Discours politique

Nicolas Sarkozy, Vœux à la France rurale (14/01/2010)

Messieurs les Ministres, chers Bruno LE MAIRE et Michel MERCIER,

Monsieur le Président du Conseil général, cher Alain LAMBERT,

Monsieur le Député-Maire, cher Jean-Claude,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires, cher Jean-François LEGRAND,

Je suis très heureux de présenter aujourd'hui à travers vous mes voeux à la France rurale. Je suis venu vous témoigner la reconnaissance que nos concitoyens ont pour ceux qui travaillent la terre, produisent notre alimentation, et portent les valeurs profondes de notre pays. J'ai souhaité réunir les femmes et les hommes qui constituent la richesse et la diversité du monde rural : entrepreneurs, salariés, familles, associations et élus qui cultivent les atouts de nos campagnes. Ces atouts sont une force pour notre pays. Je veux les soutenir par une nouvelle politique de développement de la ruralité qui sera l'une de mes priorités en 2010.

Au fond, notre siècle est confronté à trois défis majeurs : le défi démographique, le défi de la sécurité alimentaire et la question du réchauffement climatique. L'équation est simple : comment nourrir tous les habitants de la planète, en toute sécurité et sans hypothéquer l'avenir de notre planète ? La réponse est évidemment plus complexe que la question mais elle repose en partie sur le rôle central du territoire rural.

Ceux qui avaient cru à la fable de la " fin des paysans " en sont pour leurs frais. Aujourd'hui nos campagnes portent une part de l'avenir de la France et nos campagnes sont à la pointe de la modernité. Et ce n'est une ironie de l'Histoire que pour les tenants du passéisme et de la nostalgie conservatrice, qui avaient réduit le monde rural à un sanctuaire du patrimoine et des espèces, un arrière-pays regardant de loin les mouvements du monde, ses maux comme ses progrès. Aujourd'hui, face à la mondialisation, face à la spéculation, face aux bouleversements climatiques, aux crises sanitaires, aux crises écologiques, la France rurale est une avant-garde et une source de repères pour notre pays.

Je sais que, comme tous les Français qui souffrent de la crise, vous êtes inquiets de l'avenir et que cette année encore, vous rencontrez des difficultés. C'est aussi le moment de vous préparer au rôle qui doit vous revenir. Dans ce nouveau monde qui commence à émerger de la crise économique, les territoires ruraux représentent un atout considérable pour la France.

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L'année 2009 a été consacrée à la lutte contre les effets de la crise absolument sans précédent qui a touché toutes les filières du secteur agro-alimentaire et agricole. L'agriculture est une activité économique à part entière, et je le dis aux agriculteurs, je mettrai tout en oeuvre pour assurer, non pas la préservation de notre agriculture, mais son développement. Avec Bruno LE MAIRE, jeune ministre de l'Agriculture, qui fait un travail remarquable, nous avons engagé un plan de soutien exceptionnel pour notre agriculture que j'avais annoncé il y a trois mois.

Si je prends l'exemple des allégements de charges fiscales et sociales à la fin du mois de janvier, c'est 25 000 exploitants agricoles en difficulté qui auront bénéficié de 500 millions d'euros de prêts de trésorerie et de taux bonifiés. Et ils seront aussi nombreux, dès le mois prochain, à bénéficier de la prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole, que l'État assurera à hauteur de 50 millions d'euros comme je l'avais annoncé le 27 octobre dernier. Mesdames et Messieurs les agriculteurs, le budget d'intervention de l'État en direction de votre secteur augmentera de 25 % par rapport à 2009. Cela témoigne bien d'un effort inédit de la Nation au service du monde agricole.

Je dois dire que c'est avec regret que je constate que dans une crise qui concerne tous les exploitants européens, la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne aient dû chacune à leur tour engager des plans de soutien pour leur agriculture sans coordonner leurs efforts. Il faut absolument éviter tout ce qui pourrait s'apparenter à une renationalisation d'une partie de la Politique agricole commune. C'est ensemble que nous devons donner aux agriculteurs européens le moyen de se défendre sur les marchés mondiaux.

L'année 2010 verra la mise en oeuvre des réformes qui vont permettre à notre agriculture de s'inscrire dans un cadre plus ambitieux.

