* Ecrits Ecrits * Demos Demos * Outils Outils * Blog Blog Retour Discours politique Nicolas Sarkozy, Allocution à l'occasion de la Journée internationale de la francophonie (20/03/2008) Monsieur le Président, cher Abdou DIOUF, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, Chers amis, Nous célébrons aujourd'hui la Journée internationale de la francophonie. Je tenais à être à vos côtés pour marquer mon attachement personnel à la francophonie et la solidarité qui lie la France à l'ensemble des membres de notre Organisation. Je souhaitais aussi, je veux le dire devant vous tous, manifester ma reconnaissance au Secrétaire général de l'OIF, le président DIOUF, pour son action remarquable, exemplaire, à la tête du mouvement francophone. Je me réjouis de passer un moment au milieu de jeunes qui représentent si bien la diversité de l'espace francophone et incarnent notre avenir commun. C'est avant tout pour eux que se construit la francophonie. En ce jour anniversaire, je suis venu vous témoigner ma profonde amitié et vous dire ma confiance dans l'avenir de la francophonie. En saluant les représentants présents ici de tous nos partenaires francophones, je voudrais rappeler la vigueur de nos idées au service de la diversité culturelle et la force du rayonnement de la langue française. Songez qu'un pays membre de l'Organisation des Nations unies sur trois est membre de plein droit, associé ou observateur de l'OIF, que plus de 200 millions de personnes ont le français en partage, de l'Amérique à l'Asie, en passant par l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, que 900 000 professeurs de français dans le monde enseignent chaque année notre langue commune à plus de 50 millions d'élèves. Oui, je suis venu vous dire qu'il est temps de redécouvrir nos forces et l'importance de tout ce qui lie autant de peuples divers. Je suis venu vous faire part de mon souhait de mieux valoriser ce que nous savons faire ensemble, francophones des cinq continents, afin de donner un nouvel élan à la francophonie et à la diffusion de la langue française. J'entends ceux qui s'inquiètent de l'évolution du statut de la langue française en France et dans le monde et qui croient deviner son déclin face à un triomphe, perçu sans partage, de la langue présentée comme synonyme de mondialisation, l'anglais. Je suis venu vous apporter ma réponse à ces interrogations, mais aussi aux interrogations de ceux qui se demandent à quoi sert encore la francophonie et quelle ambition elle peut porter. Je voudrais aujourd'hui vous dire combien je crois souhaitable et possible de concilier respect de notre identité, qui s'appuie sur notre langue, et modernité, mais aussi combien, à une conception défensive de la francophonie, je préfère une conception offensive dans laquelle l'OIF, par la diversité qu'elle représente, doit jouer un rôle majeur. Pour ma première intervention à la Journée internationale de la francophonie depuis mon élection à la Présidence de la République, je voudrais sans détour le dire : la francophonie est et restera une priorité de la diplomatie française. La francophonie et la langue française sont garantes de notre identité et indissociables de la réussite de notre projet d'une France forte, ouverte, moderne, engagée dans la construction de l'Europe et déterminée à relever les grands défis du monde. La mondialisation ne démode pas la francophonie. Elle la rend au contraire encore plus nécessaire à notre avenir. Car le sentiment d'appartenance à une collectivité humaine et l'identité nationale sont les bases indispensables d'une plus grande ouverture au monde. C'est parce que nous continuons de savoir qui nous sommes et ce que nous faisons ensemble que nous n'avons pas à craindre la mondialisation et l'accélération des échanges. La promotion de la francophonie est notre intérêt. Mais c'est aussi, sans arrogance superflue, l'intérêt du monde, pour que la diversité l'emporte sur une uniformité qui serait synonyme d'appauvrissement culturel et intellectuel. La diplomatie française continuera d'être vigilante sur l'usage du français dans la vie internationale. Le français doit conserver et conservera son statut particulier dans les organisations internationales. Mais la France ne peut être la seule à se battre. Les pays francophones dans leur ensemble doivent se sentir concernés par cet enjeu. La première mesure minimale que nous sommes tous en droit d'attendre de la part de membres de l'OIF serait qu'ils veillent à s'exprimer en français dans les enceintes où le français est langue de travail, tant au niveau des chefs d'État et de gouvernement que de