Discours politique

François Fillon, F.Fillon, l'Angleterre : un partenaire fiable, courageux, pragmatique (14/01/2011)

Mesdames et Messieurs, c’est un grand honneur pour moi de venir m’exprimer à la City de Londres et je veux remercier le Lord Maire et la Corporation de la City d’avoir permis que cette rencontre ait lieu.

La City, c’est la première place financière d’Europe, je veux dire que sa force, c’est un atout pour tous les partenaires européens.

Le Royaume-Uni est une grande puissance économique et industrielle qui, comme la France, croit que la mondialisation est un défi qu’il faut relever.

Le destin de la France et de la Grande-Bretagne sont des destins qui sont liés.

En deux ou trois heures de train, Londres est intégré au plus grand espace économique d’Europe occidentale.

Cet espace nous rend plus forts, nous sommes donc comptables de sa vitalité et nous sommes co-responsables de son développement.

Britanniques et Français, nous avons la même tâche, nous avons la même responsabilité qui est de sortir de la crise et de renforcer la croissance de l’Europe.

Je suis d’abord venu pour cela, vous dire que la priorité absolue du gouvernement français, c’est la poursuite des réformes que nous avons engagées, sous l’autorité du Président SARKOZY, en 2007, celle des finances publiques bien sûr, mais aussi les réformes économiques et sociales.

Des deux côtés de la Manche, je pense que le seul choix responsable pour garantir notre souveraineté à laquelle nous sommes, nos deux pays, tellement attachés, pour garantir notre indépendance économique, le seul choix responsable, c’est la discipline budgétaire.

Face à la crise, nous avons été contraints d’apporter un soutien financier massif au système bancaire, puis à notre économie, pour stimuler la reprise.

A présent, notre responsabilité, c’est de redresser les finances publiques pour retrouver une croissance durable, sans sacrifier les investissements d’avenir.

Le gouvernement britannique a engagé un programme de redressement budgétaire extrêmement audacieux.

Je veux dire que de notre côté, nous avons lancé la politique de limitation des dépenses publiques la plus rigoureuse depuis vingt ans.

Nous avons rompu avec le choix du passé, ce choix qui consistait à combler les déficits en accroissant la pression fiscale.

Nous avons pris la décision, avec le président de la République, d’écarter toute hausse généralisée de l’impôt.

Nous avons gelé les moyens des ministères qui enregistrent donc une décroissance réelle de leurs budgets.

Nous avons pris l’engagement de réduire de 10 % en trois ans les moyens de fonctionnement des administrations et de 5 % la première année, c’est-à-dire en 2011.

Nous avons, pour la première fois dans l’histoire récente de notre pays, gelé tous les transferts aux collectivités territoriales.

Nous poursuivons la politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

Nous avons supprimé depuis 2007 100 000 postes dans la fonction publique d’Etat et, sur la période 2011-2013, nous allons supprimer 97 000 postes supplémentaires.

Ces efforts sont dans notre pays des efforts sans précédent.

Nous avons atteint, avec l’effet de la crise, un déficit en 2010 de 7,7 % du produit intérieur brut.

Les efforts que nous engageons vont nous permettre de revenir à 6 en 2011, à 4,6 en 2012 et à 3 en 2013.

Je veux insister devant vous sur notre détermination à respecter cet objectif en 2013.

D’ailleurs, cette trajectoire a fait l’objet du vote d’une loi pluriannuelle par le Parlement.

Avec le Président de la République, nous sommes totalement engagés à faire en sorte qu’elle soit respectée.

Parallèlement, nous venons de réussir la réforme des retraites.

Nous avions, pour préserver nos régimes de retraite, à réaliser des adaptations structurelles.

Nous les avons entreprises dès 2007 en réformant ce qu’on appelle dans notre pays les régimes spéciaux.

En 2010, nous avons reporté l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et nous avons fait passer de 65 à 67 ans l’âge de la retraite à taux plein, le tout en préservant notre système de retraite par répartition.

Dans un pays qui a la réputation d’être hostile aux réformes, je veux vous faire remarquer que nous avons réussi à mettre en œuvre un rythme de relèvement des seuils d’âge de la retraite qui est entre deux et quatre fois plus rapide qu’en Allemagne, qu’au Royaume-Uni ou qu’aux Etats-Unis.

Bien sûr, il y a eu des oppositions, beaucoup pensaient que nous serions obligés de reculer.

Nous ne l’avons pas fait.

Nous avons tenu bon parce que cette réforme était nécessaire sur le plan social et financier.

Je voudrais d’ailleurs faire remarquer que depuis qu’elle a été votée par le Parlement, ce n’est plus un sujet de contestation et j’ai la conviction absolue que personne ne reviendra jamais sur cette réforme.

L’impact de la réforme des retraites sur les comptes publics sera positif dès cette année, puisqu’elle permettra de réduire le déficit public d’environ un demi point du produit intérieur brut en 2013 et environ 1,2 % du PIB en 2020.

Tous ces efforts sont des efforts indispensables, mais pour aller chercher la croissance, nous devons aussi renforcer la compétitivité de notre économie et sa capacité d’innovation.

Je voudrais rappeler qu’en la matière la liste des réformes que nous avons engagées depuis 2007 est longue.

Nous avons réformé notre droit du travail et nous sommes ainsi sorti du carcan qui était imposé par la loi sur les 35 heures.

Désormais, en France, chaque entreprise a la possibilité de négocier à l’intérieur de l’entreprise le temps de travail, dans les limites qui sont prévues par la législation européenne.

Nous avons réformé les services publics en introduisant la rémunération au mérite des agents ou encore, ce qui était impensable en France il y a quelques années, le service minimum dans les transports et dans les écoles en cas de grève.

Nous avons réformé l’université française, dont on disait, à juste titre d’ailleurs, qu’elle était politiquement infaisable, puisque beaucoup de ministres – j’en ai été – ont tenté de le faire dans le passé sans y parvenir.

Désormais, les universités françaises sont presque toutes autonomes et elles ont pu engager un effort pour recruter elles-mêmes leurs enseignants, chercher les financements complémentaires dont elles ont besoin, ce que toutes les grandes universités du monde faisaient et ce qui n’était pas possible dans notre pays.

Pour améliorer la compétitivité des entreprises, nous avons supprimé ce qu’on appelle la taxe professionnelle, c’est-à-dire un impôt payé aux collectivités locales, cela représente 7 milliards d’euros qui seront économisés par les entreprises en 2010.

Pour encourager les entreprises à innover, nous avons triplé le crédit impôt recherche.

Les investisseurs étrangers, donc les investisseurs britanniques, ont largement plébiscité cette mesure fiscale.