Premier axe (il y en a deux), c'est le projet de loi de modernisation de l'agriculture que Bruno Lemaire a présenté hier au Conseil des ministres : il vise à renforcer la compétitivité de notre agriculture. C'est incontournable, Mesdames et Messieurs, nos agriculteurs sont des entrepreneurs.

Plus que d'autres chefs d'entreprise, les agriculteurs sont confrontés aux aléas climatiques (tempêtes, sécheresses, inondations), la volatilité des prix, volatilité des changes monétaires et un aléa, hélas, moins temporaire, la concurrence accrue des productions agricoles étrangères. La meilleure arme pour permettre aux agriculteurs d'affronter ces incertitudes, ce n'est évidemment pas un énième dossier qui ira grossir une pile déjà bien fournie de dossiers qui l'ont précédé. C'est de doter notre agriculture française des outils modernes et efficaces qui lui permettront d'être prête pour la réforme de la Politique agricole commune en 2013. Cela implique -- et c'est la loi de modernisation qui va la permettre -- de mettre en place une véritable relation contractuelle entre l'agriculteur et son client et de permettre à chaque agriculteur de mieux gérer ses facteurs de risques, de renforcer le rôle de l'Observatoire des prix et des marges des produits agricoles et alimentaires parce que je veux une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre la production et la distribution. Il n'est pas normal que les prix augmentent dans la distribution et que les rémunérations pour les producteurs diminuent. Je veux savoir où passe la plus-value et une fois que l'on sait où passe la plus-value, je veux qu'elle soit mieux répartie entre les producteurs et les distributeurs. Cela implique de reconnaître à l'agriculteur un véritable statut d'entrepreneur, dans le fonctionnement même de l'organisation économique. Les agriculteurs ne veulent pas être fonctionnarisés. Ils veulent être rémunérés pour leur savoir-faire, rémunérés dignement. Cela implique enfin de préserver le foncier agricole parce que si l'on ne préserve pas une part suffisante de notre territoire au foncier agricole, il n'y aura plus de jeunes qui pourront s'installer sur le territoire et s'il n'y a plus de jeunes, c'est la fin de l'agriculture. Parallèlement, avec la suppression de la taxe professionnelle, les entreprises du secteur de l'agriculture, de la pêche, de la forêt et de l'agro-alimentaire connaîtront un allègement de 400 millions d'euros d'impôts locaux. Mesdames et Messieurs, c'est clair, nous aurons une politique nationale de renforcement de la compétitivité de notre agriculture. Je ne laisserai pas tomber notre agriculture. C'est un secteur de pointe de notre économie, c'est un élément de notre identité nationale. Tout sera fait pour que vous puissiez vivre de ce que vous savez faire et transmettre aux plus jeunes le patrimoine qui est le vôtre.

Deuxième axe -- Bruno aura l'occasion d'y revenir dans le détail au moment de la discussion au Parlement : c'est la Politique agricole commune de 2013. Cette année, nous allons engager les négociations européennes et internationales en faveur d'une régulation de l'agriculture. Écoutez, ce n'est pas au moment où le monde a failli tomber dans le précipice de la crise parce qu'il y avait la dérégulation financière que j'accepterai la dérégulation agricole. Ce serait inacceptable à mes yeux. Notre objectif, c'est la simplification de la mise en oeuvre de la PAC : suppression des références historiques permettant le calcul des aides (franchement, on ne peut pas avoir comme référence ce qui s'est passé en 2000, il y a déjà dix ans), amélioration du soutien aux productions situées en zone herbagère (c'est pour moi absolument capital : si nous voulons, nous la France, être entendus de nos partenaires européens pour une nouvelle politique agricole commune, faisons en sorte que la politique agricole commune soit juste et donc d'abord destinée à ceux qui en ont le plus besoin), création d'outils d'assurance pour gérer les aléas climatiques et sanitaires et les fluctuations des marchés.

