Côte d’Ivoire – Vaincre cette faim qui éloigne des tables-bancs

Cuisine d'une cantine scolaire

Cuisine d’une cantine scolaire

Des études de terrain, rendues publiques sous forme de préambule lors du séminaires sur les cantines scolaires les 19 et 20 avril 2012 à Grand-Bassam (Sud-Ivoirien), ont permis au Ministère de l’Education Nationale de Côte d’Ivoire de présenter la faim comme l’une des raisons fondamentales des nombreux abandons en milieu scolaire. Le repas de la mi-journée étant inexistant pour de nombreux petits garçons et de nombreuses petites filles, suivre les cours devient un calvaire. Cette réalité est encore plus palpable en milieu rural où les ressources font défaut pour de nombreuses familles. Les enfants doivent parcourir plusieurs kilomètres pour retrouver leurs parents dans les champs dans l’espoir d’avoir un tubercule à grignoter. C’est pour lutter contre cette faim, facteur d’abandon et d’échec scolaire, que le Gouvernement Ivoirien à mis sur pied la Direction Nationale des Cantines Scolaire (DNCS). Sous l’autorité du Ministre de l’Education Nationale et par arrêté n°008 du 26 juillet 2000, le Service des Cantines Scolaires ou Direction Nationale des Cantines Scolaires (DNCS) est chargée de la mise en œuvre et du suivi du programme d’installation et d’extension des cantines scolaires. La DNCS réussit bien sa mission car de près 3.400 cantines autour de l’année 2003-2004, la Côte d’Ivoire compte aujourd’hui plus de 6000 cantines qui nourrissent au bas mot plus de 800.000 rationnaires/an ! Le volume de vivre acheté directement sur le marché ou obtenu grâce aux Coopératives Agricoles Actives pour le compte des cantines oscille autour des 11.000 tonnes/an. Ce chiffre ne prend pas en compte les cantines des établissements privés. Celles-ci sont directement gérées par les Directions des Ecoles où elles sont installées.

De façon concrète, les cantines offrent aux enfants sur leur espace d’étude la possibilité de se restaurer à moindre coût. Le prix d’un plat de riz, de ragoût ou de pâtes oscille entre 25 et 100 f CFA selon l’école. Les tickets de restauration sont vendus par les enseignants lors de la récréation puis à midi chacun sous le hangar peut manger un repas consistant et un fruit. Le menu des cantines scolaires est adapté à la zone géographique et aux habitudes alimentaires. Néanmoins, le Ministère veille à ce qu’une alimentation saine et de qualité soit servie aux élèves. L’idée du Gouvernement est de rendre le déjeuné gratuit pour tous les enfants car la pauvreté ne permet pas à certains parents d’amortir les frais de la cantine. Ce projet de prise en charge à 100% suppose la recherche de nouveaux financements. Force est de constater que depuis le renforcement des capacités de la DNCS par les partenaires techniques comme l’UNICEF, le PAM, l’USAID ou la FAO, les résultats sur le terrain sont plus qu’encourageants. Les cantines attirent les enfants vers l’école réduisant le taux d’abandon et la nourriture servie permet aux familles de faire des économies. Grâce aux cantines le taux de scolarisation dans plusieurs régions du pays à grimpé de 40% en l’espace de deux ans ! Plus encore, une fois la faim éradiquée dans les écoles, ce sont les résultats qui parlent d’eux-mêmes au niveau des examens de fin d’année. Selon les statistiques, les écoles pourvues d’une cantine scolaire réalisent un taux de réussite supérieur à 68% au CEPE (Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires). Celles qui n’ont pas de cantines ont un résultat qui tourne autour des 59%.

Selon une étude réalisée par le PNUD en Côte d’Ivoire, l’implantation d’une cantine dans une école a pour effet, dans les deux ans qui suivent, une évolution du taux de scolarisation de l’ordre de 15%, une réduction de moitié des taux d’abandon et de redoublement et un accroissement des taux de réussite de 15% ! L’impact des cantines scolaires sur la fréquentation des écoles est une réalité et pour Mme KONE Karidja Soukoulé, la Directrice Nationale des cantines scolaires « c’est là un moyen par lequel les autorités ivoiriennes peuvent booster le taux de scolarisation dans le pays ». Il s’agit d’un objectif à atteindre dans l’immédiat puisse que la dizaine d’années de crise que le pays a vécu a entraîné la baisse de la scolarisation des enfants notamment dans le Nord-Ivoirien.

