Discours politique

François Fillon, International Democrat Union (26/06/2008)

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers amis,

Qu’est ce qui nous rassemble aujourd’hui dans l’ International Democrat Union (IDU) ?

Près de 20 ans après la chute du Mur de Berlin, qu’est-ce qui pousse 70 partis de droite et de centre-droit de 56 pays à se retrouver dans une union internationale, alors que le mur de Berlin s’est effondré et que la démocratie libérale et l’économie de marché ne cessent de se déployer partout dans le monde ?

Les débats de ces deux jours ont fourni une réponse sans ambiguïté à cette question : les idéaux qui nous ont unis, il y a 25 ans, sont toujours d’actualité.

La liberté, la responsabilité, l’Etat de droit, la libre entreprise, le libre échange : toutes ces valeurs restent les plus justes moralement et les plus efficaces économiquement.

Il suffit d’ailleurs de voir le nombre de gouvernements de gauche les reprendre secrètement à leur compte – à l’exception de la gauche Française ! – pour mesurer la victoire de ces valeurs.

Ces valeurs, elles doivent être constamment protégées car l’histoire de l’humanité n’est jamais totalement débarrassée de ses penchants liberticides.

Elles sont adaptées aux nouveaux défis que le monde doit relever aujourd’hui.

Il y a vingt ans, certains on cru, avec Fukuyama, à la thèse de la « fin de l’Histoire ».

Aujourd’hui, faut-il croire, avec les nouveaux auteurs à la mode au « retour de l’Histoire » ? Faut-il penser que « la fin de la fin » de l’Histoire signifie « la fin des rêves » ?

Je ne le crois pas.

Mais ce dont je suis persuadé, c’est que le totalitarisme et la négation de la liberté ne sont pas des « accidents » du 20ème siècle : ce sont des basculement récurrents de l’humanité, des tentations dont les formes se transforment au cours des âges, mais qui puisent en permanence dans les mêmes racines intellectuelles.

C’est la grande leçon de Karl Popper, ce penseur qui a inspiré le combat intellectuel contre le communisme.

Que dit-il ?

Que, depuis toujours, certains veulent asservir l’homme pour les motifs les plus louables, faire son bonheur contre son gré, créer par la coercition un « homme nouveau » plus conformes à leurs utopies qui s’avèrent souvent illusoires quant elles ne sont pas folles.

Ces « ennemis » de la « société ouverte », pour reprendre le titre de son ouvrage célèbre, sont fondamentalement hostiles à la démocratie libérale et à l’économie de marché.

Aujourd’hui, bien sûr, ils sont loin de triompher.

Mais notre responsabilité est de ne pas les laisser s’emparer des nouveaux sujets du XXIème siècle pour imposer leur vision.

Environnement, organisation de l’économie et de la finance mondialisée, développement des pays pauvres, maîtrise des énergies, flux de migrations internationales : tous ces défis actuels sont sérieux et posent de graves problèmes à notre monde.

Nous devons être capables de leur apporter des réponses communes, cohérentes, fidèles aux principes qui nous réunissent.

Si nous ne le faisons pas, d’autres le ferons, dans un sens qui sera ou caricatural ou régressif.

Aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, nous devons résister à une tentation.

Une tentation naturelle quand on voit que ses idées ont triomphé ou bien quand on n’a plus confiance dans l’avenir : la tentation du confort intellectuel, du conservatisme.

Je ne parle pas de la dénomination de tel ou tel parti politique.

Certains d’entre nous s’appellent « conservateurs » sans que cela ne fasse d’eux des conservateurs au sens politique.

Je parle de ce système de pensée qui consiste à vouloir conserver les choses par principe, par peur d’essayer, de tenter d’autres solutions.

Par peur aussi de remettre en cause nos propres certitudes.

Un exemple : à l’évidence, le capitalisme s’est montré plus efficace, plus prometteur que le communisme.

En un mot, nous avons gagné la bataille idéologique.

Pour autant – maintenant que le communisme a disparu – faut il renoncer à s’interroger sur les manquements ou les dérives du capitalisme ?

Je ne le crois pas.

Et c’est précisément à nous de réinventer des équilibres nouveaux entre les forces du marché et les forces sociales.

C’est à nous d’empiéter sur les habituels terrains de la gauche pour reformuler et résoudre la question des inégalités sociales.

C’est à nous de définir les équilibres entre le développement économique et le développement durable.

L’Histoire n’est pas finie, elle continue, sous nos yeux, à nous bousculer.

Et je crois que notre atout – nous qui ne sommes pas freinés par des préjugés idéologiques – c’est d’être plus imaginatifs, plus audacieux que nos adversaires politiques.

Nous devons être ceux qui participent au changement pour ne pas le subir.

J’ai en mémoire la grille d’analyse de Friedrich Hayek.

Je ne suis pas d’accord avec toutes ses préconisations économiques, mais sa pensée fut et reste stimulante.

« Pourquoi je ne suis pas un conservateur » : c’était le titre de son texte désormais classique qui offre une typologie utile.

Ce texte distingue trois attitudes philosophiques en politique : le socialisme, le conservatisme et le libéralisme.

Je l’avoue, aucun de ces vieux mots qui finissent en « isme » ne me convient.

Il en est un, en revanche, que je vous propose de reprendre à notre compte, c’est celui de réformiste.

Le réformiste, est celui qui se « fiche » de savoir si une bonne idée vient de la droite ou de la gauche, pourvue qu’elle soit utile au bien commun.

Le réformiste est celui qui agit pour l’intérêt général et le long terme plutôt que pour les sondages et les corporatismes dont la somme des réclamations forme un immense statu quo.

Le réformiste est la fois libéral et social.