Et par ailleurs, je le dis très calmement, l'Europe n'acceptera pas d'être la variable d'ajustement de tous les dumpings, monétaires, environnementaux, sociaux. La préférence communautaire n'est pas un gros mot. Si nous avons fait l'Europe, c'est pour mettre en place la préférence communautaire. Et je ne laisserai pas démanteler l'agriculture européenne simplement parce que nos amis américains ont une agriculture aussi et que les pressions sur les prix détruiraient, sans préférence communautaire, l'agriculture européenne. J'ajoute qu'il n'est pas acceptable d'imposer à nos agriculteurs des règles sur le bien-être animal, sur la traçabilité, sur la sécurité sanitaire et de continuer à importer en Europe des animaux élevés ou des produits fabriqués dans des pays qui n'appliquent aucune des règles environnementales, sanitaires ou de traçabilité que nous appliquons. Les choses sont très claires : si on veut importer en Europe ces produits, on doit le faire dans les conditions de la concurrence loyale.

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Préparer l'avenir, c'est également nous engager pour la préservation de notre planète. Nos territoires ruraux sont au coeur de l'immense défi national que représente le développement durable. L'enjeu est qu'on ne peut pas continuer à produire comme avant et à sacrifier l'avenir de la planète. Mais en même temps, je ne défendrai jamais l'idée que les Français doivent choisir entre la préservation de la planète et le développement. Il y a 1 milliard de personnes dans le monde qui meurent de faim : on ne va pas leur dire qu'on leur fermera le portillon du progrès à la figure, sous prétexte qu'on n'a pas été assez raisonnable avec la couche d'ozone. Je refuse donc le choix entre croissance et pollution ou décroissance et protection de l'environnement. J'affirme le choix du développement durable. J'entends un certain nombre de gens dire : " Il faut moins de croissance. " Qu'ils aillent l'expliquer à ceux qui n'ont pas d'emploi ou qu'ils aillent l'expliquer aux pays, comme ce malheureux pays si proche de la France, Haïti : quand on voit cette catastrophe abominable qui frappe un peuple qui était déjà dans une misère affreuse, est-ce qu'on peut dire à ces gens-là, les pauvres, que la croissance n'est pas pour eux, qu'il faut la décroissance ? Mais est-ce que je peux dire aux chômeurs français que mon objectif, c'est qu'il y ait moins de croissance ? Je ne le dirai jamais, jamais. Mais en même temps, je veux absolument que l'on tienne compte des enjeux écologiques car nous ne pouvons pas nous comporter sans penser aux générations qui vont nous suivre. La clef, c'est le développement durable.

Dans le domaine du développement durable, la France rurale joue un rôle stratégique. Voici les objectifs que nous nous sommes fixés. En 2020, 23 % de la consommation d'énergie de la France doit être issue des énergies renouvelables : c'est l'engagement que j'ai pris. Un tiers de ces 23 % proviendra de la biomasse notamment forestière, un quart des biocarburants, un quart de l'énergie du vent et le reste, de sources diverses dont l'énergie solaire. Je vais y revenir.

Nous avons engagé un vaste programme de soutien au rachat de l'électricité produite par les énergies renouvelables. Depuis quelques jours, comme je l'avais promis en mai dernier, nous avons multiplié par deux et demi le tarif de rachat offert à ceux qui investissent dans la production de chaleur et d'électricité à partir de biomasse parce que dans la vie politique, il y a les discours et les faits. Je suis déterminé à donner toute sa place à ce matériau d'avenir qu'est le bois, pour la construction et pour l'énergie. Et pour les agriculteurs, c'est un potentiel de développement fantastique.

De même, nous devons développer l'énergie solaire parce que le soleil en Normandie, c'est une réalité et demain une source majeure d'approvisionnement énergétique, qu'elle provienne des toits de nos maisons, des hangars agricoles ou des bâtiments publics. Dans le monde rural où l'habitat est souvent dispersé, l'énergie solaire ouvre la perspective d'une véritable autonomie énergétique. Grâce aux nouveaux tarifs de rachat de l'électricité qui s'appliquent à compter d'aujourd'hui et qui sont parmi les plus favorables du monde, la France prend enfin toute sa place dans cette filière stratégique.

