* Ecrits Ecrits * Demos Demos * Outils Outils * Blog Blog Retour Discours politique Nicolas Sarkozy, L’avenir de l’agriculture (19/02/2009) Madame et Monsieur les Ministres, chère Roselyne et cher Michel, Monsieur le Député, cher Jean-Charles TAUGOURDEAU, Monsieur le Président du conseil général, cher Christophe BÉCHU, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Ministre, Permettez-moi d'abord de dire tout le plaisir de vous retrouver ici, à Daumeray (merci, Monsieur le Maire, de votre accueil), pour saluer le courage, la détermination et la place, si importante dans notre pays, des agriculteurs. Dans la crise économique que nous traversons, mon devoir de chef de l'État est de dire la fierté de notre Nation pour le travail des paysans français, de leurs conjoints et de leurs familles. Nous devons tous être fiers de ce secteur stratégique pour notre économie qui a dégagé l'année dernière un excédent commercial de près de 10 milliards d'euros. Il y a des gens qui m'ont dit : " Hier soir, vous vous occupiez des conséquences sociales de la crise. -- Cet après-midi, je vais m'occuper de nos départements d'Outre-mer. -- Et alors vous trouvez le temps... ? " Oui, ce n'est pas parce que les agriculteurs sont durs au travail qu'il ne faut pas s'en occuper. Et ce n'est pas parce que les agriculteurs vivent avec courage du fruit de leur travail, essaient de le faire en tout cas, qu'on doit les ignorer. Mon devoir, c'était d'être ici ce matin avec le ministre de l'Agriculture pour prendre un certain nombre de décisions. L'agriculture incarne des valeurs sur lesquelles les Français ont souhaité fonder l'effort de redressement du pays (alors, cela ne plaît pas à tout le monde) : c'est une raison pour moi de le dire. Les valeurs que nous partageons, elles sont modernes. La France se sortira de la crise par le travail. Je sais que là, cela va un peu à contre-courant d'une idée reçue ; je n'ai jamais cru au partage du travail. Je crois au travail, à sa récompense, à son respect. Je crois à la prise de risque, je crois au courage, à l'innovation, à la capacité d'adaptation et à la solidarité. Ce sont les valeurs des agriculteurs et de la ruralité. Un agriculteur, c'est d'abord (et je ne me lasserai jamais de le dire) un entrepreneur, un entrepreneur qui ne compte pas ses heures, qui porte la responsabilité d'investissements importants, qui doit relever quantité de défis humains, financiers, techniques, administratifs considérables. C'est un chef d'entreprise, un agriculteur, mais qui doit s'adapter en permanence au climat, au marché, aux technologies et aux réglementations. Pour être un agriculteur, on me l'a dit d'ailleurs, tout à l'heure, il faut être passionné et il faut être travailleur. Le rôle du Président de la République, c'est d'être aux côtés aussi de ceux qui sont passionnés et travailleurs, deux mots qui ont été oubliés par certains. C'est amusant, on à l'impression que le mot " travailleur " écorche la bouche d'une partie de la classe politique française. Si on ne parle plus des travailleurs, c'est parce que l'on ne veut plus parler du travail, et si on ne parle plus des travailleurs, c'est qu'on ne respecte plus le travail. Alors, si certains ne parlent plus de travailleurs, cela ne me gêne pas, moi, d'employer ce mot qui porte le respect de la valeur travail. À la veille du Salon international de l'agriculture, je vous propose de poursuivre la construction du projet que nous avons engagé en commun depuis bientôt deux ans. Pour répondre à la " nouvelle donne " agricole il nous faut une action cohérente pour promouvoir une agriculture de production (le mot est capital) au niveau européen et international, pour permettre à chaque agriculteur de vivre du fruit de son travail. À partir de ce projet, la France doit porter une ambition renouvelée pour la Politique agricole commune qui verra le jour en 2013. J'ajoute qu'en tenant compte de ces orientations, nous devons dès maintenant engager la réforme du bilan de santé de la PAC, qui s'appliquera, cher Michel, en 2010. C'est avec méthode que nous souhaitons engager la refondation de la PAC, pour préparer les prochaines échéances portant sur les perspectives financières de l'Union européenne, et la PAC de 2013, avec Michel BARNIER, nous avons porté une stratégie offensive. Je n'ai pas voulu que nous nous inscrivions dans une stratégie défensive qui consistait à dire aux agriculteurs : " Dormez tranquilles, on s'occupe