SUY Kahofi

Bilan encourageant pour le CAP 2012

Officiels et invités lors du bilan à mi-parcours du CAP 2012

Le CAP 2012, document de programmation des besoins humanitaires pour la Côte d’Ivoire lancé en janvier 2012 à Abidjan sous l’initiative de la communauté humanitaire et le système des Nations Unies avait pour objectif premier de réunir un financement de 173 millions $ US. A mi parcours, ce budget a été réévalué pour prendre en compte les besoins humanitaires de plus de 1.200.000 personnes. A propos du bilan provisoire du CAP 2012, Ndolamb Ngokwey le coordonnateur humanitaire pour la Côte d’Ivoire soutient qu’il s’agit « d’un appel dont la révision est passé à 160 millions $ US » avant de conclure que le CAP « a pu engranger 49% c’est-à-dire à peu près 80 million $ US provenant de plusieurs pays et donateurs. Ce fond a aussi été alimenté par le Fond d’Urgence Humanitaire qui est financé par les USA, la Grande Bretagne et différents partenaires financiers ».

La zone prioritaire ciblée par l’appel du CAP 2012 était l’ouest de la Côte d’Ivoire avec un accent sur les camps de déplacés et de réfugiers mais aussi et surtout les zones de retour des populations. La réévaluation des objectifs financiers du CAP 2012 permet également de dégager de nouvelles zones d’action comme le nord de la Côte d’Ivoire touché par une crise alimentaire. Ellen Cramer directrice-adjointe pays du Programme Alimentaire Mondial nous nous explique « que des cas de malnutrition ont été signalés dans le nord de la Côte d’Ivoire ». Pour faire face à cette situation, le cluster nutrition apporte une assistance alimentaire aux familles les plus vulnérables et aide à juguler les cas de malnutrition sévère chez les enfants de 0 à 5 ans.

Le CAP en 6 mois d’activité du Système des Nations Unies et des ONG c’est un résultat encourageant sur le terrain qui aura permis la réhabilitation de 1500 abris, le passage de 35 sites de personnes déplacés à un seul, la réhabilitation de 380 pompes pour l’eau potable et l’aide à la mise en service de 4 principales formations sanitaires sur 5 à l’ouest. Des 20.000 déplacés, le CAP aura aidé au retour de 15.000 personnes. Ces résultats sont certes encourageant mais les besoins sont encore importants sur le terrain si bien qu’un sous financement du CAP 2012 révisé pourraient avoir des conséquences désastreuses.

  • 400.000 personnes n’auront pas accès à l’eau potable dans leur zone de retour
  • 110.000 personnes dans le nord risquent d’être en insécurité alimentaire
  • 1 enfant sur 6 n’aura pas accès à l’éducation dans les zones de retour
  • 120.000 enfants atteints de malnutrition aiguë sévère ou modéré ne pourront pas bénéficier d’une prise en charge adéquate
  • 2 millions de personnes, dont 80.000 femmes enceintes, plus de 300.000 enfants de moins de cinq (5) ans n’auront pas accès à des soins de santé de qualité

Reste donc 6 mois d’activité pour couvrir l’année 2012, aussi le coordonnateur humanitaire pour la Côte d’Ivoire plaide pour une synergie des actions et un renforcement de l’aide des bailleurs pour une meilleure réponse aux besoins humanitaire.