Les espaces naturels et la biodiversité que recèle la France rurale sont d'immenses richesses pour nous. Dans mon esprit, il n'y a jamais lieu d'opposer " protection ", " gestion " et " valorisation " de la nature. Et je me réjouis, à cet égard, que la table ronde qui réunit les chasseurs et les associations de protection des animaux soit si proche d'un nouvel accord sur les dates de fermeture de la chasse aux oiseaux. Vous le savez, la France rurale, avec ses valeurs, c'est une France qui est prête à porter des compromis intelligents. La France rurale, avec ses valeurs, c'est une France qui ne connaît pas le sectarisme et qui sait parfaitement qu'un bon accord est nécessaire entre tout le monde.

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La France rurale est moderne, par les défis qui l'attendent, par les perspectives d'avenir qu'elle recèle et par le changement qui a marqué la physionomie même de nos campagnes. Depuis 1975 -- et en tant que chef de l'État, c'est quelque chose qui m'interpelle -- deux millions et demi de personnes ont quitté les villes pour s'installer en zone rurale. Depuis 1999, la croissance démographique de la ruralité est plus forte qu'en zone urbaine. Cela a entraîné des mutations considérables. Loin des clichés de l'exode rural, il faut aujourd'hui constater lucidement la " rurbanisation " qui est la réalité de nos campagnes.

J'ai confié à Michel MERCIER le soin de conduire les assises des territoires ruraux. Je les conclurai, s'il le veut bien, le mois prochain. Je me contenterai d'esquisser devant vous quelques principes.

D'abord la question de l'égalité des chances : elle me tient très à coeur, l'égalité des chances. Nous sommes dans une République. Le travail, le mérite, l'engagement personnel, cela compte. Vous avez vu le débat qui m'a occupé avec un certain nombre de dirigeants des grandes écoles : je ne comprends pas comment on peut contester l'idée qu'un pays qui recrute ses élites dans 10 % de la population, c'est un pays qui perd 90 % de son potentiel d'intelligence. Mais l'égalité des chances de mon point de vue, ce n'est pas simplement un problème d'égalité sociale. C'est aussi au même titre un problème d'égalité géographique. S'agissant de la ruralité qui doit jouer son rôle au XXIe siècle, nous allons prendre un certain nombre de décisions avec Michel MERCIER.

Je pense à l'accès au réseau numérique. Le réseau très haut débit, c'est le réseau téléphonique de notre siècle, c'est un choix stratégique ; souvenez-vous, le " 22 à Asnières " : avec le retard qu'avait pris notre pays, cela ne marchait pas ; je ne tiens pas à ce que se passe la même chose avec le numérique parce qu'en plus c'est à partir de cette infrastructure que nous pourrons développer des services nouveaux : la télémédecine, le télétravail, qui sont des outils puissants de désenclavement des territoires.

J'ai prévu que le produit de l'emprunt national, 1 milliard d'euros, permettrait de financer l'installation du réseau très haut débit dans les territoires peu denses de notre pays, où l'investissement ne se rentabilisera pas sans un soutien public. Évidemment pour mettre le haut débit à La Défense, il y a un grand nombre de partenaires privés qui me disent : " Mais pourquoi vous en mêler ? Tout va bien. " Pour mettre le haut débit dans un certain nombre de territoires un peu plus reculés, vous pourrez attendre longtemps si l'État ne s'y met pas ; l'État s'y mettra, c'est absolument capital. Notre action suivra deux objectifs : appuyer financièrement, Monsieur le Maire, Monsieur le Président, les initiatives des collectivités locales et lancer un nouveau satellite qui permettra à 750 000 foyers d'avoir un accès Internet à un débit incomparable dans les territoires les plus difficiles d'accès. Je n'accepterai pas une France à deux vitesses avec une France qui aurait accès au service du haut débit et une France qui n'aurait pas accès au service du haut débit. L'égalité des chances, c'est aussi l'égalité territoriale.

Je pense également au développement des services à la population. C'est un sujet que nous allons aborder avec Michel MERCIER, je le remercie encore de son soutien et de son aide, sans tabou et sans dogmatisme. D'abord parce que ce n'est pas seulement, comme je l'entends dire, une question de services publics, mais une question de services au public. Pardon, il ne s'agit pas de faire du jésuitisme, mais il s'agit du service au public puisque cela comprend également les commerces. Les commerces en ruralité jouent un rôle de service public, de service au public, comme les taxis, les services bancaires, les personnels de santé. Je veux dire que la question ne peut pas se formuler dans les mêmes termes dans toute la France. Dans les territoires encore isolés, c'est l'éventualité de la fermeture qui suscite le plus de crainte. Dans les zones périurbaines, c'est le décalage entre le dynamisme démographique et l'offre de services qui doit être comblé.