du reste, vous n'avez rien à craindre jusqu'en 2013. " 2013, c'est demain matin. Cette stratégie était mortelle et je préfère que nous portions nous-mêmes les changements dans le cadre de la nouvelle donne agricole, plutôt que nous attendions tranquillement que la catastrophe arrive en 2013. Et je remercie d'ailleurs -- je le dis devant Luc -- les organisations syndicales agricoles qui ont compris cette stratégie. Bien sûr, quand on bouge, quand on prend des risques, il y en a toujours qui ne sont pas d'accord. Ce sont les mêmes qui ne seraient pas d'accord si on ne bougeait pas et si on ne prenait aucun risque. Le pire risque, c'est celui qui consiste à n'en prendre aucun. Écoutez, cela fait tellement d'années qu'on met la poussière sous le tapis en disant que ce sont les autres qui s'en occuperont. Quelle est cette façon de voir les problèmes de la France ? Après moi, le déluge ! Ce n'est pas ma conception des choses. Et cela ne me gêne pas d'aller au coeur des problèmes, oui, chère Roselyne : nous en avons parlé ensemble pour essayer de porter une réponse. J'ai une idée assez précise de la stratégie qu'il faut. Le rôle du Président de la République, c'est d'être là où il y a des difficultés, d'apporter des réponses, de prendre des décisions et d'obtenir des résultats. C'est comme cela que je conçois mon rôle et je vois l'étendue des conseils que je reçois chaque jour, franchement cela ne me donne pas envie de les suivre. Sur l'agriculture, avec Michel BARNIER que je remercie et en qui j'ai une totale confiance, nous avons décidé d'être porteurs d'un projet parce que, mes chers amis, si on n'a pas un projet, je me demande comment on rassemble les vingt-six autres pays de l'Union européenne avec nous. J'attire simplement l'attention de ceux qui étaient pour l'immobilisme sur cette situation-là. Ce n'est pas gagné naturellement, Luc, mais si on n'a pas un projet, si on ne se bat pas sur ce projet, comment on fait adhérer les autres à notre vision de l'avenir de l'agriculture ? Alors nous souhaitons nous appuyer sur trois axes. Le premier (je le dis en assumant mes responsabilités) : il faut protéger les intérêts de l'agriculture en Europe et dans le monde. Les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce doivent repartir sur des bases saines et des objectifs clarifiés. Je m'opposerai fermement à tout accord à l'OMC qui sera contraire aux intérêts de notre pays. J'ai été élu pour défendre les intérêts de la France, j'assumerai cette responsabilité, comme je l'ai fait avec Michel BARNIER l'été dernier, alors qu'il y avait tellement de craintes. Vous savez, c'est très bizarre, je ne change pas d'avis entre ce que je pense avant les élections et ce que je pense après... Vous pouvez regarder, nous ne sommes pas nombreux ! Et cela me fait bien sourire quand on m'accuse de protectionnisme. Quand toutes nos usines partaient ailleurs, personne ne nous félicitait pour notre générosité. Et quand je dis que je dois utiliser l'argent du contribuable pour garder de la production en France, cela n'a rien à voir avec le protectionnisme -- et le tout avec le bon sens et la lucidité. En tout cas que les choses soient claires : l'Europe ne peut renoncer à défendre son agriculture de production et doit protéger la qualité sanitaire et environnementale de son alimentation. D'ailleurs, si j'avais le moindre doute, je regarderais les États-Unis et l'Inde parce qu'ils sont moins complexés qu'un certain nombre de gens qui, ici, défendent une pensée unique. Les États-Unis et l'Inde défendent avec tant d'énergie, tant de passion et -- pourquoi ne pas le dire ? -- tant d'efficacité leur agriculture. Cela devrait nous faire réfléchir. Il s'agit pour les États-Unis de mener une stratégie de puissance économique et politique afin d'affirmer la suprématie de leur " pouvoir vert ". Et je pose une question : si la première puissance du monde croit stratégique de défendre son " pouvoir vert ", est-ce que la cinquième puissance du monde, la France, ne devrait pas se poser la même question et entraîner toute l'Europe au service de la même stratégie ? Ce que font les Américains pour leurs agriculteurs, je demande que l'Europe le fasse pour nos agriculteurs : même stratégie et même efficacité. Il ne s'agit pas d'isoler la France dans un combat solitaire, il s'agit que la France d'abord et l'Europe ensuite mènent le même combat que les autres. On ne peut plus continuer à laisser nos entreprises