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L’argent, une formidable invention

Paradoxalement, l'argent tempère les rapports entre les individus. Il représente une avancée de civilisation qu’il s’agit de protéger, explique la psychanalyste Ilana Reiss-Schimmel, auteure de La Psychanalyse et l’argent.

Entre l’homme et l’argent, c’est une vieille histoire pleine de passion. Amour, convoitise, mais aussi haine et mépris. Quel autre objet suscite autant d’ambivalence ? Aucun sans doute. Il fait pleinement partie de notre quotidien : gagner sa vie, c’est gagner de l’argent. Pourtant, rien de simple dans la relation que nous entretenons avec lui : si la société de consommation le vénère, les religions le fustigent.  L’argent est-il Dieu, est-il le Diable ? Sans le condamner ni l’idolâtrer, la psychanalyse apporte un éclairage inédit sur les sentiments qu’il suscite. Et si elle a son mot à dire, c’est que l’argent est aussi – et peut-être, surtout – le support de fantasmes inconscients ou qui datent des premiers mois de notre vie. " Comprendre les relations qui nous lient avec l’argent, c’est comprendre l’homme ", déclare la psychanalyste Ilana Reiss-Schimmel, dans “la Psychanalyse et l’argent” (Odile Jacob), le meilleur ouvrage sur le sujet paru ces dernières années.

Psychologies : Pourquoi aimons-nous autant l’argent ?

Ilana Reiss-Schimmel : Le domaine de l’avoir est celui par lequel nous nous ancrons dans l’existence. Le nourrisson ne s’interroge pas sur son être, il évolue dans la sphère de l’avoir : avoir faim, soif, ou souffrir du manque, de l’absence de sa mère. A l’âge adulte, cette problématique se déplace sur l’argent, représentant par excellence du domaine de l’avoir. En fait, au-delà de sa fonction rationnelle d’instrument de mesure, de moyen d’échange, l’argent possède des significations inconscientes pour chacun de nous. On ne comprend des comportements tels que l’avarice pathologique ou le besoin de thésauriser qu’en se référant à certaines peurs de manquer vécues dans la petite enfance. Pour une part, notre relation à l’argent est animée par des fantasmes élaborés lors des phases orales et anales du développement psycho-affectif.

Freud a surtout théorisé le rapport entre l’argent et le stade anal, mais ce dernier n’explique pas tout.

En effet, au stade oral, phase la plus primaire du développement, le nourrisson se sent particulièrement démuni et impuissant. Sa dépendance le conduit à rêver d’un " sein " inépuisable, pourvoyeur permanent de lait, qui lui permettrait d’échapper au manque. Le paradis en quelque sorte. Ce type de fantasmes oraux se retrouve chez les gens qui courent après l’argent ou veulent brasser des sommes gigantesques. Dans l’inconscient, l’argent est pour eux l’équivalent d’un sein toujours à disposition. En ce qui concerne l’avare qui, lui, retient son argent, il ressemble plutôt au jeune enfant dont la rétention obstinée, lorsque sa mère l’assoit sur le pot, le protège contre la menace imaginaire d’être complètement vidé de sa substance.

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