Le mode d'organisation qui fonctionne pour des territoires denses et peuplés n'est pas pertinent pour des zones rurales, qui demandent polyvalence et souplesse. Et je demande à Michel MERCIER -- je sais qu'il partage cette conviction -- qu'on arrête de concevoir en France l'égalité comme l'uniformité. Je veux m'expliquer sur ce point. Il y a des territoires qui ont plus de handicaps que les autres ou des atouts différents. Si vous leur donnez la même chose qu'aux autres, vous faites un choix inégalitaire. Pour faire de l'égalité réelle, il faut être prêt à refuser l'uniformité. La France meurt d'un système uniforme qui ne s'adapte pas à tout le monde. J'avais d'ailleurs à l'époque dit mes réserves sur le concept même de collège unique, comme s'il existait un enfant unique. Je ne pense pas que l'on puisse traiter ni aborder la question de tous les territoires avec un seul raisonnement. Faisons preuve de pragmatisme et de réactivité.

Prenons l'exemple des services postaux : Jean-Paul BAILLY, Président de la Poste, à qui je veux redire ma confiance et mon amitié, le sait bien, j'attache une grande importance au rôle de la Poste dans les territoires ruraux. La Poste est une présence essentielle pour la vie quotidienne et c'est souvent, avec l'Éducation nationale, le seul grand service public présent dans bien des communes. Nous avons inscrit, dans la loi qui vient d'être adoptée sur la modernisation de la Poste, la présence de 17 000 points de contact sur le territoire, 17 000. Il s'agit d'une obligation bien plus forte que celle qui pesait sur la Poste auparavant. Et grâce à cette mesure, les territoires ruraux garderont un service postal de qualité. Mais, Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, peu importe que ce service postal de qualité soit délivré dans un bureau, chez un commerçant ou dans une mairie, l'essentiel est que la livraison du courrier et des colis soit désormais garantie six jours sur sept. Et je veux être très clair : si nous n'avions rien fait, cette qualité de service aurait été menacée. Mais si le point Poste est chez un commerçant, aide le commerçant à avoir du chiffre d'affaires à vivre et à ne pas fermer, quel est le problème ? Et si le fait que ce soit chez un commerçant, cela vous fait un point Poste ouvert aux heures où vous en avez besoin, qui s'en plaindra ? De grâce, comprenez que l'immobilisme tuera la ruralité comme il déclassifiera la France.

Je peux prendre également l'exemple de l'Éducation nationale, qui a su adapter l'organisation de l'école élémentaire, et celui de l'enseignement agricole qui a su mettre en place une formation d'excellence. Je souhaite que tous les services du monde rural mènent une réflexion, cher Michel MERCIER, sur les attentes et les atouts qui leurs sont propres.

J'ai demandé à Michel, je lui ai confié la mission de recenser les assouplissements utiles pour créer, partout où c'est nécessaire, un cadre réglementaire plus simple et mieux adapté au monde rural. Cela nous permettra de disposer d'une base, pour mieux articuler la cohérence des services au public dans nos campagnes. Nos territoires ruraux sont divers. Ils ont besoin de services eux-mêmes divers, adaptés aux spécificités de chacun. Enfin, on ne peut pas mettre les mêmes règles pour ouvrir une crèche en zone rurale et en centre ville. Il faut que l'on sorte de cette fascination pour les réglementations qui s'empilent et rendent la vie impossible à tout le monde. Poste, Éducation nationale, santé.