agricoles souffrir d'un dumping environnemental, social, fiscal, monétaire, dont l'ampleur croît chaque jour. Je dis les choses de la façon la plus claire : nous exigeons la réciprocité et l'équilibre, dans les discussions à l'OMC. Je défendrai fermement cette position au sommet du G20 en avril. La sécurité alimentaire, l'alimentation ressortent d'une nouvelle gouvernance mondiale qui ne peut pas être réduite à la seule question de la libéralisation des échanges. D'ailleurs, je voudrais expliquer les enjeux. Il y a un milliard de personnes qui souffrent de la faim dans le monde. On n'a pas besoin de moins de productions agricoles ou on a besoin de plus de productions agricoles ? Toutes les trente secondes, il y a dans le monde un enfant qui meurt de faim. On n'a pas besoin de moins de productions agricoles ou on a besoin de plus de productions agricoles ? Il y a un hectare de terres cultivées qui disparaît toutes les sept secondes et demie de la planète, alors qu'un bébé naît toutes les trois secondes. La seule réponse à cette crise alimentaire mondiale est donc de doubler la production alimentaire d'ici à 2050 tout en préservant la planète. Je crois dans l'avenir d'une agriculture de production. Parallèlement, l'Europe assiste depuis deux ans à une volatilité des prix agricoles invraisemblable. Après les augmentations de plus de 50 % du prix de la poudre de lait ou du blé en 2007, nous avons connu une baisse au moins équivalente en 2008. Ces variations violentes d'une année sur l'autre n'existent dans aucun autre secteur économique. Il faut remédier à cette instabilité des prix. Il faut mettre en place de véritables outils de gouvernance. L'idée (là aussi je prends mes responsabilités) de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée est une idée folle. La crise financière que nous connaissons en est le témoignage le plus criant. Pendant plusieurs décennies on a créé les conditions dans lesquelles l'industrie se trouvait soumise à la logique de la rentabilité financière à court terme. Ce système a alimenté la spéculation sur les marchés des matières premières et des produits agricoles. L'économie de marché, ce n'est pas la primauté donnée au spéculateur. C'est la primauté donnée à l'entrepreneur, à l'agriculteur, c'est la récompense du travail, de l'effort et de l'initiative. On ne peut permettre à une poignée de spéculateurs de mettre en péril la sécurité alimentaire européenne. C'est dans cet esprit que j'ai proposé à Rome l'année dernière au sommet de la FAO la régulation des marchés de matières premières agricoles. Le mot régulation n'est pas un gros mot. Je proposerai lors des prochains grands rendez-vous internationaux, et notamment au G8, d'aller plus loin dans la mise en oeuvre du Partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation. Je veillerai à la création, avant la fin de l'année, d'un groupe international de scientifiques, sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC. Il devra établir un diagnostic sur le fonctionnement des marchés de matières premières agricoles et sur l'évolution de la sécurité alimentaire, produit par produit, région par région. Je souhaite que l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement puissent se reposer sur cette analyse scientifique mondiale, objective, incontestable de manière que l'on comprenne ce qui se passe. Le deuxième axe de notre action consistera à donner aux filières agricoles la capacité de s'adapter à leurs marchés. L'agriculture française est un atout économique majeur. Je combattrai toute tentative de ravaler les agriculteurs au rang d'" aimables jardiniers de la nature " (franchement... surtout quand on voit ceux qui vous le proposent, à mon avis, je ne leur ferais pas confiance !) ou de " cantonniers à temps partiel de nos paysages ". Cela n'a jamais été ma conception de l'agriculture. Je propose que sur ce terrain la France se place résolument en position d'initiative. Nous n'avons pas à nous excuser d'une stratégie qui sert l'économie européenne et les consommateurs européens. Par parenthèse, à quoi cela servirait-il d'imposer des règles de traçabilité à nos éleveurs qui souffrent tant et de continuer à inonder nos marchés de produits d'élevage qui viennent de pays où il n'y a pas de traçabilité ? Nous ne pouvons pas accepter cette réalité qui n'est pas inéluctable. Sans doute faut-il mettre les points sur les i ? Vivre des prix des produits que l'on vend signifie