Dossiers/Droit de l'UE

Mariage homo : une dynamique européenne ? (1/2)

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Les débats autour de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe… parfois intéressants, souvent échauffés et de plus en plus répétitifs ! Pour faire face à l’overdose de rhétorique qui menace de submerger toute personne intéressée par la question, je me suis dit : et si on regardait chez nos voisins? Que se passe-t-il à l’étranger ? Je ne souhaite pas donner d’arguments à qui que ce soit. Je préfère offrir un panorama des droits octroyés dans d’autres pays, principalement en Europe mais aussi dans le reste du monde. Je pense que cela peut permettre d’aborder ces questions de manière plus sereine.

Je me suis intéressé ici à la reconnaissance juridique des couples homosexuels à travers les unions civiles ou partenariats domestiques et le mariage. Je me pencherai dans un second article sur les problématiques concernant les enfants, qui sont soulevées par ces changements et très utilisées pour critiquer le projet français actuel : l’adoption, la procréation médicalement assistée (PMA), et les mères porteuses / gestation pour autrui (GPA).

Une dynamique mondiale originaire d’Europe ?

Il me semble que sur le continent européen est née une certaine dynamique concernant les couples homosexuels. C’est de cela que je souhaite rendre compte. La possibilité pour des homosexuels de contracter une union ou un partenariat est apparue au Danemark en 1989 ; celle de se marier aux Pays-Bas en 2001.

En prêtant attention aux dates et localisations géographiques des légalisations qui ont suivi, on peut conclure à une tendance à la légalisation. Pour aller plus loin, on peut parler d’une dynamique d’ouverture des droits des homosexuels, qui transcende d’ailleurs le domaine de la reconnaissance officielle du couple (mais ce n’est pas le sujet). Cette tendance est principalement visible dans le monde occidental mais a des « comptoirs » sur les cinq continents. Et oui, je me fous de l’Antarctique. Encore que les couples manchots gays adoptent, à Bremerhaven en Allemagne.

On peut aussi rappeler le rôle de certaines institutions européennes. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a, dans sa jurisprudence, affirmé que le fait de réserver le mariage aux couples de sexe opposé relevait du législateur national et ne constituait une discrimination ni au regard de la Charte Européenne des Droits de l’Homme ni d’aucun autre texte reconnu par la Cour. Par contre, le Parlement européen ( donc de UE) a été plus courageux en la matière.  Par une résolution de 1994, il demande aux États de mettre fin à « l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes » et recommande de « leur garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement des partenariats ». En 2001 puis 2002, le Parlement s’exprime pour la reconnaissance des relations non-maritales hétérosexuelles et homosexuelles. Puisque ce sont des recommandations et des rapports, les États ne sont pas contraints à quoi que ce soit.

droits homo

L’Union civile et le Partenariat domestique concernant tous les couples ou uniquement les couples de même sexe :

1989 : Danemark
1992 : État de Washington (USA)
1993 : Norvège
1995 : Suède
1996 : Hongrie
1997 : Argentine, Hawaï (USA)
1998 : Pays-Bas, Belgique, Catalogne (Espagne)
1999 : France
2000 : Californie, Vermont (USA)
2001 : Allemagne, Portugal
2002 : Finlande
2003 : Croatie
2004 : Maine (USA), Luxembourg, Brésil (partenariat domestique)
2005 : Royaume-Uni, Slovénie, Andorre, Connecticut (USA)
2006 : République Tchèque, Illinois et Rhode Island (USA)
2007 : Hongrie, Suisse, New Jersey (USA)
2008 : Oregon et Native American Coquille Nation (USA)
2009 : Wisconsin, Colorado, Nevada (USA)
2010 : Autriche, Finlande, Irlande, Luxembourg, Slovénie
2011 : Brésil (union civile)
2012 : Delaware (USA)

Au total, 27 États ont aujourd’hui institué une union civile ou un partenariat domestique pour les couples homosexuels, la plupart du temps sur tout leur territoire mais parfois seulement dans certaines parties, notamment aux USA, Canada et en Australie. D’autres ont ouvert le mariage aux couples homosexuels, remplaçant ainsi les dispositifs antérieures ou le plus souvent faisant fonctionner les deux en parallèle.

En effet, l’union civile peut répondre à deux demandes, séparément ou conjointement. D’un côté une reconnaissance juridique du couple moins contraignante, moins symbolique et moins religieuse que le mariage. C’est la conséquence de sociétés de plus en plus laïques et dont la conception du couple s’élargit à des relations moins institutionnalisées. Certains pays, comme la Suisse, ont d’abord ouvert des unions civiles uniquement aux couples hétérosexuels avant de les élargir aux homosexuels. D’un autre côté, il s’agit de répondre à une demande croissante des associations de défense des droits des homosexuels de reconnaissance des couples de même sexe.

Les unions civiles et les partenariats domestiques génèrent généralement des débats moins violents que le mariage. D’ailleurs, dans les pays n’ayant aucune disposition juridique prévue pour les couples de même sexe, ce sont souvent des alternatives proposées au mariage par ses opposants. Ils utilisent des propositions de ce type pour répondre aux accusations d’homophobie, réponses qui sont plus ou moins acceptées par les autres forces en présence. C’est le cas en France actuellement : beaucoup d’opposants au « Mariage pour tous » proposent d’améliorer le PACS. C’est aussi ce qu’ont revendiqué des partis politiques, notamment en Allemagne : permettre une union civile donnant les mêmes droits que le mariage afin de faire barrière aux promoteurs de l’ouverture du mariage.