La santé, c'est une priorité. Il faut maintenir un égal accès à des soins de qualité pour tous sur tout le territoire. Ce n'est pas la réalité aujourd'hui. Pour la première fois -- tenez-vous bien -- les postes d'internes vont être fixés par région et par spécialité. Avec cette mesure, nous allons rééquilibrer durablement l'offre de soins sur le territoire. Pour la première fois, c'est la démographie médicale qui va s'adapter aux besoins. C'est une révolution. Dans la loi Hôpital, nous avons créé un contrat d'engagement de service public. Il permettra aux étudiants en médecine de recevoir une allocation mensuelle de 1 200 euros bruts par mois, en contrepartie de leur engagement à exercer dans une zone du territoire où l'on manque de médecins. On ne peut pas avoir tous nos étudiants en médecine qui vont dans les mêmes spécialités et dans les mêmes régions. Ceux qui feront le choix d'une région où on manque de démographie médicale, on va les primer, on va les rémunérer et c'est tout notre avantage. Je ne veux pas que l'État s'occupe de tout mais je veux qu'il fasse son travail. Le marché ne suffit pas toujours à porter ces rééquilibrages. La loi instaure, à compter de 2012, des contrats " santé solidarité " qui vont permettre aux médecins libéraux d'exercer des missions d'intérêt général dans des zones où l'offre médicale est particulièrement faible. N'opposons pas la médecine publique hospitalière à la médecine libérale. Pour aller plus loin, je vais confier une mission sur l'avenir de la médecine libérale au docteur Michel LEGMAN, président du Conseil national de l'ordre des médecins. Car la situation est quand même préoccupante. Entre l'année dernière et cette année, nous allons perdre 2 % de médecins, nous en avons 200 000. Je suis surtout très préoccupé d'une situation : sur dix médecins qui prêtent serment, il n'y en a qu'un seul qui s'installe en libéral. On ne peut pas laisser faire les choses comme cela. Qui vous soignera ? Qui viendra dans vos familles ? Qui viendra dans la ruralité ?

Alors, pour restaurer l'égalité des chances entre nos territoires, il y a toute la question de l'organisation territoriale, une organisation territoriale plus simple, plus juste et plus équitable, avec d'abord, la question de la répartition des ressources publiques entre les collectivités. La question est complexe. Je voudrais faire comprendre que si l'on veut donner plus aux uns, il faut donner moins aux autres. C'est une idée qui n'est pas si simple à faire passer. Et pour y parvenir, nous pouvons jouer sur plusieurs leviers. Le premier, c'est l'intercommunalité. Je crois à l'intercommunalité qui permet de mieux partager les ressources. Le deuxième, c'est la péréquation. Je crois à la péréquation. C'est un débat que nous avons ouvert à l'occasion de la suppression de la taxe professionnelle et de l'instauration de la contribution valeur ajoutée : quelle part faut-il laisser à la territorialisation de la ressource et quelle part faut-il rendre disponible à la péréquation ? Le problème est finalement assez simple, mes chers compatriotes. D'un côté, j'avais ceux qui me disaient : " Il ne faut pas toucher à l'autonomie des ressources des collectivités locales. " Parfait. De l'autre, j'avais ceux qui disaient : " Il faut y toucher pour faire de la péréquation. " Si vous avez l'autonomie, il n'y a pas la péréquation car la péréquation, c'est un taux national qui permet de répartir à ceux qui en ont moins. La question a été tranchée par un vote, qui a permis, me semble-t-il, des avancées considérables. Un quart de la nouvelle contribution qui remplacera avantageusement la taxe professionnelle sera affecté en prenant en compte les besoins des territoires, notamment le critère de la longueur de la voirie, ce qui favorise clairement les territoires ruraux. Et si je prends l'exemple de la Basse-Normandie, Cher Jean-François LEGRAND, cette péréquation permettra d'augmenter de 12 % la ressource fiscale des collectivités départementales et régionales. J'ai entendu les plaintes, mais moi, j'amène les chiffres. De nouveaux outils de péréquation ont aussi été créés : un fonds de péréquation des droits d'enregistrement des départements, ainsi que des fonds départementaux et régionaux de péréquation, qui seront alimentés par les ressources des départements les plus favorisés. Je veux de la justice et de l'équité. Le sujet est-il clos pour autant ? Je ne le crois pas. On verra dans la clause de revoyure que j'ai prévue ce qu'il convient de décider.

