur la formation de votre main-d'oeuvre et de vos cadres. Je prends un exemple parmi d'autres, celui du nucléaire. Je sais que la question du nucléaire en Arabie, n'est pas des questions les plus simples. Mais le nucléaire, c'est l'énergie du futur. Nous sommes prêts partout où nous installerons la filière nucléaire civile française, à former des ingénieurs, des personnels qui soient en mesure de faire fonctionner les centrales que nous installerons chez vous. Nous ne venons pas en Arabie en regardant une banque avec des banquiers qui ne sauraient pas quoi faire de leur argent. Nous venons dans un pays qui a une identité forte, une civilisation ancienne et qui se préoccupe de l'avenir. Et l'avenir repose sur l'éducation et la formation des hommes. La France propose stratégiquement d'être associée à votre modèle de développement. Il n'y a pas de limite à la collaboration de nos universités avec les vôtres. Il n'y a pas de limite à la collaboration de vos écoles avec les nôtres. Le ministre de l'Éducation est ici pour en porter témoignage. Vous voulez investir chez nous. J'ai dit ce que j'en pensais. Vous voulez former votre population, nous sommes prêts à vous y aider. Il ne s'agit pas simplement de signer des contrats, il s'agit de stabiliser une région et de vous aider à préparer l'après-pétrole. Voilà le message de la France. C'est le message d'un ami et d'un ami sincère. Et à l'inverse, nous vous disons que nous pensons que parfois nous n'avons pas (et peut-être que c'est aussi notre faute, dans le passé) la place que devrait représenter l'économie française. Nous représentons à peu près 3 % ou 3,5 % du marché saoudien. Nous voulons faire davantage et faire mieux. Mais vous savez, Madame, pour moi un bon accord, c'est un bon accord pour les deux, pas seulement pour la France, pour vous aussi. Vous avez 25 à 26 millions d'habitants, vous avez 61 % de votre population qui a moins de vingt-cinq ans. Les besoins de formation sont immenses. Cela tombe bien, c'est justement le point fort de la France. Nous savons former les hommes, nous savons partager le savoir et nous voulons avec vous, développer de nouveaux process, de nouvelles technologies, de nouvelles formations. La seule chose que je voudrais dire, c'est que moi, j'aime bien les discours, mais j'aime mieux les décisions et les actes. Les discours sur l'amitié, il y en a tellement eu dans le passé. Maintenant, ce que je veux, c'est moins de discours et plus d'actes. Et croyez bien que je serai au rendez-vous. QUESTION. -- Monsieur le Président, il y a plus de vingt ans qu'il y a des négociations entre le Conseil du Golfe et la France pour parvenir a un commerce libre entre les deux côtés. Est-ce que la France pourrait apporter son appui pour résoudre des problèmes qui sont restés encore sans solution et par conséquent, qu'il y ait un rapprochement entre le Conseil du Golfe et l'Union européenne ? Vous pensez que la France participe à renforcer une relation économique entre les deux pays, à savoir entre l'Arabie Saoudite et la France ? LE PRÉSIDENT. -- Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. Votre région est une région essentielle pour la stabilité du monde, essentielle dans le Golfe. On aura la paix ou on aura la guerre. Mais il ne faut pas croire que si on a la guerre, on n'aura que la guerre régionale : il est là, le risque. Dans cette région, tous les pays ne sont pas des facteurs de paix. Mais l'Arabie Saoudite est un facteur de paix. J'ai dit à Sa Majesté le roi ABDALLAH que la France ne voulait pas simplement un accord économique, qu'elle voulait aussi un accord politique. Pourquoi ? Parce que l'économie sans la stabilité, sans la paix et sans la sécurité, l'économie, elle ne peut pas bâtir une croissance durable. Et dans le Golfe, il est des pays qui font peser une grave menace sur la stabilité du monde. Que faut-il faire face à cela ? Qu'il soit permis à un homme de ma génération de dire une chose : il faut enfin résoudre les problèmes qui empoisonnent le monde depuis trop longtemps. L'État palestinien, cela fait soixante ans... Allons-y maintenant ! C'est la meilleure façon de garantir la sécurité d'Israël. Les conférences, les rendez-vous manqués, les accords inachevés, qui paie les conséquences de cela ? Les Palestiniens, bien sûr, les Israéliens aussi. Mais vous tous et nous tous qui trouvons toutes nos économies dans le monde et nos sociétés menacées parce qu'on n'a pas su résoudre un problème, c'est maintenant qu'il faut le résoudre, pas dans dix ans, pas dans vingt ans. On a perdu trop de temps. C'est tout de suite qu'il faut le résoudre. On sait très bien où sont les points difficiles. Il est venu le moment d'affronter ces points difficiles, de les surmonter. Et l'Arabie Saoudite, comme la France, peut jouer un rôle considérable. Et le Liban : je ne serai pas le Président de la République française qui laissera tomber le Liban. Mais le Liban a besoin de prendre son indépendance. Est-ce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire d'un pays un Parlement dont le président s'en va avec la clé et qui n'a même pas le droit de se réunir ? Cela, ce n'est pas ma conception de l'indépendance d'un pays. Le Liban doit avoir le droit à la paix, à la sécurité et à l'indépendance. Réglons le problème tout de suite et procédons à l'élection d'un président de consensus, avec un gouvernement de consensus et une loi électorale juste. Qu'est-ce qu'on attend là aussi ? Et j'approuve pleinement les initiatives de Sa Majesté le roi ABDALLAH et ce qu'il a dit de la Syrie. Quant à l'Iran, grand voisin, les dirigeants iraniens doivent comprendre que la course à l'armement nucléaire n'est pas la solution, qu'il y a des règles internationales et que ces règles doivent être respectées, et qu'en même temps, l'Iran, qui est un grand pays, une grande civilisation, un grand peuple a besoin de développement, de croissance, de paix et de sécurité. Qu'ils accèdent au nucléaire civil et pas au nucléaire militaire. Pour parler de toutes ces questions, la France veut en parler avec l'Arabie Saoudite, avec l'Égypte, avec la Jordanie. La France ne veut pas d'un affrontement entre l'Orient et l'Occident. Cet affrontement serait mortel. Voilà la position de la France. Il y a un lien entre les hommes d'affaires qui sont ici et le règlement de conflits politiques qui nuisent gravement au développement de vos pays. La France sera toujours présente aux côtés des pays du Golfe qui veulent la paix et le développement. La France est une voix libre et une voix indépendante. Et vous savez parfaitement que j'ai beaucoup d'amitié pour les États- Unis et je suis un ami des États-Unis, mais ami ne veut pas dire aligné. Un ami debout et un ami libre. La France est un partenaire pour l'Arabie, un partenaire libre pour un pays comme l'Arabie qui est libre, avec une voix autonome et un chemin que nous pouvons bâtir ensemble. C'est comme cela qu'on vous donnera les meilleures chances : de la croissance et de la formation. Il y a mieux à faire dans le Golfe que de s'affronter ou de se déstabiliser. Je voudrais d'ailleurs dire combien, en tant que Président de la République française, je suis reconnaissant aux autorités saoudiennes d'avoir retrouvé les assassins des malheureux Français qui ont été tués dans les conditions que vous connaissez : ceux qui ont fait cela sont des barbares et des criminels. Ils n'ont pas le droit de parler au nom de l'islam et ils n'ont pas le droit de parler au nom de l'Arabie. Ce sont simplement des délinquants et des criminels qui ne méritent qu'une seule chose, c'est d'être punis pour leur barbarie et pour ce qu'ils ont fait. Voilà ce que je pense et que je voulais partager avec vous. QUESTION. -- Au nom des hommes d'affaires, Monsieur le Président, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et je voudrais également évoquer l'augmentation des taxes douanières. On sait que certains produits sont soumis à des taxes douanières qui sont extrêmement fortes si l'on compare ces taxes à ce qui se passe en Égypte et d'en d'autres pays, par exemple l'Algérie. En effet, les taxes douanières sont extrêmement élevées. Merci, Monsieur le Président, de bien vouloir me répondre. LE PRÉSIDENT. -- Je suis pour la suppression des taxes. Je ne suis pas favorable aux quotas. Je suis pour l'OMC. La France porte un discours de libéralisation des échanges, à une condition, Monsieur, une seule : c'est la réciprocité. Il n'y a aucune barrière douanière sur le marché français, à une condition : c'est que les marchés qui nous demandent d'abaisser nos barrières n'en profitent pas pour en mettre dans le même temps. Je vais prendre des exemples parmi nos meilleures entreprises : c'est le transport, la fabrication des trains et des TGV. Je me battrai pour que le TGV saoudien, ce soit les entreprises françaises qui le fassent. Mais quand on fait en France un appel d'offres, il est libre, toutes les entreprises peuvent concourir. Mais je m'aperçois que, quand au Canada, il y a un marché à gagner, il n'y a pas d'appel d'offres. Cela n'est pas normal. J'ai dit à nos amis chinois : vous êtes les bienvenus en France mais nous voulons pouvoir investir pour nous, entreprises, en Chine sans qu'on nous impose un associé et sans qu'on ne respecte pas un contrat. Donc ma position, Monsieur, est claire : pas de taxe, pas de limite, mais la réciprocité. Et pour que je sois très franc avec vous, ce n'est pas l'abaissement des barrières puis la réciprocité, c'est l'abaissement des barrières et la réciprocité en même temps. Je ne demanderai jamais à l'Arabie Saoudite de faire une chose que je n'accepterais pas pour la France. Mais qu'on ne me demande pas de faire pour la France des choses que les autres n'accepteraient pas pour eux. Il est venu maintenant le temps de parler franchement. Je voudrais dire une dernière chose : c'est une des caractéristiques du monde d'aujourd'hui que des pays émergents deviennent de très grandes puissances. Je pense à la Chine, je pense à l'Inde, je pense au Brésil, je pense à