La quantité de droits accordée par les unions et partenariats est variable. La Suède, en 1995, accorde les mêmes droits à ceux contractant un Registrerat partnerskap qu’aux mariés : responsabilité, avantages économiques, divorce, adoption… ainsi que la PMA dix ans après. Le mariage a été ouvert en 2009. A l’opposé, lorsqu’en 1989, le Danemark institue le Registreret partnerskab, l’adoption et la PMA ne font pas partie des droits octroyés. Seuls le sont les droits généraux et fiscaux. Le Danemark vient, en 2012, d’ouvrir le mariage aux homosexuels. On retrouve régulièrement ces schémas : certains pays instituent l’union civile comme quasi-équivalent du mariage, d’autres en tant que reconnaissance du couple ou encore comme possibilité générale pour deux personnes de mettre certaines choses en commun.

Le mariage pour les couples de même sexe :

2001 : Pays-Bas
2003 : Belgique, Ontario et Colombie Britannique (Canada)
2004 : Massachusetts (USA) et Québec, Yukon, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador (Canada)
2005 : Espagne, Canada (partout)
2006 : Afrique du Sud, reconnaissance des mariages célébrés à l’étranger par Israël
2008 : le Connecticut (USA)
2009 : Iowa et Vermont (USA), District Fédéral de Mexico, Norvège, Suède, reconnaissance des mariages célébrés à l’étranger par le Japon
2010 : New Hampshire (USA), Portugal, Islande, Argentine, Venezuela
2011 : État de New York (USA), Quintana Roo (Mexique)
2012 : États de Washington, Washington district de Columbia, du Maine et Hawaï (USA), Danemark, États de Bahia, Piaui et São Paulo (Brésil), Uruguay

Prévisions 2013 : São Paulo (Brésil), Maryland et Rhode Island (USA), Royaume-Uni, France, Nouvelle-Zélande, Népal

Au total, 13 pays ont déjà marié des couples de lesbiennes et de gays. Au USA, Mexique, Australie et Brésil, le mariage n’est ouvert aux personnes homosexuelles qu’à certains endroits. Le Brésil est dans une situation particulière : la Cour Suprême l’a autorisé pour tout le territoire en 2011 mais seuls certains États fédérés ont pris les dispositions d’application de cette décision. Au Népal, le mariage est garanti par la constitution suite à une décision de la cour suprême mais la constitution est encore en ré-écriture. En Israël, la Cour Suprême a reconnu 5 mariages contractés à l’étranger. Le Japon recommande à ses nationaux d’aller se marier à l’étranger et propose de leur fournir des certificats pour faciliter les démarches.

Le mariage a pu être légalisé de trois façons différentes. En général cela s’est fait par une loi du parlement. Mais parfois aussi par une décision de justice, qui ouvre directement le mariage ou oblige le législateur à l’ouvrir ou à se prononcer. Par ailleurs, aux USA, en même temps que la ré-élection de Barack Obama, trois États se sont prononcés en faveur du mariage homo par référendum : le Maine, le Maryland et l’État de Washington.

Quand aux controverses et oppositions suscitées par les projets d’ouverture du mariage aux couples homosexuels, et notamment celles soulevées par la religion chrétienne, un article du Figaro reprend rapidement le cas des 6 pays européens, ici.

Un phénomène aussi inexorable que la mondialisation ?

J’observe dans la chronologie des évolutions citées plus haut une tendance est à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, tendance qui va en se renforçant. Je dirais même plus, il y a là une véritable lame de fond qui emporte de plus en plus de réticences dans un nombre croissant de pays.

On peut même déjà spéculer sur la répartition géographique des évolutions futures et les caractéristiques des pays concernés par ces changements. On observe en effet déjà une forte concentration d’États légalisant le mariage homosexuel en Europe du Nord, de l’Ouest et du Sud et sur le continent américain à la fois au Nord et au Sud. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont aussi pris cette direction. En Asie, seul le Népal est fermement engagé dans cette voie et sur le continent Africain, seul l’Afrique du Sud a légalisé le mariage homosexuel.

On voit donc bien que tous les continents sont touchés, mais avec une fracture bien visible selon le degré d’« occidentalisation » : l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient sont les moins concernés. On peut aussi faire des distinctions moins claires selon les religions ou le niveau de sécularisation : pas de séparation entre l’Église protestante et l’État Danois, population plutôt croyante au Portugal, hindouisme au Népal. Par contre, on peut voir l’absence de changements dans les États où la religion a une forte importance dans la définition des mœurs, le jeu politique et la conduite des affaires de l’État. Par exemple, aucun pays orthodoxe ou musulman ne reconnait encore de droits aux couples homosexuels (pourtant l’Albanie s’y intéresse) et la situation en Israël est ambivalente.

Des différenciations très claires apparaissent entre régimes dits autoritaires et régimes supposés démocratiques. L’ouverture ne s’est faite que dans des États généralement considérés comme revendiquant avec succès le modèle démocratique. Il me semble aussi que la reconnaissance juridique des couples homosexuels a tendance à se manifester dans des régions du monde ayant pu tirer leur épingle du jeu de la mondialisation. Bref, il y a une multitude de points d’analyse et de pistes de recherche, mais au lieux de tomber dans des platitudes sans intérêt, retrouvons-nous avec le prochain article sur l’adoption, la PMA et la GPA !

Jean-Noël Geist

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