aussi que chacun doit jouer le jeu de la concurrence. Il y a quelque chose qui n'est pas admissible. En près de quarante ans, les prix agricoles ont été divisés par deux et dans le même temps, les prix de nos aliments n'ont baissé que de 14 %. J'ai dit hier aux organisations syndicales, salariales comme patronales, que j'entendais poser la question du partage de la valeur. Je dis aux producteurs agricoles, aux distributeurs et aux industriels que je poserai la même question ; la valeur doit être mieux partagée dans notre pays. C'est l'intérêt des producteurs, c'est l'intérêt de notre économie, c'est l'intérêt des consommateurs. Aujourd'hui, l'acte de production, même de qualité, n'est plus suffisant pour obtenir une bonne rémunération. Il est donc indispensable de raisonner à l'échelle d'une filière, car c'est elle qui conditionne la répartition de la valeur ajoutée. Il faut lutter contre les importations à bas prix, Il faut organiser des filières structurées, dont l'approvisionnement est sécurisé et dont les produits répondent aux attentes des consommateurs. C'est pratiquement capital pour la filière porcine qui traverse une crise considérable depuis plusieurs mois. Pour atteindre nos objectifs, nous voulons donner à chaque filière les moyens d'anticiper et de réagir. Nous avons défini les conditions d'une généralisation, dès cette année, des mécanismes de gestion des risques climatiques et de l'épargne de précaution, à l'ensemble de nos exploitations. Je pense en particulier aux exploitations agricoles du Sud-Ouest, qui ont subi les lourdes conséquences de la tempête Klaus du 24 janvier dernier. Simultanément, la mise en oeuvre d'un fonds d'indemnisation sanitaire permettra de mieux gérer les conséquences des crises sanitaires. Je demande à Michel BARNIER et à Christine LAGARDE de faire en sorte que soit engagée dès 2010 une expérimentation élargie des assurances contre les aléas économiques en agriculture. On en a besoin. Au coeur de cette ambition, il y a une exigence. La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles, le premier exportateur mondial pour les produits agricoles transformés. Il nous faut conforter nos exploitations et nos filières et encourager ceux qui choisissent le beau métier d'agriculteur. Dans les huit ans à venir, il y a 50 % de vos entreprises qui vont changer de mains ! C'est un défi colossal ! Nous nous étions engagés, il y a un an, à réformer les soutiens à l'installation des jeunes agriculteurs. Cher Michel, aujourd'hui, les engagements sont tenus et nous allons accroître en 2009 les financements à l'installation qui atteindront 350 millions d'euros par an, avec l'objectif d'installer 7000 jeunes par an. Que les choses soient claires : une profession qui ne voit pas des jeunes la rejoindre est une profession qui meurt. La question de l'installation des jeunes agriculteurs, c'est non négociable, parce qu'il en va de l'avenir de l'agriculture dans notre pays. Parallèlement, la question de la revalorisation des petites pensions et le maintien du pouvoir d'achat des retraités agricoles est cruciale. Pour que les jeunes s'orientent vers le métier d'agriculteur, il faut que la situation de leurs aînés soit réglée de façon équitable. Franchement, si l'on voit ses aînés dans une situation lamentable, cela ne pousse pas à croire dans l'avenir de son métier. C'est une question de justice. Au coeur de la campagne électorale, j'avais pris deux engagements très clairs : revaloriser le minimum vieillesse de 25 % et revaloriser les pensions de réversion pour les veufs et les veuves les plus modestes sur la durée du quinquennat. Mais ces engagements je vais comme tous les autres les tenir avec méthode. Je ne tiens pas ces engagements parce que je les ai pris. Je les ai pris parce que j'y croyais, et j'y crois toujours. On me dit toujours : " Ah ! mais, Monsieur, c'est parce que vous l'avez dit qu'il faut le tenir. " Non, cela est plus grave que cela. Je l'ai dit parce que j'y crois, pas simplement parce que je l'ai dit. Ce n'est pas une ritournelle, c'est une réflexion. Dès 2009, nous avons donc décidé d'augmenter le minimum vieillesse de 6,9 %. Là aussi, j'entends beaucoup de conseils. Je me demande pourquoi ceux qui me conseillent avec tant de virulence ne l'ont pas fait lorsqu'ils étaient à ma place. C'est étrange que ce soit moi qui fasse cela. Mais pourquoi ont-ils attendu ? Parce qu'ils savaient que j'arrivais ? Comme c'est curieux ! Et 