SUY Kahofi 

Côte d’Ivoire : manque de financement pour l’action humanitaire

Ndolamb Ngokwey et le représentant du Comité national de coordination de l’action humanitaire

Une rencontre entre les acteurs humanitaires et les bailleurs de fonds s’est tenue à Abidjan ce 30 avril 2012, dans la salle de conférence du Bureau International du travail (BIT). La rencontre, organisée par le Coordonnateur Humanitaire en Côte d’Ivoire, M. Ndolamb Ngokwey, en collaboration avec les Ministres d’Etat, Ministre du Plan et du Développement, M. Albert Mabri Toikeuse, représenté par son Directeur du Cabinet, M. Diaby Lanciné et Ministre de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité, M. Gilbert Kafana Koné, avait pour objectif d’attirer l’attention des bailleurs de fonds sur le sous financement de l’action humanitaire en Côte d’Ivoire et ses conséquences sur les populations vulnérables. Lors de son intervention, le Coordonnateur Humanitaire, M. Ndolamb Ngokwey, a souligné l’importance et la nécessité d’une action soutenue en faveur des populations affectées par la crise post-électorale. « Si la stabilité politique a permis un retour important de nombreux réfugiés et déplacés internes dans leurs zones d’origine, assurer une intégration durable demande une assistance conséquente », a déclaré M. Ndolamb Ngokwey. « Cette assistance, tant nécessaire, risque d’être compromise par le manque de financement », a-t-il ajouté.

Les présentations faites par M. Ndolamb Ngokwey et le représentant du Comité national de coordination de l’action humanitaire (CNCAH), ont dressé un état des besoins non-couverts. Selon M. Ndolamb Ngokwey, un financement inadéquat pourrait priver 400.000 personnes d’accès à l’eau potable à l’ouest du pays. De même, 5.000 abris ou maisons doivent être réhabilités ou construits pour permettre un retour durable. Environ 2 millions de personnes, dont 80.000 femmes enceintes et plus de 300.000 enfants de moins de cinq (5) ans seraient privés d’accès à des soins de santé de qualité. L’Appel Consolidé dit CAP 2012 pour la Côte d’Ivoire, lancé le 16 janvier dernier à Abidjan, n’est financé à ce jour qu’à hauteur de 18 pour cent, soit 31,2 millions de dollars US sur une requête initiale de 173 millions de dollars US.

SUY Kahofi

A la découverte de ces restaurants de rue

« Qui me connait », l’expression désigne généralement en Côte d’Ivoire ces restaurants improvisés dans la rue avec deux tables et de longs bancs.  » Qui me connait  » peut être remplacé par  » ni vu, ni connu ’’ pour les nombreux clients qui se cachent du regard des passants et des éventuelles connaissances pour y manger. Il faut manger vite et partir vite, on ne sait jamais. Ici on sert des plats de toutes sortes entre le bruit des véhicules, la poussière et les points d’ordures si difficiles à ignorer.

Pourtant midi et soir, ils sont toujours de plus en plus nombreux à y déjeuner ou dîner. Les tarifs très attractifs charrient chaque jour de nouveaux clients. Avant, ces lieux étaient bondés de charretiers, de porteurs et autres commençants ambulants. Aujourd’hui, la restauration low cost attire une clientèle de jeunes consommateurs désœuvrés : stagiaires d’entreprises et précaires en tout genre s’y précipitent pour se restaurer à moindre frais. Les restaurants ont pignon sur rue dans les quartiers populaires tels que Yopougon, Treichville, Abobo ou Port-Bouët. Sans eux, comment ce nombre incalculable de citadins sans le sou pourrait-il se nourrir ?

Marché de Belleville

Clarisse et Margueritte gagnent leur vie en improvisant chaque midi un restaurant de rue aux alentours du célèbre Marché de Belleville. Elles nourrissent en moyenne 70 clients en proposant des petits plats de riz, d’attiéké et de foutou d’igname à 250 FCFA (0,37 euros), 300 FCFA (0,45 euros) et 400 FCFA (0,60 euros). Les sauces sont connues des habitués : arachides, graines, sauce feuilles ou tomate avec du poisson ou de la viande.  » Ce n’est pas parce que la nourriture est moins chère qu’elle est de mauvaise qualité. Si vous ne faites pas bien la cuisine vous perdez vos clients. C’est vrai qu’avec ce qu’on gagne tout n’est pas donné sur le marché au niveau des denrées mais on joue sur la quantité en fonction de la bourse du client « , souligne Clarisse. Tous les jours, Clarisse et Margueritte se lèvent à 6 h du matin et achèvent de cuisiner à 11 h. C’est donc fumant que les plats arrivent au resto. Généralement elles finissent le service à 13 h ou à 16h-17h quand les clients se font désirer. Dans ce dernier cas, il faut réchauffer les plats. Les clients semblent pour la plupart satisfaits.  » La majorité des femmes chez lesquelles je mange font bien la cuisine : si c’est mauvais personne ne viendrait je pense ! Le seul problème c’est la proximité de la route avec la poussière et les mouches… à cause des ordures du marché « , soutient Fabrice, diplômé sans emploi.