Désormais, la France est l’un des pays les plus attractifs en termes fiscal pour les centres de recherche.

Enfin, nous avons lancé un grand programme d’investissements d’avenir qui consacre 35 milliards d’euros de ressources publiques à l’innovation dans tous les secteurs d’avenir, l’université, la recherche, l’industrie, les nouvelles technologies en seront les grands bénéficiaires.

Ces investissements publics n’interviennent que couplés avec des investissements privés, c’est donc en gros 65 milliards d’euros qui vont être mobilisés par ce programme d’investissements d’avenir.

Tous ces efforts et toutes ces réformes commencent à porter leurs fruits, puisque nous avons renoué avec la croissance qui devrait atteindre 1,6 % en 2010.

En novembre, la production industrielle a progressé comme la consommation de produits manufacturés.

Donc, nous avons aujourd’hui toutes les raisons de penser que les objectifs que nous nous sommes fixés de croissance, autour de 2 % en 2011, sont des objectifs atteignables.

Tout est donc fait pour renforcer encore la compétitivité et l’attractivité de la France.

Certains l’oublient parfois ou ne veulent pas le reconnaître, mais la France est un pays qui est largement ouvert au monde.

Un tiers des salariés du secteur privé travaille pour des entreprises étrangères, la moitié de la capitalisation boursière de la place de Paris est détenue par des entreprises étrangères.

Au final, la France et le Royaume-Uni sont parmi les principaux pays d’accueil des investissements étrangers.

Mesdames et Messieurs, nous voulons exploiter toutes les potentialités de notre partenariat avec le Royaume-Uni dans cet esprit d’accroître les capacités d’augmenter la croissance en Europe.

C’est la deuxième chose que je voulais vous dire ce matin.

Les peuples français et britannique savent que ce qui nous rassemble dépasse de très loin ce qui nous distingue.

Ils se souviennent des tranchées de 1914 où sont tombés tant de Britanniques qui reposent en terre de France.

Ils se souviennent des heures sombres de 1940 où Winston CHURCHILL avait même offert la fusion entre la France et la Grande-Bretagne.

En tout cas, en raison du refus des responsables politiques français, bien mal inspirés, il a offert le soutien du Royaume-Uni à la France libre et au Général de GAULLE.

Au fond, à chaque fois, la France et la Grande-Bretagne, malgré toutes leurs différences et malgré toutes leurs querelles, ont su s’unir lorsque l’essentiel était en jeu, en l’occurrence lorsque la liberté du monde était en jeu.

Aujourd’hui, si le temps des conflits meurtriers est derrière nous, nous avons en face de nous un enjeu essentiel qui est la guerre économique mondiale.

Si nous voulons maintenir nos modèles économiques, nos modèles sociaux, auxquels nous sommes tellement attachés, si nous voulons conserver un certain leadership dans le monde, nous avons le devoir de continuer à nous rapprocher et à nous faire confiance.

Nous avons engagé une coopération en matière de défense, dont je voudrais dire devant vous qu’elle est de celle qui ne peut exister qu’entre des nations sœurs.

On ne peut pas aller aussi loin dans la coopération, sur des sujets aussi essentiels que la dissuasion nucléaire, si on n’a pas une confiance totale les uns dans les autres.

Le 2 novembre 2010, le Président SARKOZY et le Premier ministre CAMERON ont signé ici, à Londres, deux traités qui sont des traités de portée historique en matière de coopération, de défense et d’accès à des installations nucléaires communes.

Avec cette étape, nous nous engageons dans la voie d’un rapprochement encore plus étroit qui respecte la souveraineté britannique et qui respecte la souveraineté française.

Je suis convaincu que dans cet esprit, nous n’avons pas tous encore pris la mesure du degré d’interaction atteint par nos industries de défense.

Les gouvernements britannique et français viennent de signer une feuille de route qui est faite de projets très concrets.

Nos industriels sont partie prenante à ces programmes et vont pouvoir augmenter leur poids face à la concurrence internationale.

Pour la France, ce rapprochement est bon ; pour la Grande-Bretagne, ce rapprochement est bon ; je crois qu’il est aussi bon pour l’Europe et qu’il est aussi bon pour l’OTAN.

Le renforcement de l’intégration franco-britannique ne connaît donc aucun obstacle et aucun tabou.

Près de 2 500 entreprises britanniques emploient plus de 250 000 personnes en France et 1 500 entreprises françaises implantées au Royaume-Uni ont plus de 330 000 salariés.

Il faut des tempêtes de neige ou des nuages de cendres pour nous rappeler de temps à autre que l’Angleterre est une île, tant la réalité économique fait que nos marchés ne font qu’un.

Je voudrais prendre l’exemple du marché de l’énergie.

EDF ENERGY produit aujourd’hui un quart de l’électricité britannique et gère huit centrales au Royaume-Uni.

Il compte mettre en service un premier réacteur EPR en 2018 et en construire quatre d’ici 2025.

C’est à partir de cette assise franco-britannique que nous pourrons construire un leader mondial pour les centrales de troisième génération, capable de répondre avec un niveau de sécurité sans précédent aux exigences d’un monde qui a besoin de toujours plus d’énergie, mais en même temps qui a besoin de toujours moins de carbone.

Tout cela englobe les sous-traitants, des centaines de sociétés britanniques et françaises spécialisées dans les technologies de pointe à haute valeur ajoutée et qui sont les entreprises qui vont créer les emplois de demain.

Pour renforcer cette compétitivité commune – c’est la troisième chose que je voudrais vous dire – le premier cadre pertinent qui s’impose à nous, même si ce n’est pas le seul, c’est l’Europe.

Avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont les leaders de la recherche en Europe et nous avons le devoir de continuer à encourager l’innovation.

Mais aujourd’hui, nous devons faire face à des obstacles que nous devons ensemble lever.

Le coût de l’enregistrement d’un brevet est dix fois plus élevé en Europe qu’aux Etats-Unis.

Cela va changer.

Puisqu’une dizaine d’Etats européens, dont le Royaume-Uni et la France, viennent de proposer une coopération renforcée pour créer un brevet de l’Union européenne beaucoup moins cher.

La France a aussi proposé que l’on crée un Fonds européen des brevets et un Fonds européen de capital risque pour les entreprises innovantes.

Je souhaite et j’aurai l’occasion de le dire au Premier ministre David CAMERON tout à l’heure, que le Royaume-Uni s’engage pleinement à nos côtés pour promouvoir ces projets qui visent au fond à mieux utiliser l’argent européen, à mieux utiliser la force de l’Union européenne sur des projets qui encouragent directement la croissance.

Tous ces projets illustrent la volonté commune de la France et de la Grande-Bretagne de réformer le budget européen.

