Discours politique

Nicolas Sarkozy, Réception de la communauté française (15/01/2008)

Votre Altesse, Prince héritier, Cher Tamin,

Monsieur le Procureur, cher Ami,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers compatriotes,

L'histoire de la relation entre la France et le Qatar est chargée de symboles et d'images fortes. C'est une histoire nourrie de respect et d'admiration mutuelle.

Il y a quelques mois, j'ai eu le plaisir d'accueillir à Paris Son Altesse l'émir du Qatar et son épouse, lors du 14 Juillet sur les Champs-Élysées. Leur fils, Joan, élève de la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr, défilait sur les Champs-Élysées devant ses parents. Cette image reste pour moi le symbole d'excellence et de reconnaissance mutuelle entre nos deux pays. Et je suis particulièrement heureux d'être aujourd'hui parmi vous.

Cette visite d'État que j'effectue au Qatar est le reflet de l'amitié et de l'estime réciproques que se portent nos deux pays. La France et le Qatar tiennent à leur relation stratégique. Ils sont portés l'un vers l'autre par le même souci de tolérance, de respect de la différence et de dialogue des cultures, celui-là même qui anime les deux rives de la Méditerranée. C'est ce symbole qui nous réunit en ce moment même, dans ce gymnase, de ce bel et chaleureux établissement du lycée Voltaire, lycée franco-qatarien dont le nom, à lui seul, souligne la reconnaissance des valeurs universelles qui font l'humanité de l'Homme, la liberté, l'égalité dont la France porte haut l'héritage.

Cet établissement (" Une école, deux cultures, trois langues " : j'ai bien retenu ma leçon ; oui, deux civilisations) a une devise qui résume à elle seule l'ambition légitime qui est la vôtre. Je voudrais dire au prince héritier, cher Tamin, combien la France vous est reconnaissante pour le rôle crucial que vous avez joué dans la réussite de ce projet, que vous avez encouragé avec conviction et avec générosité. Je me tourne également vers notre ami Ali EL-MARRI, le procureur général de l'État du Qatar, pour lui dire combien je lui suis reconnaissant de l'amour qu'il a pour la langue française, de son amitié sincère pour la France et de tout le travail qu'il a mis en oeuvre pour réaliser cet établissement. Je voudrais me tourner également vers la mission laïque, son directeur général, et l'ensemble des professeurs ici présents. Ils ont été les chevilles ouvrières de ce projet, les artisans de sa réussite, les guides qui conduiront les enfants de nos deux pays à s'aimer, à se respecter et à grandir ensemble

Je veux aussi, vous le comprendrez, saluer le formidable succès du lycée français de Doha, fondé en 1996. Je sais que vous avez décidé de le baptiser lycée Bonaparte. Je suis désolé, Bernard, mais je leur donne des idées, quand même... Je connais le dévouement des enseignants qui y travaillent, l'excellence de l'enseignement qui y est dispensé.

Je vais vous dire une chose très simple : je ne ménagerai pas mes efforts pour promouvoir la culture et la langue françaises. On ne peut pas vouloir pour notre pays un rôle universel et ne pas faire en sorte que, partout dans le monde, il y ait des établissements d'excellence qui enseignent le français, non seulement pour nos compatriotes qui vivent l'aventure de l'expatriation, mais également pour nos amis des pays concernés qui doivent pouvoir connaître la culture française, apprendre le français dans des lycées comme ceux-ci, qui font un travail remarquable à Doha. Comprenez-moi bien, je pense vraiment qu'on est au-delà de la technique, que c'est un engagement politique de ma part. Je suis Président de la République, je suis là pour porter une certaine idée de la culture française et de la langue françaises.

J'ajoute, à destination de nos compatriotes qui vivent ici au Qatar, que j'ai bien l'intention, avec Bernard KOUCHNER, de poursuivre l'effort qui rendra les études gratuites pour nos compatriotes qui vivent à l'étranger, comme elles le sont pour nos compatriotes qui vivent dans l'Hexagone. Et je remercie Xavier DARCOS, le ministre de l'Éducation nationale, d'accompagner avec toute sa compétence cet effort.

Il faut savoir ce que l'on veut dans notre pays. Je le dis devant le prince héritier : j'ai toujours défendu l'idée que la France avait une identité. Et je comprends parfaitement que le Qatar ait réalisé des investissements considérables pour le musée islamique de Doha, qui est une façon de retrouver son identité, d'aller à la source de son identité. Les pays apaisés, les pays qui portent les valeurs de paix, d'ouverture et de tolérance, contrairement à ce que j'entends dire si souvent, sont les pays qui sont tranquilles avec leur identité parce qu'une identité bafouée et humiliée, c'est une identité radicalisée. C'est pourquoi la France est fière de son identité.

La France travaille à la promotion de la culture française, de la langue française, de l'identité nationale française non pas dans un esprit nationaliste, non pas dans un esprit agressif à l'endroit des autres identités, mais justement parce que la France ne veut pas d'un monde aplati, d'un monde où il n'y aurait qu'une seule culture, c'est-à-dire plus de culture du tout, une seule langue, c'est-à-dire plus de langue du tout. La France promeut l'idée de la diversité. Mais que serait la diversité sans identité ? Et j'aimerais, à tous ceux qui n'ont que le mot " diversité " à la bouche, qu'ils se souviennent et qu'ils comprennent que, pour qu'il y ait de la diversité, il faut avant faire l'effort de défendre l'identité. Je me souviens fort bien du charivari que j'ai provoqué lorsque j'ai proposé la création d'un ministère de l'Identité. L'identité n'est pas une pathologie. Je dis à nos amis qataris qu'ils ont raison de retrouver les sources de cette identité.

Ici, dans le monde, vous regardez : les pays les plus agressifs, les moins stables, ce sont aussi les pays dont la jeunesse ne sait plus d'où elle vient et ce qu'elle est. La crise d'identité provoque une agressivité, le retour vers l'identité, la capacité à assumer son histoire, à la connaître et à la respecter porte vers les autres, vers l'ouverture et vers la tolérance.

C'est vous dire combien cher Tamin, ce qui se joue ici est absolument essentiel. Et nous allons engager un effort sans précédent pour développer le réseau de l'enseignement français et de la culture française à l'étranger.

Je voudrais remercier particulièrement les enseignants qui portent ici les valeurs universelles de notre pays et vous remercier, vous tous, mes chers compatriotes, qui avez tenté cette aventure de l'expatriation ici. C'est vrai, il y a pire que d'être au Qatar. Je ne dis pas simplement parce qu'il est là, je le dis parce que je le pense. Et moi, je garderai un souvenir : courir le matin sous la pluie à Doha, ce n'est pas donné à n'importe qui...