 » Monsieur, regardez vous-même « 

Contrairement aux habitués des restos’ de rue, certains trouvent qu’il est difficile de s’arrêter devant ces plats, encore moins les manger. La qualité et surtout le manque d’hygiène découragent les estomacs les plus affamés.  » Monsieur regardez vous-même (notre interlocuteur nous montre une poubelle). Ce n’est pas possible de manger ici ! « , s’indigne Jérôme, menuisier. Pour lui,  » les autorités doivent interdire ces restaurants « . Les professionnels de la santé, eux, préfèrent mettre les consommateurs en garde.  » Les restaurants de rue rendent d’énormes services aux consommateurs mais je pense qu’il faut penser d’abord à la santé. La proximité des bouches d’évacuation, caniveaux et poubelles est dangereuse pour le client car les mouches sont de puissants vecteurs de maladies typhiques « , soutient Soro infirmier nutritionniste.

Les critiques, Saly la restauratrice, les entend, mais demande aussi à être entendue :  » Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous vendons à manger au bord de cette route mais que pouvons nous faire ? Pour éviter de mettre en danger nos clients nous couvrons nos plats et maintenons nos espaces propres « .

SUY Kahofi

Les Etats-Unis appuient un programme novateur de lutte contre la faim

 

Phillip Carter III ambassadeur des USA en Côte d’Ivoire

Le Gouvernement des Etats-Unis, à travers l’Agence pour le Développement International (USAID)  a fait don de 1,6 million de dollars pour lutter contre la faim à Abidjan, la   plus grande ville de Côte d’Ivoire. Le don fait partie des 10,7 millions de dollars d’aide de l’USAID pour promouvoir la sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire. En collaboration avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l’USAID a financé le premier projet en Afrique de l’ouest utilisant  la technologie de la téléphonie mobile pour venir en aide aux  personnes affectées  par la crise postélectorale. Plus de 10 000 ménages issus des communes d’Abobo et de Yopougon, qui sont les deux quartiers d’Abidjan les plus durement  éprouvées par la crise,  ont reçu des cartes SIM qui, lorsqu’elles sont activées, autorisent l’accès à l’argent pour acheter de la nourriture. Le projet pilote de deux mois fournira l’équivalent de 75 $ par mois en aide à  des familles à Abidjan, où la nourriture, quoique disponible, reste le plus souvent hors de prix pour les habitants les plus pauvres.

Pour l’Ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Phillip Carter III : « Ce don est un exemple concret de l’engagement des Etats-Unis à soutenir la Côte d’Ivoire qui se remet progressivement de la crise postélectorale ». « Ce projet est un excellent exemple d’utilisation de la technologie à des fins humanitaires en permettant aux populations les plus démunies d’accéder à la nourriture. L’utilisation de la technologie de téléphonie mobile a pour avantage de garantir que  cette aide parvient directement aux plus nécessiteux, » a fait remarquer  l’Ambassadeur Carter. Le Gouvernement des États-Unis apporte environ 178 millions de dollars à la Côte d’Ivoire en aide bilatérale.  Outre l’assistance humanitaire, les États-Unis travaillent en collaboration avec des partenaires afin d’encourager la réconciliation nationale et le respect des droits de l’homme, soutenir la reprise économique, promouvoir l’état de droit, préparer les élections parlementaires à venir et assurer des services de prévention, de soins et des traitements de qualité pour les personnes  infectées et affectées, par le VIH/SIDA.