leurs représentants. Il me paraîtrait pour le moins étrange, par exemple, que le chef d'un État dont le français est langue officielle choisisse de s'adresser en anglais à l'ensemble de la communauté internationale depuis la tribune des Nations unies plutôt qu'en français. Je veillerai également au statut du français dans l'Union européenne. Et je peux vous dire ici que j'exercerai la présidence de l'Union européenne, au second semestre de cette année, en français ! Je souhaite que nous accentuions nos efforts auprès des institutions européennes pour conserver un équilibre entre les langues de travail de l'Union. Les institutions communautaires ne doivent pas relâcher leur nécessaire politique de plurilinguisme. Pour les accompagner et donner une traduction concrète de son propre engagement, la France intensifiera son concours à la formation des fonctionnaires nationaux et communautaires originaires des États membres les plus récemment entrés dans l'Union européenne. L'OIF, cher Abdou DIOUF, joue aussi un rôle important dans la promotion du français langue internationale. Je tiens à saluer en cette année olympique son implication réussie dans l'élaboration d'une convention sur l'utilisation du français aux Jeux de Pékin, que Jean-Pierre RAFFARIN a signée en votre nom avec le Comité d'organisation à l'occasion de ma visite d'État en Chine en novembre dernier. Ces réflexions m'amènent à évoquer la situation de la langue française en France. J'entends parfois des amis francophones nous dire que la francophonie est moins visible et moins alerte en France que dans d'autres États membres de l'OIF, que l'on y serait paradoxalement moins soucieux du français que dans certaines parties d'Amérique ou d'Afrique. Je ne reviens, bien sûr, pas sur les circonstances historiques et géographiques propres à chacun des membres de la francophonie qui peuvent justifier cette impression. Mais il faut aborder cette critique de front, qui rejoint les inquiétudes de ceux qui craignent le déclin du français dans le monde. En France, aux termes de l'article 2 de la Constitution, la langue de la République est le français. C'est le socle du contrat républicain et j'entends bien veiller à son respect. Les textes et communications officiels, les travaux des administrations opposables au public ou constitutifs d'actes officiels et tout ce qui concerne leurs relations avec les usagers sont exprimés en français. C'est notre loi fondamentale. Il faut certainement rester attentif à la tentation d'un usage croissant de l'anglais dans la société française. Le débat est important. Nous devons l'avoir au sein de la communauté nationale. Il est d'ailleurs porté par de grandes institutions comme l'Académie française, dont le travail de supervision des travaux de terminologie garantit l'adaptation de la langue française. Mais ce débat, nous ne devons pas le dramatiser. La France, au coeur de l'Europe, partageant des frontières terrestres avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne, et même le Brésil avec la Guyane, n'est pas dans la situation du Québec en Amérique du Nord. La France a la chance de vivre la diversité à ses frontières. Et dans le Royaume-Uni voisin, la francophonie progresse très fortement, n'oublions pas de le dire, grâce aux plus de 300 000 Français vivant dans le Grand Londres. Voyez comme on parle français à la City londonienne ! Il faut donc ramener les choses à leur juste dimension. La France n'a qu'une langue officielle, le français, à laquelle tous nos compatriotes sont attachés et dont ils sont fiers, à juste titre. Et si je considère que les Français doivent consentir un effort d'apprentissage d'autres langues que la leur, c'est bien parce que j'estime que c'est une condition du rayonnement du français. Comment pourrais-je demander la diversité linguistique et culturelle à l'étranger sans en donner des signes en France ? Et comment être dynamiques dans l'économie mondialisée si nous ne sommes pas ouverts aux autres ? C'est cette ouverture et notre pouvoir d'attraction qui conduiront nos partenaires non francophones à favoriser l'apprentissage du français, pas notre repli. C'est pour ces raisons que j'ai voulu pour les plus jeunes enfants de France un plan de renforcement de l'apprentissage à l'école des langues étrangères, qui sera mis en oeuvre au cours des quatre prochaines années. Le français est une grande langue des sciences, des technologies, de l'économie et de la culture. La diversité linguistique lui permettra de conserver ce statut de grande langue du monde. Cet engagement n'est ni passéiste ni nostalgique, mais moderne et porteur