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Atlantico : En envoyant l'armée russe en Ukraine, Poutine n'a pas hésité à mettre en danger les relations internationales qui le lient à l'Occident. Comment expliquer cette décision unilatérale ? Poutine n'a-t-il plus peur de l'Ouest ?
Alexandre Melnik : Poutine n’a pas peur de l’Occident, car son logiciel mental, qui date de la guerre froide, est exclusivement formaté en termes de rapports de force. Aujourd’hui, il pense que la force est du côté de son pays, dont la croissance économique est dopée par les exportations de gaz et de pétrole, alors que les principales composantes du monde occidental sont en proie à une profonde crise : les Etats-Unis sont ruinés par leurs coûteuses aventures en Afghanistan et en Irak, et d’une façon plus générale, ils "pivotent" de l’Atlantique au Pacifique, et l’Union européenne, à bout de souffle, est incapable de générer son "hard power".
Dans ce contexte, n’ayant aucune limite extérieure (et aussi – sans aucune opposition à l’intérieur de son pays), il se croit tout permis, en s’autorisant les actions unilatérales qu’il échafaude méthodiquement, quasiment en solitaire, selon un mode de pensée et des schémas géopolitiques des années 1970-début 80. Car son horloge mentale s’est arrêtée à cette période de sa formation d’un agent du KGB, qui percevait le monde à travers la confrontation Est – Ouest, dont la quintessence se résumait au choc frontal entre l’URSS et les Etats-Unis.
En quoi le pouvoir de Vladimir Poutine se renforce à mesure que l'influence des Etats-Unis s'affaiblit ?
Malgré le changement de monde que vit actuellement l’Humanité, dans son indissociable ensemble, les Etats-Unis restent, dans l’imaginaire de Poutine, un point de fixation psychologique, le véritable antre de l’ennemi héréditaire. La racine du mal. C’est pourquoi, dans la continuité logique de cette vision atavique du monde du XXIe siècle, sur lequel il extrapole les critères d’une époque révolue, Poutine considère les relations entre la Russie et les Etats-Unis comme un jeu à somme nulle ("zero sum game"), sur le modèle "gagnant – perdant", où la victoire de l’un ne saurait être obtenue qu’au prix de la défaite de l’autre. Il constate, à juste titre d’ailleurs, que les Etats-Unis, sous la direction de Barack Obama, opèrent un reflux tous azimuts sur l’arène internationale, sous le prétexte de leur nouvelle doctrine : "leadership from behind". Aux yeux de Poutine, cette innovation géopolitique n’est qu’un pitoyable simulacre destiné à masquer la vacuité conceptuelle de Washington, et surtout – le manque de leviers réels dont disposent aujourd’hui les Américains pour peser sur la marche du monde, qui devient de plus en plus multipolaire et polycentrique. Se mesurant toujours aux Américains, et seulement aux Américains, dans son imaginaire "mano à mano" avec eux, Poutine n’hésite pas à exploiter ce qu’il considère comme la faiblesse de son adversaire, comme un boxeur sur le ring, et s’engouffre dans la brèche, pour pousser ses pions sur l’échiquier géopolitique, dès que la moindre occasion se présente – en Syrie, en Egypte, en Iran et , en ce moment-là, en Ukraine.
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