Avec les ressources fiscales propres des collectivités, il y a les dotations de l'État. L'État verse aujourd'hui 90 euros par habitant de dotation globale de fonctionnement pour une communauté urbaine, mais l'État verse 18 euros pour les communautés de communes, qui ne sont pas urbaines. Ce n'est pas juste : 70 % des crédits des contrats de plan État-Région bénéficient aux chefs-lieux de départements. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas une politique d'aménagement du territoire. Je ne peux pas laisser aller les choses ainsi. J'ai donc demandé à Michel MERCIER d'analyser en profondeur la mobilisation des moyens publics, pour bien mesurer leur impact sur la qualité et le coût des services publics locaux offerts dans nos différents territoires.

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Comme vous l'avez constaté, je me suis beaucoup investi pour supprimer la taxe professionnelle. Pourquoi ? Ce n'est pas une question d'idéologie. Lorsque j'étais candidat à l'élection présidentielle, dans toutes les régions de France, un mot revenait en permanence, " délocalisation ", en permanence. Mes chers compatriotes, si je laisse partir vos emplois, qui trouvera un emploi pour vos enfants et pour vous ? La taxe professionnelle n'existait que dans la seule France et l'assiette de la taxe professionnelle portait sur les investissements. Plus les entreprises investissaient, plus elles payaient d'impôts. Est-ce que je pouvais garder cela ? C'est impossible. La France a perdu 500 000 emplois industriels depuis dix ans. Et je le dis d'ailleurs aux élus locaux : si j'avais laissé aller le système, la taxe professionnelle serait maintenue, mais elle n'aurait plus rien rapporté puisque les entreprises et les usines auraient disparu. Donc j'ai fait un choix. Les collectivités territoriales ne se délocalisent pas ; une usine, si, une entreprise, si. Et ce ne sont pas simplement les grandes usines, ce sont aussi les agriculteurs : 400 millions d'euros de moins d'impôts grâce à cette décision. Donc, je l'assume et je la revendique.

La réforme territoriale, à laquelle j'attache grand prix, va être examinée au Sénat la semaine prochaine. Je voudrais vous en parler très franchement en terminant mon propos. Système français : commune, intercommunalité, département, Région, État, Europe. Avec cela, ne nous étonnons pas d'avoir les dépenses publiques les plus élevées de l'OCDE et les impôts les plus élevés !

Premièrement, qui comprend quelque chose ? Je mets au défi l'élu local le plus averti d'être capable d'expliquer simplement les compétences des uns et des autres puisque tout le monde réclame la compétence générale. Donc, six niveaux dont chacun prétend avoir la compétence générale. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Tout le monde le sait et ce n'est quand même pas depuis mon élection que cette situation a commencé. Simplement, on me dit : " C'est difficile donc, mettez-le sous le tapis et puis laissez-le au successeur. " Ce n'est pas ma façon de faire. On parle depuis trop longtemps de ce problème, j'ai donc décidé d'y apporter une réponse. Quelle réponse ? Au lieu que les départements et la Région se fassent concurrence, nous allons les obliger à la complémentarité. Comment ? Désormais, l'élu départemental sera le même que l'élu régional : le conseiller territorial. Au lieu de la concurrence sur les mêmes sujets, on fait la complémentarité.

Deuxièmement, on ne peut pas continuer avec la compétence générale pour tout le monde. Mais que chacun s'occupe de ce dont il doit s'occuper, plutôt que de s'occuper de ce que doit faire son voisin qui ne le fait pas lui-même parce que l'autre le fait à sa place. Il y a deux niveaux de compétence générale : la commune qui est le niveau de proximité et l'État qui est le niveau de l'unité territoriale. Entre les deux, on doit spécialiser les compétences pour que chacun comprenne quelle est sa responsabilité et pour que vous, les électeurs, vous puissiez trancher : " Ont-ils assumé leurs responsabilités ou pas ? " J'entends toujours les mêmes discours : " Ce n'est pas moi, c'est l'autre ". D'ailleurs, il y a une certaine justesse à dire cela puisque dans l'enchevêtrement des compétences et du financement, plus personne n'y comprenait rien ! J'ajoute que le texte prévoit -- c'est peut-être un point sensible mais je l'assume aussi -- que l'on divise par deux le nombre des élus territoriaux, de 6 000, que l'on passe à 3 000. Franchement, nous sommes un pays où les élus jouent un rôle essentiel -- et je l'ai été moi-même. Mais, enfin, on ne peut pas dire que l'on en manque. Je crois que si l'on interrogeait les Français, ils porteraient un jugement assez sévère sur la multiplication des structures et la multiplication des élus. Et je le dis parce que je suis moi-même assez réticent sur la question du mandat unique. Et je vais m'en expliquer. Si je devais écouter les démagogues··· Pourquoi suis-je réticent ? Parce que je ne voudrais pas qu'en France se créé un corps de législateurs spécialisés : mon Dieu, dans ce cas, on ne serait pas déçu ! S'ils n'avaient que la loi à voter tous les jours sans enracinement territorial, vous auriez un corps de législateurs spécialistes du droit de l'urbanisme et du droit tout court, mais totalement déconnectés des réalités départementales (ce que je pense) et un corps territorial d'un autre côté qui n'aurait comme seule idée -- et ce n'est pas le but en France, souvenons-nous de notre histoire ! -- que de développer des féodalités. Je dis donc aux responsables politiques, toutes formations politiques confondues, que la réduction du nombre d'élus est ma réponse à la question de la limitation du nombre de mandats. Je ne pousserai pas jusqu'à dire, comme je l'ai fait pour le Président de la République, de limiter à deux le nombre de mandats.