En décembre, nous avons cosigné, avec trois autres Etats membres, une lettre demandant la stabilisation du budget de l’Union européenne pour les prochaines perspectives financières.

Nous croyons que des politiques européennes ambitieuses sont compatibles avec un budget stable et nous croyons que l’enjeu des prochaines négociations budgétaires, ce ne sera pas de dépenser plus, mais ce sera de dépenser mieux.

D’ailleurs, comment expliquer à nos concitoyens qu’au moment où nous devons engager un effort très important de réduction de nos dépenses publiques, l’Union européenne augmenterait les siennes.

C’est la raison pour laquelle la France propose de réorienter une partie des crédits de recherche de l’Union européenne vers des actions qui soient beaucoup plus directement utiles aux entreprises.

C’est la raison pour laquelle nous devons lutter pour une mise en œuvre moins bureaucratique des principales politiques européennes, à commencer par celle de la recherche et de l’innovation.

Dans cette logique, il me parait indispensable que toute nouvelle proposition de réglementation européenne soit désormais obligatoirement accompagnée d’une étude d’impact centrée sur la compétitivité des entreprises.

Pendant trop longtemps, en effet, il y a eu un empilement de normes européennes sans aucune vision d’ensemble sur les effets sur les entreprises.

Je pense que, ensemble, Français et Britanniques, nous pouvons faire évoluer cette situation.

Evidemment, la stabilité et le dynamisme de la Zone Euro sont une autre condition de la prospérité de l’ensemble des Etats européens.

La Zone Euro, c’est le cœur monétaire de l’Europe et je voudrais que personne ne puisse douter de la détermination de l’Union européenne tout entière à la préserver.

C’est une priorité politique, c’est une priorité économique absolue.

La réaction collective, qui a été la nôtre en 2010 pour venir au secours d’Etats membres qui étaient exposés à une crise de liquidités, a prouvé cette détermination et cette solidarité.

Nous avons, en effet, pris des mesures massives d’assistance à la Grèce et à l’Irlande.

Nous avons mis en place un Fonds européen de stabilisation financière pour trois ans.

Ces mesures d’urgence ont prouvé la capacité de réaction et la capacité d’adaptation de l’Europe.

Mais en même temps, elles ont montré la nécessité de mettre en place des mesures plus structurelles.

D’abord, des mesures plus structurelles pour renforcer la surveillance collective des Etats de la Zone Euro.

La crise irlandaise a montré qu’il était nécessaire d’étendre cette surveillance au-delà des seuls critères de budget et de dette, en traitant les risques de déséquilibre macroéconomique majeur.

Ce dispositif de surveillance renforcée fait en ce moment l’objet d’une traduction législative qui doit aboutir d’ici le mois de juin prochain.

Ensuite, il fallait pallier les évidentes lacunes en matière de supervision financière européenne.

La fragilité de certaines banques européennes dans la tourmente a prouvé qu’on ne pouvait pas continuer à se reposer entièrement sur les superviseurs nationaux, alors que des problèmes systémiques dans certains Etats membres peuvent avoir et ont presque toujours des conséquences sur l’ensemble de l’Europe.

En quelques mois, l’Union européenne a fait plus de progrès qu’en vingt ans en adoptant un système complet de supervision financière, avec trois agences européennes dotées de pouvoirs propres, dont l’Agence européenne de supervision bancaire, basée ici, à Londres, et un Conseil européen du risque systémique présidé par la Banque centrale européenne.

Franchement, qui aurait parié sur ce résultat il y a seulement deux ans ? Enfin, les Etats européens, qu’ils soient membres ou pas de la Zone Euro, ont réalisé qu’ils ne pouvaient plus improviser face à l’urgence.

Même si les improvisations qui ont été les nôtres, en particulier la Grande-Bretagne et la France, en 2008, ont été efficaces.

En décembre 2010, les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne ont lancé une procédure simplifiée de révision du Traité de Lisbonne, pour autoriser les Etats de la Zone Euro à établir un mécanisme permanent de stabilité à partir de 2013.

Toutes ces initiatives prouvent que les Etats membres de la Zone Euro sont convaincus que l’euro les protège.

Je lisais dans la presse britannique ce matin que je voulais demander à la Grande-Bretagne de sauver l’euro, c’est une interprétation un peu excessive de mes propos, je ne pense pas que l’euro ait besoin d’être sauvé, je pense que l’euro a besoin d’être défendu.

C’est ensemble que nous pourrons le faire parce que nous y avons un intérêt commun.

L’euro, pour les Etats qui l’ont adopté, c’est un des fondements du marché unique.

C’est un atout clé pour les opérateurs économiques qui peuvent bénéficier d’économies d’échelle sans risque de change.

C’est enfin et surtout un élément vital de la construction européenne.

Pour toutes ces raisons, les Etats membres, en particulier la France et l’Allemagne, n’ont pas hésité à proposer des solutions courageuses et innovantes.

A ce sujet, il ne doit y avoir aucun doute, les Etats de la Zone Euro, particulièrement la France et l’Allemagne, sont prêts à tout mettre en œuvre, je dis bien absolument tout, pour assurer la stabilité de la Zone Euro.

Mais tout au long de cette crise, je veux aussi dire que les autorités britanniques ont été des partenaires solides, dans le respect de nos différences.

Elles mesurent l’exceptionnelle interdépendance des économies européennes.

Elles connaissent le rôle majeur joué par la City de Londres dans les transactions en euro.

Elles savent que l’insularité monétaire n’existe pas, pour un pays dont la moitié des exportations est à destination de la Zone Euro.

Le Royaume-Uni a donc pris toute la part qui lui revient à l’effort commun, en acceptant une révision limitée du Traité et en contribuant aux plans d’urgence récents, je pense en particulier à l’Irlande.

Je voudrais rendre hommage à ces actions énergiques et nécessaires qui ont largement contribué à renforcer la crédibilité de l’euro, la crédibilité de la Zone Euro et la crédibilité de l’Union européenne tout entière.

Mais le redressement de l’économie mondiale ne peut pas être durable s’il ne s’accompagne pas d’une meilleure régulation économique et financière.

La bonne gouvernance, elle s’applique aux institutions, elle s’applique aux Etats, en Europe comme ailleurs.

Mais elle s’impose aussi aux opérateurs économiques et financiers.

Je sais toutes les crispations que peut susciter le débat sur la régulation financière.

Je sais que certains auraient voulu qu’il n’ait jamais eu lieu.

Je sais que d’autres veulent le circonscrire très strictement.

D’autres, enfin, voudraient que les règles nouvelles, auxquelles le G20 a souscrit, restent des lettres mortes.

