#REGARD » Flux REGARD » Flux des commentaires REGARD » Le pouvoir de l’argent Flux des commentaires * PageLines- regard_logo_w3.png * Présentation * Titres * Abonnement * Archives * Partenaires * Contact * * + ____________________  + Fermer REGARD RSS Facebook Le pouvoir de l’argent Articles, Regard numéro 65, 15 mai - 15 juillet 2014 [Copy-of-Mediafax.jpg?1ef2a6] Il est présent partout, dans la rue, les conversations... En l'espace d'une génération, l'argent est devenu le maître-mot en Roumanie, et le maître tout court. Son emprise est totale sur une bonne partie de la population. Décembre 1989. Nicolae Ceauşescu vient d'être écarté du pouvoir. Une multitude furieuse et curieuse arrive chez lui, dans son palais du quartier Primăverii situé au nord de Bucarest. A l'intérieur, les insurgés sont ébahis. Ce qu'ils y trouvent, rapportés par la télévision publique libérée, va désemparer tout un peuple, le clouer de stupéfaction et de colère : piscine, sauna, solarium, un luxe inimaginable du niveau des résidences de la série américaine "Dallas", très populaire à l'époque. Mosaïques et chandeliers sur mesure, il y avait même un canapé spécial pour les deux labradors du couple. Et comble de cette opulence : la robinetterie de la salle de bains, tout en or. Le choc est terrible pour une population qui, notamment dans les années 1980, survit dans des appartements standardisés comme des boîtes d'allumettes, sans chauffage ni électricité pendant une bonne partie de la journée, et qui trouve de quoi s'alimenter grâce à de modestes lopins de terre, les supermarchés étant plutôt de vastes entrepôts vides. Ce que les Roumains imaginaient s'est soudain confirmé : alors qu'ils souffraient et étaient privés de tout, sous le prétexte qu'il fallait d'abord payer la dette externe du pays, la famille dictatoriale vivait dans un confort digne des plus grandes fortunes mondiales. « La population savait que le couple Ceauşescu ne logeait pas dans un bloc tout gris, qu'il était privilégié et ne subissait pas un quotidien de ressources limitées. Mais de voir la réalité de leur vie fastueuse a d'une certaine façon permis de justifier les excès de certains durant les années post-révolutionnaires », explique le sociologue Ciprian Necula. Le mythe de l'égalité entre tous, au centre de la propagande communiste pendant des décennies, allait être éradiqué de façon brutale. « Tout au long des années 1990, dans cette persévérance et cet acharnement pour détruire les valeurs du communisme, l'idée de reconnaissance professionnelle a été complètement diluée. La seule reconnaissance et le seul prestige, c'était et cela reste l'argent », ajoute la sociologue Ana Bulai. Tout s'est renversé ; la doctrine communiste qui louait le travail ouvrier, celui des mineurs, des mécaniciens, des agriculteurs, était devenue obsolète, tous ces métiers sont devenus misérables du jour au lendemain... « Alors que les affairistes, les intermédiaires, ceux qui étaient précisément blâmés sous le communisme, allaient bénéficier d'un prestige social renouvelé. La fortune de la plupart des nouveaux riches de ce pays n'est pas le fruit d'un travail productif, mais de trafics, d'échanges, de relations. Grâce à elle, ils se sont non seulement construits un statut social, mais continuent de tenir les rênes du pouvoir », poursuit Ana Bulai. « La population savait que le couple Ceauşescu était privilégié (…). Mais de voir la réalité de leur vie fastueuse a d'une certaine façon permis de justifier les excès de certains durant les années post-révolutionnaires » D'un autre côté, cet engouement pour l'argent, l' « avoir privé », ne serait pas le seul fait du démantèlement du régime communiste. Lors d'une conférence sur l'identité roumaine tenue au centre Saint Pierre Saint André de Bucarest début avril, l'anthropologue Vintilǎ Mihǎilescu explique que la société roumaine est depuis des siècles d'abord et avant tout une « société paysanne ». Avec une particularité : « La propriété individuelle est un concept qui n'a jamais pu mûrir, soutient l'anthropologue. (…) Générations après générations, les terres étaient partagées au sein de la famille, référence absolue. Le paysan roumain n'a donc jamais été libre. » Ce qui explique aussi, et peut-être de façon plus fondamentale, cette frénésie pour l'argent et l'obtention de biens à l'échelle strictement individuelle. Même si le propos demande