Mais je pense profondément que la réforme de la Constitution est une des réformes les plus démocratiques qui soit. Et je m'en explique d'un mot devant vous, mes chers compatriotes. Il n'est pas raisonnable, pour la France, de garder des leaders de formations politiques qui, pendant quarante ans, mobilisent toute l'attention de leur propre famille et de leur propre camp et sur ces quarante ans, qui mobilisent l'essentiel de leur énergie à éviter l'inéluctable, c'est-à-dire un successeur. Non, ce n'est pas un souvenir personnel. Simplement, je pense qu'une démocratie a besoin de respirer, une entreprise a besoin de respirer, et au niveau de pression qui pèse sur le Président de la République, deux mandats pour celui qui voudra faire deux mandats et à qui les Français confieraient leur confiance, c'est bien suffisant. Un pays de 65 millions d'habitants peut trouver en lui-même les ressources pour un nouveau leader. Regardez ce qu'il se passe pour les grandes démocraties. Il y a trois ans, personne ne connaissait Monsieur OBAMA et aujourd'hui, il est le Président que l'on connaît et que l'on apprécie.

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Voilà, je voudrais terminer en vous disant ceci. Je n'ai pas été élu pour commenter les problèmes de la France, je n'ai pas été élu pour les observer. J'ai été élu pour essayer d'apporter des réponses. Je ne dis pas que ce que l'on fait est parfait, je ne dis pas qu'il n'y a pas des choses à modifier, bien sûr. Mais, mes chers compatriotes, j'essaie de ne rien différer au lendemain de ce que je peux faire aujourd'hui. J'essaie, pendant le temps où vous m'avez confié la responsabilité ultime de Président de la République, de résoudre les problèmes et de ne pas les laisser à mes successeurs, j'essaie de faire face à la crise, j'essaie d'apporter des solutions d'avenir, pas des rustines. Alors évidemment, cela bouscule des habitudes et des conservatismes, mais dans un monde qui bouge, qui parmi vous peut penser que la France peut rester immobile ?

Voilà ce que je tenais à vous dire dans une région que j'aime beaucoup, où je retrouve énormément d'amis, Monsieur le Maire. Les parlementaires ont des visages que je connais bien. Je salue aussi (je ne l'ai pas fait) le maire de Deauville, Monsieur AUGIER, le président du conseil général, Alain LAMBERT, que j'avais cité, Jean François LEGRAND, à qui me lient des années d'amitié. Je mène ce combat pour l'intérêt de la France avec tous ceux qui veulent accompagner ce mouvement. Qu'il me soit permis de vous souhaiter pour 2010 une excellente année. Je n'oublie pas que dans cette grande ville de Mortagne-au-Perche, Monsieur le Maire, vous avez eu un grand homme, un philosophe : Alain. Il a dit une chose dans laquelle je me suis toujours reconnu : " L'Homme n'est heureux que de vouloir et d'inventer. " Mes chers compatriotes, il ne faut pas subir, il faut vouloir et il faut inventer. Je veux un avenir pour les territoires ruraux et je demande à la ruralité d'inventer avec nous cet avenir. Bonne année à tous.