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Schizophrénie et dangerosité, encore trop d’idées reçues


[hopital.fr] « L’écrasante majorité des homicides n’est pas commise par des malades mentaux », martèlent les docteurs Goetz et Kempf, psychiatres aux Hospices civils de Colmar, dans le service de psychiatrie pour adultes, et experts pénaux. Une position loin des idées reçues qui permet d’interroger les notions de dangerosité et de maladie mentale.

L’affaire dite « de Pau » où un ancien patient schizophrène avait tué deux soignantes a laissé des traces dans les mémoires. Elle a aussi produit dans les esprits un amalgame entre les schizophrènes et les psychopathes.

Le schizophrène, un malade mental, pas un psychopathe

La schizophrénie, pour simplifier, est une psychose caractérisée par l’existence d’un délire (hallucination auditive et/ou visuelle) et d’une dissociation (désorganisation) de la pensée, des affects et du comportement. Cette pathologie touche 1 % de la population française soit entre 500 et 600 000 personnes.

« Ces dernières n’ont rien à voir avec les auteurs d’homicides qui sont soit des « non malades mentaux » qui basculent dans la violence soit des psychopathes, c’est-à-dire des personnes présentant un trouble de la personnalité antisociale », expliquent les deux psychiatres.

Faut-il en conclure pour autant que les schizophrènes ne sont pas des patients dangereux ? « 5 à 10 % des schizophrènes commettent des violences mais plutôt au domicile, au sein de la cellule familiale. Sont concernés des malades qui ne prennent pas ou plus leur traitement, sont marginalisés par leur conduites addictives (alcoolisme ou toxicomanie) », rapporte le Dr Kempf.

Deux formes de dangerosité pénale

Avant d’ajouter : « Le distinguo entre maladie mentale et trouble de la personnalité est important sur le plan juridique en matière de responsabilité pénale. Pour faire simple : si la dangerosité est d’ordre psychiatrique, liée à un des symptômes d’une maladie mentale, le meurtrier sera déclaré irresponsable et interné ; si la dangerosité est d’ordre criminologique, le meurtrier sera déclaré responsable de ses actes et placé en détention », résume le Dr Goetz.

Un exemple d’actualité concerne Ander Behring Breivik, l’homme qui a tué de nombreux civils en juillet 2011 à Oslo.  Son cas suscite des débats contradictoires auprès des experts judiciaires norvégiens puisqu’il a, dans un premier temps, été déclaré malade mental avant qu’une contre-expertise conclut à sa pleine possession de son discernement au moment des faits.

Un sujet relativement peu abordé : le suicide et la schizophrénie

Si est souvent évoquée la question de l’hétéro-agressivité des schizophrènes, l’impasse est souvent faite sur celle de leur auto-agressivité. Pourtant, « en raison de son vécu très angoissant, voire terrifiant, près de la moitié de la population française des schizophrènes fait au moins un passage à l’acte suicidaire et 10 à 15 % des schizophrènes décèdent par suicide, commente le Dr Goetz, pour qui « il ne faut pas s’intéresser aux maladies mentales uniquement lorsqu’il y perturbation de l’ordre public ».  

Pour le Dr Kempf, la vraie question à se poser concernant la potentielle dangerosité des malades mentaux est celle des moyens. « Les schizophrènes les plus difficiles à stabiliser nécessitent – pour les autres mais aussi pour eux-mêmes – une hospitalisation longue ». Il plaide également pour « un suivi renforcé » dans la mesure où les passages à l’acte agressifs ont lieu, le plus souvent, peu après les sorties ou quand les sorties se font trop rapidement.  « Nous avons besoin de moyens plus importants pour mettre en place ce suivi renforcé», clament les deux praticiens hospitaliers.

Pour en savoir plus, retrouvez notre dossier sur la schizophrénie.



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