Le réformiste part de la réalité pour dire la vérité, et utilise la vérité pour moderniser.

Mes chers amis,

Depuis un an, sous l’impulsion du Président de la République, la France est en train d’accomplir une mutation culturelle.

On l’avait dit repliée sur elle-même, réticente à s’ouvrir et à se lancer dans le nouveau siècle.

C’est du passé !

Aujourd’hui, la France repart à la conquête d’une prospérité nouvelle, en se débarrassant de ses préjugés périmés.

Permettez- moi de vous en convaincre.

Hier, la question de l’emploi se résumait au partage du travail et aux RTT.

Aujourd’hui, c’est à qui fera des heures supplémentaires !

Hier, la question de la solidarité, se résumait à plus où moins d’assistanat.

Aujourd’hui, nous débattons de l’extension du Revenu de Solidarité Active dont la philosophie nous est chère : c’est celle de la dignité par le travail !

Hier, sur la délinquance et la violence, le coupable était une victime.

Désormais l’impunité s’efface devant les principes de fermeté et de responsabilité !

Hier, les usagers des transports publics devaient faire avec les grèves, et nul n’osait s’en offusquer, si ce n’est les Français eux mêmes ! Maintenant, avec le service minimum, c’est le service public qui doit se mettre au service des usagers et non le contraire.

Hier, à l’université, les spécialistes du statu quo nous disaient « ne touchez à rien ! ».

Avec la réforme sur l’autonomie des universités nous avons mis un terme à cet immobilisme qui était contraire à l’excellence et à la justice sociale.

Hier, sur la question de l’immigration, les partisans de l’immigration zéro et ceux de l’immigration sans freins, se disputaient le sujet.

Nous y avons mis un terme: l’immigration choisie entre dans les faits ! Et désormais, la France est en mesure de choisir qui elle veut accueillir et dans quelles conditions ! Et cette position est en train d’être partagée pas tous les Etats de l’Union européenne.

Hier, la question des régimes spéciaux de retraites faisait trembler tous les gouvernements.

Ils sont désormais réformés et le principe d’équité s’est imposé.

Travail, mérite, autorité, responsabilité, équité sociale : tous ces principes sont derrière ces réformes que nous avons engagé.

En élisant Nicolas Sarkozy, les Français ont choisi d’en finir avec la tyrannie du statu quo, l’absence de réforme et le repli face à la mondialisation.

Nous sommes en train de sortir des 35 heures, cette erreur économique et sociale qui a consterné nos amis européens et réjouis nos concurrents.

Nous réhabilitons le travail, l’entreprenariat, l’effort et la prise de risque comme moteurs de la création de richesse et comme sources d’épanouissement personnel.

Nous concentrons tous nos efforts budgétaires sur la recherche, la science, l’innovation, la formation, les conquêtes de l’intelligence.

Nous réformons l’Etat pour le rendre plus efficace, moins dépensier, plus respectueux des forces créatives de notre société.

Nous réformons le dialogue social, pour que les syndicats soient plus représentatifs et plus constructifs, et pour que le droit social s’élabore davantage au niveau même des entreprises.

Nous réconcilions l’écologie et l’économie, avec le « Grenelle de l’environnement ».

Quand je parle de mutations culturelles, je n’exagère pas.

Nous sortons du relativisme culturel et moral que la gauche française des années 1980 avait diffusé dans le pays.

Nous réintroduisons dans la culture française des vertus qui avaient été négligées, parfois même ridiculisées : la réussite, le mérite, le respect, le civisme.

Nous avons aussi réhabilité l’idée « d’identité ».

Notre conception du patriotisme n’est pas nationaliste.

Le nationalisme, c’est le réflexe des nations faibles, humiliées, celles qui opposent l’identité à l’universalité.

Je suis, depuis longtemps, favorable à un patriotisme éclairé.

Aimer son pays pour mieux s’ouvrir au monde, pour se projeter vers ce monde : c’est, selon moi, une nécessité charnelle.

Quand je parle d’identité, je ne parle pas que de l’identité nationale.

L’Europe a, elle aussi, besoin de susciter une passion commune, elle a besoin de se créer une âme autour de laquelle la fierté des peuples se rassemble.

Quant à l’idée même de progrès, elle avait été oubliée chez nous.

Toutes ces décennies de malthusianisme économique, de chômage de masse, ont épuisé les ressorts de la nation, ont désespéré les classes moyennes qui ont toujours été le ferment du progrès.

Il est vrai que la gauche a une certaine responsabilité dans cet étiolement de la croyance dans le progrès.

Pour elle, le progrès ne pouvait, ne peut, que prendre le visage d’un refus.

Refus du libéralisme.

Refus de la compétition.

Refus de la mondialisation.

Quant on refuse la réalité, on est, au bout du compte, renversé par la réalité !

Cette réalité, il faut l’accepter pour la maîtriser et l’utiliser à son profit.

Voilà la différence entre les socialistes et les réformistes que nous sommes.

Mesdames et messieurs,

D’une certaine façon, c’est l’idéal des Lumières que nous sommes en train de retrouver, c’est l’humanisme adapté au monde moderne : la confiance en l’avenir, la lucidité sur la condition humaine, le choix de la raison, de la culture et de l’ambition.

Cette entreprise de renouveau, il nous faut le mener tous ensemble au niveau mondial.

Les enjeux sont globaux.

Les réponses à apporter doivent l’être aussi.

Celles de nos adversaires le sont de plus en plus.

La tentation naturelle de ces derniers est de transposer au niveau international les vieilles recettes qui n’ont pas fonctionné au niveau national.

C’est un combat d’idées.

Un beau combat que nous pouvons nourrir de nos différences.

C’est un combat qu’il ne faut pas prendre à la légère car une partie de l’avenir en dépend !