Je veux dire que ce n’est pas l’approche de la France.

Pendant notre présidence du G20, nous souhaitons poursuivre, avec tous nos partenaires, un agenda ambitieux en matière de régulation financière.

Je crois que nous devons tous être conscients que le système capitaliste, auquel nous sommes attachés, est passé très près de l’effondrement, en tout cas très près du gouffre.

Il est peu probable que les opinions publiques française, britannique, allemande, européenne puissent accepter un statu quo, c’est-à-dire puissent accepter de consentir à financer de nouveau les effets d’une nouvelle secousse qui interviendrait simplement parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets et parce qu’aucune règle n’est venue tenir compte des enseignements de la crise.

Si ce n’est pas nous, nous, les Européens, avec vous, les Britanniques, qui régulons, si ce n’est pas nous qui encadrons, si ce n’est pas nous qui cherchons à moraliser le système, alors, je vous le dis, ce seront les adversaires de la liberté économique qui auront toutes les chances de se faire entendre dans nos pays.

L’objectif n’est évidemment pas d’étouffer l’innovation financière.

Nous savons bien que cette innovation financière est une des sources de nos économies et de nos entreprises.

Ce que nous voulons simplement, c’est une meilleure maîtrise des risques et c’est davantage de responsabilités.

Meilleure maîtrise des risques à travers une transparence accrue et à travers un contrôle plus efficace des comportements à risque.

Davantage de responsabilités pour que, en cas de défaillance, ce ne soit pas les finances publiques qui soient exposées comme elles l’ont été indûment dans cette crise.

Notre objectif est également, en réduisant les arbitrages règlementaires, de développer la concurrence en la situant là où elle doit exclusivement se situer, c’est-à-dire dans la capacité à fournir le meilleur service au meilleur prix et non pas dans l’exploitation de différences de réglementations dans le seul but de loger les risques d’un côté et les revenus de l’autre.

Je pense que nous avons accompli de réels progrès sur cette voie.

En deux ans, depuis la première réunion du G20 à Washington, nous nous sommes dotés de nouvelles règles en matière de capital et de liquidités des banques.

Nous avons renforcé l’encadrement des produits dérivés, le contrôle de la titrisation, la lutte contre les paradis fiscaux et nous avons mieux encadré les bonus des opérateurs de marché.

Au plan européen, après la réorganisation institutionnelle de la supervision, des discussions importantes sont en cours sur la question des régimes de résolution des institutions bancaires, sur les infrastructures post-marché ou encore sur les ventes à découvert.

Il faut que ces efforts se poursuivent, sans céder à la tentation de les remettre en cause.

Je veux dire que notre objectif au sein du G20 sera double.

D’abord, nous voulons veiller à une bonne mise en œuvre des réformes qui ont déjà été décidées et qui ont déjà été engagées par le G20.

Je pense que c’est une question d’intégrité du système financier international et une question d’égalisation des conditions de concurrence entre les acteurs de marché et les places financières.

Ensuite, nous chercherons à étendre l’agenda de la régulation là où il reste insuffisant.

Nous proposerons de renforcer la régulation du système bancaire parallèle, qu’on appelle le « shadow banking », pour contrecarrer le risque que nos efforts pour renforcer la régulation du secteur bancaire traditionnel, ne conduise finalement qu’à reporter l’activité et à reporter le risque sur de nouvelles formes d’intermédiation bancaire qui, elles, échapperaient complètement à la régulation.

Nous proposerons également à nos partenaires de renforcer le « volet marchés » de l’agenda de régulation financière du G20, dans la continuité des travaux européens en faveur d’une meilleure transparence et d’une protection accrue de l’intégrité des marchés.

Voilà, Mesdames et Messieurs, très simplement, ce que je voulais vous dire ce matin.

Je vais, tout à l’heure, rencontrer le Premier ministre David CAMERON et le vice-Premier ministre Nick CLEGG.

La France sait qu’elle a avec le gouvernement britannique un partenaire fiable, courageux, pragmatique.

Nous savons qu’aucun Etat européen ne peut aujourd’hui se replier dans je ne sais quel splendide isolement.

Donc, c’est en nous alliant, c’est en travaillant ensemble entre partenaires que nous pouvons exercer un leadership en Europe et dans les institutions internationales.

Je crois que les résultats de notre coopération de ces derniers mois montrent que, sur ce chemin, la France et la Grande-Bretagne avancent sur la bonne voie.

déclaration de François FIllon lors de sa visite à Londres le 13 janvier 2011.

François Fillon et David Cameron répondent aux questions de la presse après leur entretien au 10 Downing street à Londres le 13 janvier 2011.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous remercier de l’entretien que nous venons d’avoir et de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé.

C’est mon premier déplacement au Royaume-Uni en tant que Premier ministre, je veux dire à la presse française que ça n’est quand même pas tout à fait un évènement historique, car je suis déjà venu en Grande Bretagne accompagner un Premier ministre qui était Jean-Pierre RAFFARIN, je crois en 2003 et 2004, je crois que le Premier ministre Dominique De VILLEPIN est venu en Grande Bretagne en 2005.

J’ai indiqué tout à l’heure à David CAMERON que je pense que nous devons intensifier les rencontres entre nos deux gouvernements.

Nous devons d’autant plus le faire que la qualité des relations franco-britanniques a atteint un niveau rarement égalé, grâce en particulier au sommet franco-britannique de Londres et aux accords historiques qui ont été passés en matière de défense, et dont j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises qu’ils ne pouvaient avoir lieu qu’entre deux nations sœurs, c'est-à-dire des nations dont le niveau de confiance est tel qu’elles peuvent mettre en commun des choses aussi fondamentales que leur sécurité.

J’avais déjà eu l’occasion de rencontrer David CAMERON à Paris en 2008 alors qu’il était le chef de l’opposition.

Et j’avais déjà pu apprécier à cette occasion le sens des responsabilités qui l’animait.

En le rencontrant aujourd’hui je retrouve ses qualités auxquelles j’ajouterais le courage et la capacité de leadership.

Et c’est la première chose que j’ai dit à David CAMERON tout à l’heure, c’est que le Gouvernement français est très admiratif de la politique économique et financière qui est conduite en Grande Bretagne, du courage avec lequel le Gouvernement britannique a engagé cet effort de redressement budgétaire.

Je suis certain qu’il portera ses fruits, pour la Grande Bretagne naturellement, mais aussi pour l’ensemble de l’Union européenne.

Et je veux dire de ce point de vue, que c’est un réconfort pour le chef du Gouvernement français que de pouvoir comparer les politiques qui sont conduites en matière financière, en matière budgétaire, en matière économique et constater que des deux côtés de la Manche, elles sont finalement très proches.

