S o m m a i r e
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1) - Le projet Terre nourricière |
L’équipe du projet Terre Nourricière, une nutritionniste (Hélène Pineau) et une photographe biologiste (Kristell Trochu), souhaite soutenir les actions de lutte contre la malnutrition en réalisant des reportages éclairés sur des programmes en cours. Après un premier reportage réalisé en Côte d’Ivoire, ce projet nous emmènera au cours des prochains mois, au Mali (de août à novembre 2005) pour suivre les travaux de différents organismes améliorant durablement l’accès des populations à une alimentation saine et variée. Nous partirons aussi à la découverte de plusieurs programmes de recherche-action menés à Madagascar et au Vietnam par le GRET (groupe de recherche et d’échange technologique) et l’IRD (institut de recherche pour le développement). Nos reportages photographiques et autres outils de communication (diaporamas, conférences, banque de photographies, articles de vulgarisation, affiches) sont des documents adaptés pour justifier du soutien que les bailleurs de fond apportent aux organismes impliqués dans les programmes d’actions contre la malnutrition. Ces produits permettent aussi aux financeurs de réaliser des actions de sensibilisation auprès de leurs employés et/ou citoyens concernés. Nos reportages photographiques et interviews sont aussi le support de nombreux documents de communication, vulgarisés ou scientifiques, selon nos publics. Notre site internet (http://terrenourriciere.agnese.fr/ ), des émissions radiophoniques, des conférences tout public et des expositions photographiques, nous permettrent, en France, de faire connaître les pratiques alimentaires des pays du Sud et les travaux des organismes impliqués dans la lutte contre la malnutrition. |
2) - Reportage en Côte d’Ivoire: culture et nourriture ! |
Notre équipe a fait ses premiers travaux dans le domaine du photoreportage et des outils de communications en Côte d’Ivoire, dans le village de Damé, lors d’une enquête nutritionnelle de mars à juillet 2004. Ce travail a été demandé par la MUDESDA ii (Mutuelle pour le Développement Economique et Social de Damé) dont les membres sont les cadres originaires de Damé intéressés par le développement de leur village. Elle assure l’accueil des bénévoles sur place. Leur demande a été relayée par l’association MAD (Méditerranée Afrique Développement) qui a géré la partie logistique de la mission. L’IRD a ensuite assuré l’encadrement scientifique des études. L’enquête nutritionnelle avait pour objectif la détermination de l’état nutritionnel des enfants de 0 à 2 ans afin de détecter un éventuel problème de malnutrition et de développer si besoin des moyens adaptés pour que les enfants aient accès à une alimentation adéquate. Notre présence constante au sein du village nous a aussi permis de découvrir les pratiques agricoles. |
A - Le village de Damé : mise en contexte |
Damé est un village de l’est de la Côte d’Ivoire, presque une ville, située, entre forêts et plantations,à 12 kilomètres du chef-lieu du département d’Agnibilékrou et à 7 kilomètres du Ghana, pays frontalier. Installés dans la zone guinéenne et soumis à deux saisons des pluies, les hommes qui vivent dans ce village sont généralement planteurs de cacao et de café. Les femmes assurent l’autosuffisance alimentaire de la famille tout au long de l’année. Le pays rural de Damé est constitué du village central mais aussi de nombreux campements satellites qui sont issus de l’expansion des cultures. En effet, l’extension des temps de marche pour rejoindre principalement les champs de cacao et de café a mené à la création de campements qui sont vite devenus des lieux de vie à part entière. 1 LEBLANC J.-M. et LEJONC G. 2002. Diversité ethnique et accès différentiel aux ressources en zone traditionnellement cacaoyère, les paysans du pays rural de Damé, Côte d’Ivoire. CNEARC / ENITAB |
B - Pratiques agricoles : cultures vivrières |
Afin de mieux comprendre l’alimentation à sa base, Kristell a accompagné les femmes dans des champs pour observer les pratiques agricoles vivrières. Le diagnostique agro-socio-économique réalisé à Damé en 2002 par deux étudiants du CNEARC et de l’ENITAB 1 a permis d’étayer les observations réalisées afin de présenter une vue d’ensemble des cultures pratiquées. L’occupation des sols a beaucoup évoluée dans la région depuis l’introduction des plantations de cacao et de café. En sus des cultures vivrières devant répondre à l’accroissement de la population, les friches, cultures de rente et nouvelles cultures ont entraîné, en soixante ans, une quasi disparition de la forêt.
