Amériques

Cinq accusés du 11-Septembre comparaissent à Guantanamo devant un tribunal décrié

Le Monde | • Mis à jour le

Barack Obama n'a pas fermé la prison de Guantanamo comme il l'avait promis. Un des échecs du président sortant.

Alors que les tribunaux militaires d'exception américains font l'objet de très vives critiques, les cinq accusés des attentats du 11-Septembre, dont leur cerveau autoproclamé Khaled Cheikh Mohammed, ont commencé à comparaître samedi 5 mai devant devant la justice sur la base de Guantanamo (Cuba). Ils apparaissent pour la première fois en public depuis plus de trois ans.

Ces tribunaux particuliers sont considérés par beaucoup comme relevant d'une "justice de seconde zone" néfaste pour l'image des Etats-Unis. "L'histoire gardera le souvenir d'une vaste erreur", a ainsi déclaré à l'AFP le colonel Morris Davis, ancien procureur en chef sur la base navale de Guantanamo. Ce système controversé a été créé par George W. Bush au lendemain des attaques de 2001 à New York et Washington. "Depuis le début, le système est injuste, impraticable, illégitime", estime Anthony Romero, directeur de l'Union américaine de défense des libertés civiques (ACLU).

Le président Barack Obama a suspendu les tribunaux militaires au lendemain de son élection, interrompant la comparution des cinq accusés. Il souhaitait qu'ils soient jugés à Manhattan, à deux pas de Ground Zero où s'élevaient autrefois les tours jumelles. Mais le président démocrate en a été empêché par les républicains du Congrès qui ont bloqué le transfert sur le territoire américain des accusés poursuivis pour terrorisme. C'est donc à Guantanamo, hors des Etats-Unis, devant un système de justice militaire réformé par Barack Obama que les cinq hommes sont traduits.

Ces tribunaux "ont été réformés encore et encore, il n'y a aucun moyen de les réhabiliter", a ajouté le colonel Davis. "Nous avons sapé notre autorité morale, et compromis nos principes pour au moins une dizaine d'années".

UN "SYSTÈME IMPROVISÉ BIAISÉ"

L'avocat James Connell, qui défend le Pakistanais Ali Abd Al-Aziz Ali, l'un des cinq accusés, s'"inquiète en tant qu'Américain que le procès manque de légitimité". Il évoque un "système improvisé biaisé depuis le début" qui l'empêche aussi de communiquer librement avec son client. L'avocat qui conteste cette règle devant le juge militaire ne voit pas "l'avantage de traduire cette affaire devant un système incertain par rapport à un système qui a fait ses preuves depuis plus de 200 ans".

"Nous avons créé un système judiciaire de seconde zone", a estimé l'amiral Donald Guter, ancien juge militaire pour l'organisation Human Rights First. "Si le procès est considéré comme contrôlé par l'armée, c'est un cadeau offert sur un plateau aux recruteurs terroristes", a renchéri Ken Roth, directeur de Human Rights Watch. C'est aussi l'avis de Terry Greene, représentant une organisation de familles de victimes, qui estime que la justice de droit commun "a fait ses preuves en matière de terrorisme".

En près de 11 ans, six "combattants ennemis" ont été condamnés par la justice militaire contre environ 120 devant la justice fédérale. Cliff Russell, cependant, qui a perdu son frère dans les tours jumelles, "n'imagine pas que ces hommes puissent être traduits au palais de justice de New York". Pour l'analyste William Shawcross, auteur de Justice and the ennemy, l'accusé bénéficie "de bien plus de protections que les Nazis" au procès de Nuremberg.

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