d'avenir : le rayonnement du français s'inscrit dans le respect et la promotion de la diversité des langues et des cultures. La francophonie, au-delà de l'usage du français, c'est aussi la solidarité entre les francophones et la contribution des États francophones au règlement des grands défis mondiaux. La France est depuis longtemps aux côtés de ses partenaires francophones du Sud pour soutenir leur développement. J'aurai l'occasion à plusieurs reprises cette année de renouveler cet engagement, tant pour atteindre les Objectifs du millénaire que pour soutenir la croissance économique et l'investissement, principaux leviers du développement. J'entends que l'aide de la France aille prioritairement aux partenaires avec lesquels elle est liée par une communauté de destin souvent ancienne. Parmi les axes d'intervention, l'appui à l'éducation en français sera augmenté. En complément d'un effort accru en matière de scolarisation des enfants en Afrique, la France soutiendra l'amélioration de la qualification des maîtres d'école. L'OIF et l'Agence universitaire de la francophonie mettront en oeuvre une nouvelle initiative de formation à distance des instituteurs pour l'Afrique et la Caraïbe. J'entends apporter à cette initiative tout mon soutien. Je compte également appuyer les efforts de la francophonie dans la formation supérieure à distance et la mise en place des campus numériques, enjeu fondamental pour le développement. La francophonie souffre parfois d'un déficit d'image. Je propose qu'elle mette tout en oeuvre pour offrir au monde l'image d'une organisation sensible aux préoccupations de nos peuples, en phase avec les besoins de notre époque, soucieuse d'efficacité et de résultats. Le prochain sommet de Québec, en octobre, sera un test de notre volonté collective. Je me réjouis beaucoup d'y prendre part en cette année qui marque le quatre centième anniversaire de la fondation de la ville de Québec. Je fais confiance à ses organisateurs canadiens et québécois pour proposer des thèmes politiques, qui conduiront l'OIF à prendre sa part dans les grands débats internationaux. Crises politiques régionales, démocratie, gouvernance, lutte contre le changement climatique sont, me semble-t-il, des sujets qui s'imposent d'eux-mêmes. L'Organisation internationale de la francophonie n'est pas une ONU bis, mais elle a un potentiel important de contribution au règlement des conflits et des différends, aux côtés des Nations unies. Car l'OIF est riche de sa diversité. Elle rassemble des pays industrialisés, dont deux membres du G8, et des pays en développement. Elle représente les grandes aires religieuses et de civilisation du monde. Elle a aujourd'hui quasiment achevé son élargissement. Pour la France, il ne manque plus à l'Organisation que deux États : l'Algérie (dont le président BOUTEFLIKA a participé aux sommets de Beyrouth en 2002 et de Ouagadougou en 2004 ; ce serait une très bonne nouvelle s'il acceptait de prendre part à celui de Québec cette année), Israël, qui compte plus de 700 000 francophones (son rapprochement avec les réseaux francophones s'est déjà amorcé, par exemple avec l'adhésion en 2005 de l'université de Tel-Aviv à l'Agence universitaire de la francophonie ou l'affiliation du patronat israélien au forum francophone des affaires). L'OIF est la traduction politique d'une réalité vivante, celle de l'espace francophone. Elle ne doit pas craindre d'être ambitieuse dans la défense de nos valeurs communes, tout d'abord à titre interne, dans l'application des principes que nous avons adoptés ensemble. Je pense en particulier à la déclaration de Bamako en 2000, qui a fixé des règles de respect des droits de l'Homme, de l'État de droit et de la démocratie au sein de l'espace francophone. Il nous faut veiller avec constance à sa pleine application. C'est fondamental pour nos peuples et important pour notre crédibilité collective. Peut-être faut-il aller encore plus loin, notamment par la mise en place de mécanismes de surveillance et de sanctions. Ce pourrait être un sujet pour le sommet de Québec. Je voudrais ici rendre un hommage appuyé à l'action dans ces domaines du Secrétaire général de l'OIF, le président DIOUF. Sa hauteur de vues, sa sagesse et sa grande réactivité, notamment aux situations de crise, sont un atout précieux pour que nous fassions ensemble de la francophonie un acteur politique qui compte. Je tiens à le remercier une nouvelle fois du rôle qu'il vient de jouer dans la crise au Tchad, pour mobiliser tous les partenaires lors d'un conseil ad hoc réuni à Paris à la mi-février et pour faciliter le processus de dialogue national