J’ajoute que nous sommes, français comme britanniques, très sourcilleux de notre indépendance, nous sommes très sourcilleux de notre souveraineté nationale.

Eh bien notre souveraineté nationale passe d’abord par la réduction de nos déficits et par le retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Nous avons ensuite évoqué la question de l’euro.

Je veux redire de nouveau que l’euro n’a pas besoin d’être sauvé.

L’euro a besoin d’être défendu.

Et pour défendre l’euro nous avons besoin, à l’intérieur de la zone euro, de renforcer notre coopération.

Les gouvernements de la zone euro ont besoin de mettre en place un pilotage économique de cette zone.

Nous avons besoin de rapprocher progressivement dans une vision de long terme nos fiscalités, notre organisation du travail, notre organisation économique.

On ne peut pas imaginer sur le long terme une zone euro avec le maintien de différences aussi grandes en matière de temps de travail, en matière d’âge de la retraite, en matière d’organisation économique, de fiscalité.

Et donc si on veut que la zone euro se consolide il faut impérativement que l’on rapproche les législations dans ces domaines.

Et ce que j’ai indiqué à David CAMERON c’est que nous souhaitons que la Grande Bretagne observe, regarde, soutienne ces efforts avec enthousiasme parce que c’est l’intérêt de la Grande Bretagne que d’avoir une zone euro forte.

Naturellement je ne suis venu demander à David CAMERON ni aide ni modification de la politique de la Grande Bretagne s’agissant de l’euro mais un regard positif sur cet effort d’harmonisation, de cohérence, que nous allons entreprendre.

Nous avons évoqué la question du budget européen pour constater que nous étions complètement en ligne sur la nécessité de ne pas augmenter le budget européen.

Et sur la nécessité de réorienter une partie des dépenses de l’Union européenne vers des actions plus efficaces en matière de soutien à la croissance.

J’ai en particulier évoqué trois idées que la France veut défendre au cours de cette année 2011 : le fonds européen des brevets, la mise en place d’un fonds de capital risque pour les PME innovantes et l’obligation pour la Commission et pour l’Union européenne de réaliser des études d’impact avant chaque décision pour constater quels sont les effets des décisions européennes, des normes décidées par l’Europe sur nos entreprises.

Enfin, nous avons évoqué nos coopérations bilatérales et en particulier la possibilité de rapprocher nos secteurs industriels notamment dans le domaine nucléaire en raison de la coopération très étroite qui existe désormais entre la France et la Grande Bretagne sur ces sujets.

Et puis nous avons évoqué la lutte contre le terrorisme et je voudrais remercier David CAMERON pour le message de solidarité qu’il a adressé au Président de la République française et qu’il vient de renouveler à la suite des dramatiques incidents qui se sont produits au Niger et qui montrent à quel point nos démocraties doivent s’unir pour défendre ensemble leurs valeurs.

Puisque dans ces évènements tragiques, ce n’est pas le Gouvernement français qui est attaqué, ce sont les valeurs des démocraties et ce sont ces valeurs-là que nous partageons.

Réponse du Premier ministre François FILLON La coopération entre la France et la Grande Bretagne dans la lutte contre le terrorisme est très étroite, elle est ancienne.

Elle n’a cessé de se renforcer et nous avons évoqué ensemble la nécessité de la renforcer encore, notamment concernant la zone sahélienne.

L’objectif, s’agissant de la zone sahélienne, c’est d’éviter à tout prix que ces mouvements terroristes étendent considérablement leur influence au détriment des Etats existants, au détriment des structures publiques qui sont déjà très fragiles dans cette région du monde.

Nous voyons bien que nous sommes à un moment clé où ces Etats ont besoin d’être encouragés, ont besoin d’être renforcés, ont besoin d’être aidés dans la lutte contre le terrorisme.

Et nous souhaitons y travailler très étroitement ensemble avec la Grande Bretagne.

S’agissant de la situation en Tunisie, puisque c’est la question que vous posez, je veux dire que nous sommes extrêmement préoccupés par cette situation, par la violence qui s’est développée depuis quelques jours.

Nous appelons instamment l’ensemble des parties à faire preuve de retenue, à choisir la voie du dialogue.

On ne peut pas continuer dans cette utilisation disproportionnée de la violence et le Gouvernement français fait tous ces efforts pour convaincre le Gouvernement tunisien de s’engager dans cette voie.

Je note avec intérêt que des mesures ont déjà été annoncées, en particulier la libération des personnes qui avaient été arrêtées au début des émeutes.

Il faut absolument progresser dans cette voie.

Et enfin j’ajoute que, au-delà des problèmes politiques intérieurs à ces pays, qui doivent être résolus par la voie la plus démocratique, il y a un problème de développement économique.

Et ces problèmes sont liés.

Et là, nous avons une action que nous pouvons conduire ensemble, l’Union européenne, pour apporter des aides au développement plus efficaces à cette région du Maghreb, avec laquelle nous avons des liens historiques, que chacun connaît bien.

Réponse du Premier ministre François FILLON Si votre question peut se résumer à la question suivante : est-ce que la politique d’assimilation que j’ai toujours défendue, peut fonctionner avec une femme anglaise ? La réponse est non.

Deuxièmement, il ne faut quand même pas exagérer les différences entre nos deux pays.

Je disais tout à l’heure qu’il y a beaucoup de coquetterie dans la mise en avant de nos divergences.

La vérité est que depuis des années nous avons progressé les uns vers les autres en termes d’organisation, et même en termes idéologiques.

Je pense que la Grande Bretagne reconnaît aujourd’hui qu’il est nécessaire parfois de donner des impulsions pour mettre en œuvre des filières industrielles, et la France a fait beaucoup d’efforts pour ouvrir son marché.

C’est aujourd’hui un des pays les plus ouverts du monde, en tout cas un des pays les plus ouverts en Europe, et j’en faisais la démonstration ce matin en m’exprimant à la City.

Troisièmement, comme vient de le dire David à l’instant, nous ne demandons pas à la Grande Bretagne de rentrer dans la zone euro.

Et l’effort de cohérence, nécessaire à l’intérieur de la zone euro, ne concerne pas la Grande Bretagne.

Ce que nous demandons c’est que la Grande Bretagne, comment dirais-je, ne s’offusque pas de cet effort.

Ne le considère pas comme dangereux pour elle.

Ne le considère pas comme une sorte de différence qui pourrait s’installer entre la zone euro et les pays qui n’y sont pas.

Nous avons fait deux choix différents.

A l’époque ce choix était très discuté dans mon pays, j’ai fait partie de ceux qui s’y étaient opposés.