Les cultures sont réalisées sur un mode d’abattis brûlis. Les feux, déclenchés en début de saison des pluies, permettent une mobilisation rapide de la fertilité. Le renouvellement de cette fertilité étant ensuite laissé aux bons soins de la nature par une période de friche forestière de longue durée (20 à 30 ans). La culture vivrière se fait sur de petites parcelles, quelques fois en monoculture (arachides, maïs ou manioc), mais principalement en cultures intercalaires sur des parcelles où l’on crée des buttes . La création de ces buttes requière un intense travail des hommes. Ce système permet un meilleure drainage ainsi que l’utilisation d’une terre plus riche, il facilite aussi la récolte des tubercules, manioc, taro et igname, qui sont à la base de l’alimentation.
Différents modes d’association de plantes sont mis en place sur les terres en fonction de leur situation. Les bas fonds sont utilisés pour la culture du riz et le maraîchage tandis que les terres plus éloignées des cours d’eau sont cultivées de façon à pourvoir aux besoins alimentaires de la famille. La première année ce sont les ignames, bananes plantain, taro, piments, gombos, tomates et aubergines qui sont semés ou plantés dans, ou entre, les buttes. On trouve donc dans chaque champ une certaine diversité d’aliments à consommer au repas du soir. La seconde année, il reste les bananes plantains et les taros, des pieds de cacao et/ou café sont alors plantés pour une occupation pérennes des sols. La cohabitation de ces plantes d’exportation ne se fait que durant les deux à trois années de culture vivrière, ensuite leur culture devient exclusive.
Manioc et igname sont deux tubercules de la base alimentaire dont la culture ne nécessite pas le même effort. Le manioc est nécessaire pour la préparation du foutou mais ses qualités gustatives sont moins appréciées. Cependant, il présente de nombreux avantages, globalement plus résistant, il ne demande pas, contrairement à l’igname, de réinvestir une partie de la récolte pour la prochaine plantation. En effet, c’est une partie non comestible, la tige, qui est plantée. L’igname demande plus de travail car il faut aussi réaliser un « treillis » permettant à la liane de s’étendre pour produire de plus gros tubercules. |
C - Une étude sur la nutrition des enfants |
L’étude sur la nutrition des enfants de 0 à 2 ans a été réalisée par deux étudiants du DESS « Nutrition et alimentation dans les pays en développement » encadrés par deux chercheurs (Sylvie Avallone et Serge Trèche) de l’Institut de Recherche pour le Développement de Montpellier. Ce stage avait pour objectif de dresser un bilan de l’état nutritionnel des enfants du village-centre de Damé, de connaître leurs pratiques alimentaires, et d’évaluer la qualité des aliments de compléments qu’ils consomment en période de sevrage. Cette étude a permis d’identifier des pistes d’amélioration des conditions nutritionnelles. Il est alors apparu que la prévalence d’enfants pesant moins de 2,5 kilos à la naissance (ce qui correspond à un faible poids de naissance) est de 22,5 %. Un retard de croissance a été observé chez 17 % des enfants enquêtés ce qui correspond à une malnutrition chronique basse. Cependant, 13,5 % des enfants présentaient un état de maigreur, cette malnutrition aiguë est donc préoccupante car elle dépasse grandement le seuil de tolérance de l’OMS fixé à 5%. Cela pourrait s’expliquer en partie par les pratiques alimentaires observées, telles qu’un allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois (comme le recommande l’OMS) inexistant, un nombre de repas journalier moyen insuffisant et la consommation d’aliments de complément de faible valeur nutritionnelle et peu acceptés par l’enfant. En interrogeant les mères, il a pu établir des liens entre le niveau socio-économique du ménage (revenu, niveau scolaire…) et les pratiques alimentaires (aliments les plus consommés, nombre d’aliments différents, argent dépensé pour l’alimentation de l’enfant). Bien que l’environnement immédiat de l’enfant semble relativement correct, l’indice économique du ménage a un impact important sur les prévalences de retards de croissance observés. Au contraire la maigreur touche toutes les classes. La seconde étude, réalisée par Hélène Pineau, visait à identifier et estimer la valeur et l’apport nutritionnel des aliments de complément (aliments consommés par l’enfant en période de sevrage).
