La rédaction

"Des viols correctifs pour soigner l'homosexualité"

En Afrique du Sud, les lesbiennes sont persécutées. Témoignages de joueuses de football, venues en France pour la marche des Fiertés.

Deux jours avant leur départ pour Paris, les joueuses de l’équipe lesbienne du Thokozani Football Club (TFC) ont encore vécu la perte d’une amie violée et assassinée. Trois rescapées nous livrent leur émouvant témoignage. « J’avais à peine 11 ans quand ma mère m’a mise dehors, confie Ntando Ntuli, je n’avais pas conscience d’être homosexuelle mais, pour ma famille, j’étais déjà trop masculine, je ne comprenais pas cet abandon. J’ai vécu trois ans à la rue avant d’être recueillie par une amie. Plus tard j’ai voulu être sélectionnée comme athlète et le fait d’être lesbienne ferme les portes, les entraîneurs ne veulent pas de nous. » Une hostilité et une discrimination que ces jeunes femmes rencontrent à chaque étape de leur vie, les privant d'éducation et d'emploi.

« Nous sommes des cibles »

« Nous trouvons dans les organisations de femmes lesbiennes une autre famille, témoigne Akona Ntsaluba, mais nous ne sommes en sécurité nulle part, nous sommes des cibles. Si l’on porte plainte pour viol à la police, on nous répond qu’il n’est pas possible de nous violer puisque nous sommes des hommes. Il n’y a pas de justice, c’est l’impunité.» La plupart des ces jeunes filles ne trouvent de l’aide que par des associations de militantes des droits des femmes et des homosexuelles telle que le TFC fondé par l’artiste-photographe Zanele Muholi. 

Expo photos de Zanale Muholi. Cette artiste photographe sud-africaine Zanele Muholi de réputation internationale expose ses œuvres jusqu’au 13 juillet à l’Espace Canopy, à Paris 18e. Cette militante des droits des femmes et des homosexuelles en Afrique du Sud a également créé le Thokozani Football Club en hommage à Thokozani Qwabé, jeune footballeuse assassinée en 2007 à cause de son homosexualité. 

Bien que l’Afrique du Sud se soit dotée, après l’accession au pouvoir de Nelson Mandela, de la constitution la plus avancée au monde en termes de lutte contre toute discrimination, les mentalités n’évoluent guère.

Même si le mariage homosexuel est légalisé depuis 2006, l’homosexualité féminine est traditionnellement considérée comme une tare que les hommes doivent « soigner », en particulier dans la communauté noire.

Les viols commis contre les lesbiennes sont appelés « viols correctifs ». Les violeurs visent à « punir » les lesbiennes, ainsi qu’à les « soigner » en leur imposant des pratiques hétérosexuelles, censées faire d’elles de « vraies femmes ». Dans la culture sud-africaine, la présence d’une lesbienne représente un affront absolu à la conception que les hommes ont de leur masculinité. Rien que dans la ville du Cap, on compte 10 « viols correctifs » par semaine à l’encontre des homosexuelles, ainsi que de nombreux meurtres. Parfois, il arrive même que les enfants de femmes homosexuelles soient violés en raison des préférences sexuelles de leur mère.

Des violences accrues dans les townships

« Nous sommes soumises à la domination des hommes, explique avec émotion Ungile Harmony Cele, d’abord en tant que femmes, noires, pauvres et surtout lesbiennes. L’écart entre les discours du gouvernement et les actions concrètes dans les townships sont énormes. » Invitée par lesdegommeusesatgmail [dot] com (l'association parisienne Les Dégommeuses) du 22 au 30 juin, la délégation du Thokozani Football Club a participé via Foot For Love à une semaine d’action de débats citoyens autour de la question des violences et des discriminations homophobes.

Une première et un formidable espoir pour ces jeunes femmes vivant dans les townships (anciens ghettos réservés aux noirs durant l’apartheid) du Kwa-Zulu Natal, qui se caractérisent toujours par une grande pauvreté, une faible éducation et une grande exposition des femmes et tout particulièrement des homosexuel(le)s à la violence et aux crimes de haine. « Durant l’apartheid, explique Zanele Muholi, l’aide est venue de la pression internationale, nous espérons en venant à Paris qu’à travers des événements sportifs et culturels, une solidarité internationale se manifeste contre ces crimes de haine. » Une solidarité que Cécile Chartrain, des Dégommeuses, entend bien faire grandir.

 

Association Les Dégommeuses : lesdegommeusesatgmail [dot] com