Et lorsque nous nous opposions à ce choix, avec un certain nombre de responsables politiques français, nous disions très exactement ce qui est en train de se produire aujourd’hui, c'est-à-dire qu’on peut avoir une monnaie commune à condition d’avoir un gouvernement économique commun, à condition d’avoir une politique économique harmonisée, à condition d’avoir plus de convergence fiscale et sociale.

Eh bien aujourd’hui on y est, on est devant une obligation historique, celle de consolider cette zone euro et donc nous devons aller vers cette convergence.

Mais nous comprenons parfaitement que les Anglais veuillent rester des Anglais.

Et encore une fois, même si nous ne le comprenions pas, nous ne parviendrions pas à vous convaincre du contraire.

Réponse du Premier ministre François FILLON C’est une préoccupation pour tous les gouvernements européens, j’ai envie de dire c’est une préoccupation pour tous les démocrates dans nos pays qui ne peuvent pas voir d’un bon œil monter finalement une intolérance et une sorte de repli sur soi qui ont toujours mené dans l’histoire à de très mauvais résultats.

Et donc nous sommes mobilisés pour lutter contre la montée de ces extrémismes et la meilleure façon de lutter contre la montée de ces extrémismes c’est de dire la vérité, d’assumer les politiques que nous conduisons, d’affronter la réalité.

C'est la raison pour laquelle à la tête du Gouvernement français je n’ai cessé de défendre une politique de rigueur, une politique d’assainissement des finances publiques, parce que c’est une nécessité pour défendre la souveraineté nationale, pour défendre l’indépendance nationale.

C’est la raison pour laquelle j’ai toujours soutenu une politique qui défende notre identité nationale à l’intérieur de l’ensemble européen.

J’évoquais tout à l’heure les convergences nécessaires des politiques fiscales, des politiques sociales, des politiques économiques.

Aucune de ces convergences ne revient à remettre en cause les différences essentielles, culturelles qui existent entre nos peuples et qui doivent s’additionner.

Et enfin j’ajoute que nous avons évoqué la lutte contre le terrorisme, la montée de cet islamisme radical, qui vient jeter une lumière, qui est une mauvaise lumière, sur toute une région du monde.

Notre coopération pour lutter contre la montée de cet islamisme radical, notre coopération pour essayer d’apporter des réponses aux conflits qui sont à l’origine de la montée de cet islamisme radical, sont aussi des réponses à la montée de ces mouvements extrémistes.

Réponse du Premier ministre François FILLON Je voudrais à mon tour dire toute ma confiance dans le gouvernement de monsieur SOCRATES et indiquer à quel point il y a un caractère irrationnel dans une partie des attaques contre les pays de la zone euro.

Comme David vient de le dire à l’instant, la zone euro n’est pas la plus endettée du monde, et le Portugal conduit aujourd’hui, et depuis plusieurs mois, une politique extrêmement rigoureuse de réduction de la dépense publique, de réorganisation de son économie, qui correspond parfaitement aux attentes qui étaient celles de l’ensemble des partenaires européens.

Est-ce qu’il y a besoin d’argent supplémentaire aujourd’hui ? La réponse est non.

Il y a un fonds qui a été mis en place, il y a surtout toute une série de démarches en terme de discipline budgétaire, de surveillance de ce que les Etats font, qui doit maintenant être réalisée.

On doit passer des déclarations, des accords de principe à la mise en oeuvre précise des mécanismes qui vont permettre de surveiller ce que les Etats font, et le cas échéant d’obtenir les corrections de trajectoire nécessaires.

Si demain des besoins supplémentaires apparaissaient ce que j’ai dit, ce que le président de la République française a dit à plusieurs reprises, et ce que la Chancelière allemande a également répété, c’est que nous ferons tout pour consolider l’euro, tout, absolument tout ce qui sera nécessaire.

Par rapport à l’attitude de la Grande Bretagne je n’ai aucune remarque à faire sur la coopération de la Grande Bretagne qui, au fond, a joué pleinement le rôle qui devait être le sien depuis le début de cette crise.

Je rappelle d’ailleurs que c’est la Grande Bretagne et la France qui, au début de la crise financière, ont pris les décisions, les initiatives nécessaires qui ont permis d’éviter que la crise ne connaisse une aggravation bien supérieure à ce que nous avons connu.

Et aujourd’hui le gouvernement de David CAMERON a fait exactement ce qu’il fallait faire, pour que la solidarité européenne soit totale, tout en tenant compte du fait que la Grande Bretagne n’est pas dans la zone euro et qu’elle n’a pas les mêmes responsabilités de ce fait.

François Fillon s'exprime devant la communauté française d'Angleterre à Londres le 13 janvier 2011.

Mes chers compatriotes.

Je voudrais vous dire que c’est un immense plaisir de vous retrouver au terme de la visite que je viens d’effectuer et qui m’a permis de m’entretenir avec le Premier ministre David CAMERON et le vice-Premier ministre Nick CLEGG et de dialoguer ce matin avec les milieux économiques à la City.

Et je voudrais d’abord remercier Maurice GOURDAULT-MONTAGNE parce qu’il a organisé cette rencontre.

Mais aussi et surtout et je pense que personne ne me démentira, parce qu’il œuvre chaque jour avec beaucoup de talents et beaucoup d’efficacité au service de l’amitié franco-britannique.

Je suis venu à Londres pour poursuivre la dynamique politique qui a été initiée par la visite du président SARKOZY en mars 2008, il y a maintenant près de trois ans.

Vous savez que depuis cette visite, le partenariat historique qui existe entre la France et la Grande Bretagne a été considérablement renforcé.

Je pense évidemment aux spectaculaires traités de coopération en matière de Défense, qui ont été signés au mois de novembre dernier et qui engagent un rapprochement fondamental au service de nos deux pays, de la Défense européenne et de l’Alliance atlantique.

Je pense aussi au rachat de British Energy par EDF, faisant naître un géant mondial, un champion industriel capable d’aborder tous les grands marchés de l’énergie.

Je pense à la manière dont les dirigeants français et britanniques ont pris toutes leurs responsabilités depuis le début de la crise économique mondiale.

Chacun se souvient que c’est la Grande Bretagne et la France qui ont été à l’origine des premières décisions qui ont permis d’éviter que la crise économique et financière que nous avions connue soit encore plus grave que ce qui s’est déroulé.

Nous sommes confrontés à des défis qui sont des défis communs et nous avons l’obligation d’unir nos forces pour sortir définitivement de la crise, pour gagner ensemble la bataille de la croissance, de l’innovation et de l’emploi.

Nous devons unir nos forces pour faire entendre notre voix sur la scène internationale : je veux dire la voix de l’Europe et la voix de ces vieilles démocraties européennes qui ont un message.