6,9 %, ce n'est pas assez, me dit-on. Mais surtout, il ne fallait pas se gêner pour faire mieux avant plutôt que d'aller dire aux Français qu'on ferait mieux après. S'il y en a qui se sentent visés, pas de problème : c'est vrai, c'est incontestable ! J'ajoute qu'on va mettre un filet de sécurité pour les 230 000 retraités les plus modestes, dont la carrière en agriculture a été incomplète. Il nous faut enfin créer les conditions d'une agriculture française encore plus fortement exportatrice. C'est une carte majeure. Pour cela, il faut placer la recherche et l'innovation au coeur de notre stratégie agricole. En réalisant, en novembre dernier, la première carte physique d'un chromosome du blé, la France est à la pointe de la recherche agronomique en Europe. Cette reconnaissance est aujourd'hui mondiale et je tiens tout particulièrement à saluer, cher Michel, le travail exceptionnel engagé par les chercheurs de l'Institut national de recherche agronomique. Le troisième axe (c'est le dernier) : il faut d'aider l'agriculture à répondre aux attentes de la société. La réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires a fait l'objet d'un accord sous présidence française, au niveau européen, sur les bases de l'accord sorti du Grenelle de l'environnement. Je veux particulièrement remercier le monde de l'agriculture d'avoir joué le jeu du Grenelle de l'environnement. Ce n'était pas évident. Et le monde de l'agriculture a fait preuve d'ouverture, d'intelligence, de modération, en comprenant que le respect de l'environnement, c'est d'abord la défense de la santé de ceux qui vivent sur les exploitations. Je le dis d'ailleurs aux défenseurs de l'environnement : les premières victimes d'un environnement qui ne serait pas respecté, ce seraient d'abord les agriculteurs qui entrent en contact direct de tout cela. Il n'est pas question, je vous le dis, que les agriculteurs français souffrent de distorsions de concurrence. Pour relever ces défis et poursuivre l'engagement de l'agriculture et de la forêt sur la voie du développement durable, j'ai demandé à Michel BARNIER d'élaborer un plan pour un nouveau modèle agricole de 2020. La réduction de la dépendance énergétique des exploitations agricoles, le maintien des surfaces en herbe, capital, le développement de pratiques plus respectueuses de l'environnement constituent autant de mesures importantes prises par l'agriculture pour respecter notre environnement. Ce Plan " Objectif Terres 2020 " est une première et comporte soixante mesures. Il sera présenté, je crois, ce soir par Michel BARNIER. Je souhaite qu'il fasse l'objet d'un suivi annuel pour valoriser l'effort considérable que fait l'agriculture pour s'adapter aux nouveaux défis de l'environnement. Il y a d'autres thèmes qui sont majeurs pour nous et je voudrais présenter dans les prochaines semaines un plan de valorisation et de mobilisation du bois. Écoutez, nous avons les plus grandes forêts d'Europe. Cette forêt a augmenté de 50 % depuis les années cinquante et nous sommes, tenez-vous bien, importateurs pour 6 milliards d'euros par an de bois. Mais, est-ce que c'est raisonnable ? Alors, on va prendre des décisions. Je préfère mobiliser de l'argent pour développer les capacités de production du pays. Il faut que tout cela change. Donc sur le bois, on va prendre des décisions avec Michel dans les toutes prochaines semaines. On sait parfaitement ce qu'il faut faire. Il suffit maintenant simplement de prendre les décisions. Vous le voyez, les engagements ont été tenus, et je veux remercier une nouvelle fois Michel BARNIER pour la qualité vraiment exceptionnelle de son action au service de notre agriculture, de notre forêt et de notre pêche. Alors, je voudrais terminer par les chantiers européens qui nous attendent. Le travail important sur la Politique agricole commune : être plus offensifs, je l'ai dit. Nous avons ouvert sous présidence française un débat sur les principes fondateurs de la Politique agricole commune de 2013. Ce débat était une première dans l'Europe élargie, elle a permis de dégager les premiers éléments d'accord autour des objectifs qui sont les nôtres. Le premier de ces objectifs, c'est d'assurer la sécurité alimentaire de près de 500 millions de consommateurs européens. Je suis persuadé que, y compris en Europe, les pays non producteurs agricoles peuvent nous rejoindre sur le thème de la sécurité alimentaire de leurs consommateurs. Nous avons toujours