En premier lieu, Hélène a utilisé une technique d’enquête appelée « rappel de 24 heures », c'est-à-dire que chaque mère d’un enfant de moins de 2 ans lui a décrit, en précisent bien les quantités, tout ce que l’enfant avait mangé la veille de l’enquête. Cela a permis de mettre en évidence une bonne variété dans les plats consommés. Les plus fréquents sont le riz gras (riz cuit avec beaucoup d’huile, quelques légumes et de petits bouts de poisson), le foutou (mélange de banane, igname ou taro avec du manioc) accompagné d’une sauce aubergine (faite à partir d’une espèce locale), d’une sauce arachide (à base de cacahuètes pilées) ou d’une sauce graine (à base de fruits de palme). Des calculs sur la composition des aliments ont permis de mettre en évidence l’importance de certains plats en terme d’apports en énergie, protéines, fer ou zinc (riz gras) ou encore de vitamine A (sauce graine de palme).
La présente étude (en milieu forestier de Côte d’Ivoire) a permis de faire une comparaison avec les résultats d’une enquête semblable réalisée au Burkina-Faso, en milieu sahélien (Brault, 2003). Dans le village de Damé les enfants ont un taux de couverture de leurs besoins en énergie, protéine et vitamine A (grâce aux mangues, à l’huile de palme (huile rouge) et aux sauces à base de feuilles) beaucoup plus élevé. Par contre, pour les minéraux les résultats sont aussi faibles. La suite de l’étude a portée sur les modes de préparation de certains plats fréquents et intéressants d’un point de vue nutritionnel, pour évaluer les variations en terme de proportions d’ingrédients utilisés, traitements thermiques, etc. Ces observations vont maintenant permettre de refaire ces recettes en laboratoire et ainsi d’évaluer l’effet des modalités de préparations sur les teneurs et la biodisponibilité des vitamines et minéraux dans un plat. Un mode de préparation optimisant ces teneurs pourrait alors être proposé.
Ces différents types d’enquêtes ont permis d’apporter les éléments nécessaire pour envisager maintenant de mettre en place un programme d’éducation nutritionnelle dans ce village, afin d’encourager la consommation des plats identifiés comme étant très intéressants en terme d’apport nutritionnel, ainsi que de conseiller les mères sur certaines pratiques alimentaires (pratiquer l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, donner un nombre de repas plus important aux jeunes enfants etc.).
Une partie annexe de la seconde étude s’est axée sur un aliment de complément très consommé : la bouillie. Les résultats portent à conclure que la plupart des bouillies, que l’on commence à donner aux jeunes enfants autour de 6 mois, (composées le plus souvent à base de farine de maïs et de sucre) ont une valeur nutritionnelle bien inférieure à ce qu’il faudrait pour assurer un apport suffisant, durant cette période critique de transition entre l’allaitement maternel exclusif et une alimentation plus variée. L’ensemble des étudiants et partenaires de ce projet proposent donc maintenant, en plus du programme d’éducation nutritionnelle, la mise en place d’une fabrique de farine infantile de bonne qualité nutritionnelle et accessible au plus grand nombre au sein du village. Ce projet aurait aussi pour avantage de créer une nouvelle activité économique.
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