Nous devons unir nos forces pour accroître la puissance européenne à un moment où le continent est à un tournant de son histoire qui lui impose d’améliorer ses capacités de décisions et ses capacités d’actions.

Pendant des décennies l’Europe s’est interrogée sur elle-même.

Chaque nation défendant ses théories institutionnelles, ses préférences politiques, ses acquis personnels.

Ces débats entre nous étaient légitimes.

Ils étaient aussi le signe d’une Europe qui s’estimait suffisamment prospère pour prendre son temps, pour épiloguer, pour chicaner, pour hésiter.

Mais la force de la mondialisation, la montée en puissance des pays émergents, la crise économique et financière sont venues percuter toutes ces tergiversations et aujourd’hui l’Europe n’est plus un choix à géométrie variable, c’est une exigence vitale pour nos vieilles nations.

A l’heure où des continents entiers se dressent, où ils progressent à toute allure, à l’heure où la perspective de voir la Chine doubler les Etats-Unis sur le plan économique, devient maintenant crédible et avec un calendrier que l’on peut à peu près imaginer, la question est pour nous d’une limpidité absolue : est-ce que dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, l’Europe sortira de l’Histoire, ou est-ce qu’elle continuera d’exister, c’est-à-dire de peser et de rayonner et d’influencer la civilisation mondiale.

Aucune nation européenne ne peut occulter cette question fondamentale et donc aucune ne peut se soustraire à ses responsabilités face à l’aventure européenne.

Dire cela ça n’est pas renier les singularités et les traditions de chaque nation.

Comme la France, le Royaume Uni a la fierté nationale chevillée au corps, mais nous devons aujourd’hui plus que jamais miser sur ce qui nous rapproche pour préserver nos ambitions dans le monde.

La France et le Royaume Uni sont complémentaires, ils sont indispensables l’un à l’autre.

Nous avons besoin d’une relation fraternelle, d’une relation dynamique.

Et cette relation c’est pour une très large part sur vous qui êtes rassemblés ici ce soir, qu’elle repose.

La communauté française au Royaume Uni est par le nombre, la première au monde des communautés françaises expatriées.

Il n’est d’ailleurs pas certain que l’on ne puisse jamais parvenir à la dénombrer exactement.

Notre administration consulaire comptabilise 118.000 Français immatriculés mais personne ne sait avec certitude si les Français du Royaume Uni sont 300.000, 400.000.

Ce qui est sûr en tout cas, c’est que les Français qui vivent ici font de Londres une des dix plus grandes villes de France par la population.

A travers vous, à travers les activités qui sont les vôtres, la France projette ses forces.

Elle projette aussi une image, une image d’ouverture, une image de dynamisme, une image de diversité et donc vous contribuez autant à la richesse de la Grande Bretagne qu’à celle de notre pays.

Il y a vingt ans, vous vous en souvenez, un ouvrier français et un ouvrier britannique échangeaient une poignée de main sous La Manche.

Le forage du tunnel s’achevait.

Je crois qu’on peut dire que ce tunnel a entrainé un changement radical de la géographie et des mentalités, quand toutefois il n’y a pas d’incident qui vient en compliquer le fonctionnement.

Il a démultiplié les échanges économiques et culturels.

Il a renforcé l’activité de la Grande-Bretagne et de Londres en particulier, ce qui montre d’ailleurs que toutes les craintes qui avaient été exprimées se sont révélées vaines, comme c’est souvent le cas.

Parmi les Français qui viennent s’installer ici beaucoup sont de jeunes gens qui veulent perfectionner leur anglais, qui veulent décrocher leur premier emploi salarié.

Ils sont souvent animés par un esprit d’entreprise qui les honore.

Mais nous savons aussi que pour certains d’entre eux, ceux qu’on a pu appeler « les oubliés de Saint-Pancras » il arrive que la confrontation à la réalité déçoive les rêves et les espérances.

Je veux dire que leur courage mérite notre soutien, et j’appuie les efforts qui sont faits pour faciliter leurs recherches d’emploi et leur insertion.

Je sais que vos six conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger ainsi que votre Consul général, Monsieur Edouard BRAINE, accordent une très grande attention à leurs difficultés et je veux les en remercier.

Je veux aussi rendre hommage sur ce sujet, à l’action originale et à l’action novatrice du Centre Charles PEGUY.

Au fond, de l’innovation qui caractérise les Français au Royaume Uni, peut être que l’un des meilleurs exemples c’est l’effort collectif qui inspire le « plan école ».

Toutes les composantes de la communauté française, soutenues par vos élus du Sénat de l’Assemblée des Français de l’Etranger s’y sont associées pour développer l’offre scolaire.

La qualité exceptionnelle de l’enseignement au lycée Charles de GAULLE, crée une demande de places qui est en augmentation constante et vous savez bien qu’il aurait été impossible dans le contexte budgétaire actuel, comme sans doute dans un autre d’ailleurs, de financer de nouvelles places dans l’enseignement public français à Londres, sans avoir recours à un partenariat public-privé novateur.

Je trouve d’ailleurs que ce n’est pas illogique que beaucoup d’entre vous, qui venez dans ce pays attirés par ses caractéristiques économiques et sa philosophie économique, aient eu l’intelligence de promouvoir ce partenariat public-privé novateur.

Je veux donc saluer la réussite de votre projet qui se concrétisera tout d’abord à la rentrée prochaine par l’ouverture d’un nouveau collège qui accueillera 700 élèves dans le nord de Londres.

Je veux vous féliciter pour cette première étape d’une opération qui connaîtra, j’en suis sûr, d’autres développements en Grande-Bretagne et qui peut être un exemple pour d’autres pays dans lesquels j’espère que votre initiative sera imitée.

Vos associations jouent un grand rôle pour maintenir les liens qui existent entre vous.

Je veux rendre hommage à la Fédération des Associations françaises de Grande-Bretagne qui est un partenaire précieux de l’action de l’Etat.

Je veux aussi honorer les Anciens Combattants et ceux de la France Libre.

Certains d’entre-vous furent les témoins et les acteurs de l’épopée du Général de GAULLE.

Je suis, je ressens de l’émotion à les rencontrer.

Vous avez sauvé l’honneur de votre pays.

Vous avez fondé d’une certaine façon la relation franco-britannique sur les valeurs sacrées de l’Indépendance et de la dignité humaine.

La France n’oublie pas ceux qui ont combattu pour sa Liberté et elle n’oublie pas qu’à Londres, la Flamme de la Résistance a éclairé la conscience de ceux qui ne se résignaient pas à la victoire de la barbarie.