dit : " Oui, la France, elle défend l'agriculture parce qu'elle a des producteurs. " Mais les pays qui n'ont pas de producteurs, ils ont quand même des consommateurs et ces pays-là sont concernés par la sécurité alimentaire. La sécurité alimentaire, elle est quand même mieux garantie par les producteurs agricoles européens qui ont les règles que l'on connaît, plutôt que par d'autres producteurs. Le deuxième objectif, c'est de participer aux équilibres alimentaires mondiaux. Le troisième objectif, c'est de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Pour être plus légitime, la Politique agricole commune de 2013 doit s'appuyer sur * une préférence communautaire renouvelée. Je veux quand même dire que si on a fait l'Europe, c'est parce que l'on est attaché à la préférence communautaire. Si on n'a pas le droit de défendre la préférence communautaire, on se demande bien pourquoi on a fait l'Europe. Si on a fait l'Europe, c'est pour défendre l'Europe, c'est pour défendre ses intérêts, les intérêts de ses producteurs et les intérêts de ses consommateurs. Pour les défendre, il y a ce que l'on appelle la préférence communautaire ; * une gestion des marchés, je l'ai dit, en responsabilisant davantage les agriculteurs et les filières ; * un soutien accru à une meilleure organisation économique des filières ; * un soutien différencié permettant le maintien de l'activité de production dans les territoires fragiles, en particulier dans les zones herbagères et de montagnes ; * un soutien renforcé à l'agriculture de production respectueuse de l'environnement. Sur ces orientations, Michel BARNIER engage un travail national, qui établira les orientations françaises de la PAC de 2013 avant la fin de cette année. Naturellement, les parlementaires français élus au Parlement européen seront associés à ce travail. Cette modernisation de notre politique agricole devra être reprise dans un projet de loi de modernisation de l'agriculture et du secteur agro-alimentaire qui sera déposé par le gouvernement au Parlement avant la fin de cette année. Cette loi tracera de nouvelles perspectives pour l'agriculture, l'alimentation et le secteur agroalimentaire français. Naturellement, si l'on veut être crédible en Europe sur nos orientations, mieux vaut décider en France des orientations compatibles avec ce que nous voulons comme évolution sur le secteur européen. Donc, avant la fin de l'année, le gouvernement déposera un projet de loi de modernisation de l'agriculture et du secteur agroalimentaire en ligne naturellement avec les idées que nous avons portées pour défendre l'avenir de la politique agricole commune. Le bilan de santé de la PAC doit engager une sortie progressive des références historiques en consacrant de nouveaux moyens aux objectifs que je vous propose pour la PAC de 2013. Cet exercice se fera, je le dis au ministre, en renonçant aux économies prévues dans le budget 2010 du ministère de l'Agriculture et de la Pêche pour financer la PAC. Les conditions économiques de l'agriculture en effet se sont profondément modifiées depuis et justifient cet effort exceptionnel. Je vous demande trois choses : * la mise en place dès 2010 d'un soutien économique renforcé pour l'élevage situé en zones herbagères, * une gestion renforcée des risques climatiques et sanitaires, * une revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, pour soutenir notamment l'agriculture située en zone de montagne. C'est extrêmement important qu'en zone de montagne, on garde des capacités de production. Michel BARNIER présentera, le 23 février prochain, les orientations détaillées du bilan de santé de la PAC qui s'appliqueront dès 2010. Mesdames et Messieurs, vous le voyez, venir dans le Maine-et-Loire, cela m'a permis de prendre l'air, de changer d'interlocuteurs et surtout de renouveler le lien charnel que la France a avec son agriculture et avec sa terre. Le mot " terre " a une signification française et j'ai été élu pour défendre l'identité nationale française. Et dans cette identité nationale française, il y a le rapport des Français avec la terre. Toutes les familles de France ont des grands-parents, des parents qui, à un moment ou un autre, ont travaillé la terre. L'agriculture a façonné nos paysages. L'agriculture a donné à notre pays une partie de son âme. C'est avec ces convictions à l'esprit que nous allons ensemble oeuvrer à la défense et à la promotion de l'agriculture française. Haut de page