#La Revue réformée » Flux La Revue réformée » Flux des commentaires Sommaire N° 214 – 2001/4 – NOVEMBRE 2001 – TOME LII Richesse et pauvreté dans la Bible La Revue réformée La revue de théologie de la Faculté Jean Calvin Aller au contenu * Accueil * Index des auteurs * Index des numéros * Mentions légales Le chrétien à l’épreuve de l’argent Le chrétien à l’épreuve de l’argent Réflexions éthiques et bibliques [1] Michel JOHNER* L’argent est sans doute un des symboles les plus représentatifs de la société moderne, suscitant à la fois fascination et aversion. L’argent est vecteur de prestige et conserve en même temps un parfum de péché et de scandale. De nombreux penseurs (sociologues, anthropologues) ont démontré comment la «monétarisation de la vie sociale»a participé activement à l’émergence du monde dans lequel nous vivons, comme aussi à la «pétrification des rapports sociaux». Interrogations contemporaines diverses Dans la réflexion contemporaine, nombreuses sont les interrogations éthiques qui touchent à notre rapport à l’argent. – Le passage à l’euro, par exemple, va contraindre à l’apprentissage d’un nouveau code monétaire et à la reconstruction d’une mémoire des prix, déterminant aussi concrètement les comportements de dépenses. – Le succès de la carte bancaire est l’aboutissement d’un processus de dématérialisation de l’argent qui n’est pas non plus sans conséquences sur les pratiques et les représentations de l’argent. Beaucoup parlent de l’incitation à la dépense ou à l’endettement que constitue la carte bancaire. La carte serait une invitation continue, voire une injonction à consommer librement et à dépenser ce que l’on n’a pas. Elle procurerait un sentiment de légèreté et de placidité qui lève un certain nombre d’inhibitions dans les mécanismes de décision. D’autres, comme le sociologue Aldo J. Haesler, parlent plus profondément de «la dissolution de la conception réciprocitaire de l’échange» induite par la carte bancaire, et qui représente, selon lui, une véritable révolution anthropologique [2] . Paradoxalement, avec la carte bancaire (comme précédemment avec le chèque), on assiste également à une «repersonnalisation de la transaction» qui rompt avec l’anonymat des transactions en espèces (la monnaie fiduciaire). L’argent liquide, dès lors, reste la monnaie des opérations frauduleuses. L’argent liquide est le meilleur moyen pour garder l’anonymat. – L’extension et le succès de la Bourse ont fait grandir, dans la modernité, l’idée d’«une déconnexion possible entre l’enrichissement et le travail» (l’idée fantasmatique de pouvoir s’enrichir sans travailler). Au travers de la Bourse émergent également des masses financières considérables qui migrent, de par le globe, comme des vols d’étourneaux, sans jamais s’attacher ou se solidariser au sort des personnes dont elle tire cependant profit. D’où le développement d’un affairisme international qui pourrait ignorer les réalités humaines de la production, de la consommation et de la vie quotidienne dont il entend néanmoins profiter. Suivre la moindre évolution «en temps réel» et céder à la pression de l’analyse instantanée des événements dans le monde économique, c’est aussi privilégier la réflexion à court terme. La violence de la Bourse est en grande partie imputable à un «excès de vitesse décisionnelle», à laquelle l’informatisation contribue largement. – La mondialisation (comme abaissement des frontières douanières et uniformisation des règles d’échanges), dans laquelle ses partisans saluent une formidable liberté en expansion, et ses adversaires dénoncent une stratégie de conquête présentant une menace grave pour l’avenir de l’humanité (sorte de néocolonialisme). La chute spectaculaire des régimes communistes (dont celle de l’empire soviétique en 1991) a largement contribué à répandre l’idée qu’il ne peut y avoir d’autre système économique que celui de l’économie de marché, et a considérablement anesthésié la conscience occidentale sur les revers possibles du libéralisme économique. Beaucoup s’opposent