Vous vivez Mesdames et Messieurs dans un pays qui est depuis des siècles au premier rang dans la conquête et la défense des libertés politiques.

Et vous vivez dans un pays qui est depuis des siècles un des moteurs de la dynamique de l’économie mondiale.

Vous mesurez donc sans doute mieux que quiconque ici quels sont les enjeux et quelles sont les conséquences de la mondialisation et vous mesurez ici à quel point la puissance d’une nation est liée à sa modernité.

Je crois qu’il est inutile d’occulter que certains de nos compatriotes se sont installés en Grande-Bretagne parce qu’ils avaient le sentiment qu’ils n’auraient pas dans notre pays les mêmes moyens pour réaliser leurs aspirations.

Ils ont quitté une France qui se reposait beaucoup sur le souvenir d’une grandeur acquise ; qui retardait le moment de regarder en face la réalité du monde.

Une France qui négligeait de mesurer ses forces et ses faiblesses et souvent d’engager les réformes nécessaires.

Depuis quatre ans avec le Président de la République, nous avons engagé la France dans une entreprise profonde de modernisation.

La première année du quinquennat a été celle de la libération des énergies et de la remise en question d’un certain nombre de nos vieux mythes : de l’autonomie des universités à l’assouplissement des 35 heures, de l’instauration d’un service minimum dans les transports et à l’école en cas de grève à la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Nous avons remis en mouvement la société française.

Et au fond, on peut être pour ou contre les réformes que nous avons réalisées, mais personne ne peut nier qu’il y a une dynamique qui s’est instaurée et que la France d’aujourd’hui n’a plus les mêmes résistances – même si elle en a toujours – en tout cas plus les mêmes, plus avec la même force face aux changements.

La deuxième année, cela a été parce que cela nous a été imposé, l’année de la résistance à la crise que nous avons plutôt mieux négociée que beaucoup de nos partenaires européens.

Grâce en particulier au plan de relance que nous avons engagé.

Et la troisième année a été celle de la recherche de la compétitivité indispensable pour sortir maintenant de la crise et cela a été aussi l’année de la réforme des retraites.

C’était une réforme indispensable et je pense qu’ici on le mesure peut-être mieux qu’ailleurs.

Indispensable sur le plan social, indispensable sur le plan financier.

Bon, il y a eu des protestations.

Je veux dire que dans notre pays, c’était inimaginable qu’il n’y en eût pas.

Mais nous n’avons pas cédé.

Et nous n’avons pas cédé, non pas par autoritarisme, simplement parce que nous pensons qu’il y a des moments où l’intérêt général commande d’être ferme et je note d’ailleurs que depuis que cette réforme a été votée par le Parlement, le débat s’est évanoui et est passé naturellement à autre chose.

L’année 2010 a été aussi l’année où est apparue la crise des dettes souveraines.

Cette crise a confirmé l’impératif que j’avais à plusieurs reprises évoqué, de réduire nos dépenses publiques.

C’est ce que nous faisons.

Nous menons la plus sévère politique de limitation de dépenses publiques jamais réalisée dans notre pays depuis vingt ans.

C’est une nécessité financière parce que le poids des déficits pèse sur la croissance ; parce que le poids des déficits menace notre modèle social.

C’est une nécessité politique parce que nous sommes farouchement attachés à notre indépendance et à notre souveraineté et un pays qui est trop endetté perd une partie de sa souveraineté et une partie de son indépendance, parce qu’il est soumis justement au jugement et à la loi des marchés.

C’est une nécessité morale parce que nous n’avons pas le droit de reporter sur nos enfants la responsabilité de gérer ce qui finalement aurait été notre imprévoyance.

Grâce à nos efforts, alors que nous avons aujourd’hui un déficit de 7,7% du PIB, nous serons à 6% en 2011, à 4,6% en 2012 et nous descendrons à 3% à 2013, avec une loi de finances pluriannuelle, votée par le Parlement à la fin de l’année 2010, qui fixe chacune des étapes de cette trajectoire.

Et donc pas à pas nous sommes en train de sortir de la crise.

L’action du gouvernement et le travail des Français commencent à porter leurs fruits.

Pour l’année 2010 nous aurons une croissance qui sera de l’ordre de 1,6%.

Et pour l’année 2011 la cible des 2% est à notre portée.

Il n’est pour autant question de diminuer nos efforts.

2011 ne sera pas une année de pause, cela ne sera pas une année d’attentisme pré-électoral comme on peut si souvent être tenté de le faire dans notre pays.

Nous pensons qu’il faut au contraire continuer d’agir avec sang froid, avec ténacité, parce qu’il serait insensé de donner du temps au temps.

Nos allons chercher la croissance avec la mise en œuvre d’un grand programme d’investissements d’avenir.

35 milliards d’euros vont être injectés pour soutenir des projets d’avenir : universités, recherche, innovation et des filières industrielles qui sont des filières stratégiques.

Nous allons ouvrir ce chantier qui a peut-être causé le départ de quelques-uns d’entre vous, le chantier de la fiscalité, pour en améliorer l’efficacité, sans augmenter les impôts.

Autrement dit, nous allons réformer toute la fiscalité du patrimoine.

Nous allons continuer d’œuvrer pour la sauvegarde de notre protection sociale.

Notamment en lançant une réforme du financement de la dépendance.

Défi considérable pour toutes nos sociétés.

Puis nous allons accentuer nos efforts pour l’insertion professionnelle des jeunes.

Et enfin, nous allons faire entendre notre voix avec fermeté et en même temps avec beaucoup d’humilité, dans le concert des nations en prenant la Présidence du G8 et du G20 avec un agenda que vous connaissez.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire, avec le plaisir de partager avec vous quelques moments ici, à Londres.

Nous œuvrons pour une France modernisée, pour une France agissante, pour une France qui doit être fière d’elle-même.

Cette fierté on ne peut pas la décréter, cela ne peut être que la récompense d’une politique courageuse.

Cela ne peut être que le résultat du travail des Français, de leur civisme, de leur sens de l’intérêt national.

Mais cette fierté elle repose aussi sur les talents et les valeurs que tous les Français qui sont installés à l’étranger font rayonner par-delà nos frontières.

Je ne vais pas dire qu’il y a des Français qui ont plus de valeur que d’autres, naturellement, chaque Français a la même valeur, mais enfin ceux qui sont à l’étranger jouent pour le rayonnement de notre pays un rôle qui est absolument indispensable.

Et nous devons tout faire pour vous encourager, vous aider dans l’entreprise qui est la vôtre.

En tout cas votre communauté donne l’exemple.

Et je voulais avec vous et avec votre ambassadeur et devant vous, vous rendre un hommage mérité.