l'Afrique du Sud, je pense même au Mexique et à quelques autres. Je veux dire à ces pays que la France accompagnera leur développement dans le monde, notamment le développement politique, mais qu'on ne peut pas être un grand pays, en avoir tous les droits et n'en assumer aucun des devoirs. Si on est un grand pays, on a les droits d'un grand pays et on assume les devoirs d'un grand pays. Cela, c'est le message équilibré de la France. Et ces devoirs, ce sont des devoirs sur la protection de l'environnement, des devoirs politiques au service de la paix dans le monde. Chacun doit s'y mettre. On a besoin de tout le monde pour faire pression, par exemple pour l'indépendance du Liban. On a besoin aussi des Russes pour faire pression sur l'Iran. On a besoin des Chinois aussi. Chacun doit prendre sa part des droits et des devoirs : réciprocité et égalité. Un dernier point : un peu de franchise dans les discours diplomatiques, cela ne fera pas de mal à la diplomatie et cela sera bon pour la paix du monde. QUESTION. -- Monsieur le Président, malgré les relations très solides entre nos deux pays, le rayonnement culturel français en Arabie semble être limité. Est-ce dû à la baisse des budgets dédiés à la francophonie et à la culture ou est-ce un essoufflement dans un monde dominé par les Anglo-saxons ? Et finalement, que comptez-vous faire dans ce domaine alors que plus que jamais les échanges culturels sont essentiels pour promouvoir la compréhension et surtout le commerce ? LE PRÉSIDENT. -- Monsieur, vous savez, si on a eu le sentiment que la culture francophone et que la francophonie reculaient, il faut avoir l'honnêteté d'assumer la responsabilité propre de la France. Alors pourquoi ? C'est l'analyse que j'en ai faite pendant la campagne présidentielle. Un pays (et je le dis à mes amis saoudiens) qui n'assume pas son identité, c'est un pays qui démissionne. Un pays qui ne revendique pas son identité, c'est un pays qui finit par la perdre. Un pays qui s'enfonce dans la repentance et les excuses systématiques, c'est un pays qui ne peut pas rayonner. Je vois ce que vous faites en Arabie. C'est la raison de la présence de la ministre de la Culture à mes côtés. Vous cherchez à ce que chacun des membres de votre communauté nationale connaisse et comprenne d'où vous venez. Vous cherchez à développer vos ressources -- incomparables -- archéologiques et à reconstituer ce qui a fait l'identité des femmes et des hommes du désert. Moi, je dis qu'un pays qui se livre à ce travail identitaire, c'est un pays qui porte un message de paix. Et contrairement à ce que dit tant de monde, l'identité ce n'est pas une pathologie. Vous êtes fiers de l'Arabie Saoudite, je suis fier de la France. Je recevais dans un autre cadre Tony BLAIR avant hier. J'ai dit à Tony BLAIR qu'on a besoin de l'Angleterre en Europe. Je veux l'amitié avec le Royaume-Uni. Je comprends que vous célébriez Trafalgar et je n'accepte pas que l'on ne célèbre pas Austerlitz parce que c'est cela l'identité, être fier de son histoire. Est-ce que vous me comprenez ? Cela ne veut pas dire que je suis pour l'opposition avec les Anglais. Toute ma vie politique, j'ai plaidé pour l'alliance avec les Anglais. Mais si eux fêtent Trafalgar, sans être agressifs, je ne vois pas pourquoi on devrait s'excuser d'Austerlitz. Voilà le mal qui a été le mal français pendant tant d'années, et c'est fini. Quand on n'est pas fier de sa propre identité culturelle nationale, historique, comment voulez-vous que les autres la respectent, l'admirent et veuillent la partager ? Voilà pourquoi j'ai fait campagne sur le thème de l'identité nationale. Le plus grand anthropologue français, très grand intellectuel, Claude LÉVI-STRAUSS, a écrit : " L'identité n'est pas une pathologie. " Tout le monde parle de la diversité, moi, le premier. Mais qu'est-ce que c'est, la diversité sans l'identité ? Si on veut refuser l'aplatissement du monde, une mondialisation qui pulvérise tout, où il n'y aurait plus qu'une seule langue, qu'une seule culture, c'est-à-dire plus de culture du tout, il faut avoir le courage de développer l'identité de chacune de nos civilisations. J'ai proposé une politique de civilisation justement parce que l'identité, c'est une qualité et pas un défaut. Travaillons ensemble à des projets culturels ambitieux. Que nos meilleurs chercheurs viennent vous aider à exhumer vos ressources archéologiques. Et pour moi il y a un lien entre la politique pour la stabilité, l'économie pour la croissance, la culture pour l'identité. C'est tout cet ensemble qui fait un partenariat stratégique. Je ne viens pas voir, encore une fois, des banquiers ou simplement des hommes d'affaires. Je viens voir la classe entrepreneuriale d'un grand pays qui veut préparer l'après-pétrole. C'est pour cela qu'il faut que vous travailliez avec nous, parce que dans le monde, nous sommes ceux qui pouvons le mieux comprendre votre aspiration au développement, à l'identité et à la responsabilité internationale. Je vous remercie. Haut de page