sur le terrain. Notre visite commune à N'Djamena le 26 février m'a permis d'apprécier une fois de plus ses talents reconnus de médiation. La francophonie ne doit pas non plus craindre d'être ambitieuse dans l'affirmation de son rôle dans les grands débats internationaux, qu'il s'agisse de l'environnement, de l'énergie ou du commerce. Ses États membres devraient rendre systématiques les concertations entre leurs délégations à l'occasion des grandes conférences. Je propose qu'il en soit également ainsi au Conseil des droits de l'Homme, dont nous devons obtenir un meilleur fonctionnement. La France souhaite proposer à ses partenaires d'intensifier les efforts collectifs dans des domaines où leurs initiatives peuvent faire la différence. C'est le cas pour la situation des enfants dans les conflits armés, dossier sur lequel Rama YADE fait un travail remarquable. Ce pourrait aussi être le cas en matière de règles de transparence des conditions d'exploitation des industries extractives, par l'élargissement de l'initiative dite EITI. Enfin, la participation des États francophones aux opérations de maintien de la paix devrait être encouragée. Je demande au Secrétaire général des Nations unies et au département des opérations de maintien de la paix de ne pas être timides devant la perspective d'envoyer des troupes francophones dans des régions anglophones, comme on a récemment pu le déplorer. Dans le même temps, nous devrions être prêts à former en français les troupes non francophones appelées à participer à une opération dans un pays majoritairement francophone. Chers amis, la France entend jouer tout son rôle au sein de la francophonie et pour son rayonnement. Elle poursuivra ses efforts financiers, qui ont représenté en 2007 plus de 130 millions d'euros pour les seules institutions francophones. Elle continuera de défendre la modernisation de la francophonie grâce aux réformes qu'elle a décidé d'engager, ainsi de la réforme de l'audiovisuel extérieur public français, que j'ai souhaité pour le rationaliser et en accroître les performances non pas pour faire moins, mais plus et mieux. Nous mettrons bientôt en place le groupe France Monde, qui incarnera une présence audiovisuelle plus forte, plus cohérente, plus ambitieuse et plus efficace à travers le monde entier. Le but de cette réforme n'est pas de menacer l'existence de TV5 Monde. Il s'agit au contraire de renforcer en même temps l'audiovisuel français et l'audiovisuel francophone pour affronter les défis que représentent la multiplication des vecteurs d'information concurrents, la révolution numérique et les stratégies d'influence de certains États fondées sur des médias audiovisuels. Un groupe audiovisuel fédéré comme le sera France Monde avec ses filiales télévision, radio et Internet sera beaucoup mieux armé pour affronter la concurrence internationale et défendre les valeurs universelles de la francophonie. TV5 a toute sa place dans ce dispositif et nos partenaires canadien, québécois, suisse et belge y conserveront tout leur rôle, comme le prévoit l'accord multilatéral auquel la France demeure attachée. Le seul objectif que nous nous fixons est de donner plus de visibilité encore à l'offre audiovisuelle francophone et plus de force au message et aux valeurs portées par la francophonie. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous devons nous convaincre davantage des atouts de la francophonie. Nos valeurs n'ont jamais été plus actuelles : la diversité culturelle - la jeunesse présente ici le sait bien, qui la vit - est de plus en plus indispensable dans nos sociétés ouvertes. La mondialisation des échanges ne nous condamne pas à l'uniformisation, au contraire ! Nous sommes du côté des modernes, pas des nostalgiques ; des bâtisseurs, pas des contemplateurs ; des optimistes et des volontaristes, pas des pessimistes et des défaitistes. Bientôt s'engagera le chantier de l'emménagement des institutions de la francophonie sur un site unique du VIIe arrondissement de Paris. Le président DIOUF m'avait demandé en juin dernier de débloquer ce dossier. C'est chose faite avec une solution trouvée à la fin de l'année, conformément au calendrier sur lequel je m'étais engagé. Nous inaugurerons ensemble à Paris avant la fin 2009, cher Abdou DIOUF, cette Maison de la francophonie. Elle sera la marque symbolique de l'ambition que nous avons tous de l'OIF : jouer un rôle toujours croissant, toujours plus visible au service de la langue française, au service des valeurs que nous avons en partage et au service d'un monde de paix, de développement et de progrès. Je vous remercie. Haut de page