Il y a quelques semaines, une mère d’origine syrienne et sa petite fille âgée de deux ans ont trouvé la mort en mer Méditerranée. Hier, les corps des deux réfugiées ont pu être inhumés dans le cimetière musulman de Gatow, à Berlin. Enterrement organisé par le groupe d’artistes ZPS (« Centre pour la beauté politique ») et qui n’est pas du goût de tout le monde…

En effet, le groupe avait eu la délicatesse d’inviter, tout en les pointant directement du doigt, trente-neuf personnalités, dont la chancelière, Angela Merkel, et le ministre de l’intérieur allemand, Thomas de Maizière. Finalement, aucun des convives n’était présent. En même temps, l’opération avait justement comme objectif de dénoncer la politique migratoire de l’Union européenne : « Nous les (les cadavres) présentons à leurs meurtriers bureaucratiques sous les yeux de l’opinion publique européenne. » (vidéo de campagne). On imagine donc la gêne qu’aurait pu ressentir la chancelière allemande si elle avait répondu présente à l’enterrement, dont le ZPS l’accuse sans aucun doute d’être une des grands responsables.

Enterrement coup de poing 

Le groupe d’artistes avait organisé l’enterrement dans les règles de l’art ; des employés des pompes funèbres et un imam étaient là pour entourer les cercueils des deux noyées syriennes. Plusieurs policiers étaient également présents afin de contrôler d’éventuels tumultes. C’est notamment grâce à l’appel au dons lancé sur la plateforme Indiegogo que le groupe a pu récolter près de 32 500 euros pour cette opération. 

Mais le collectif s’était déjà fait connaître récemment, lors de la commémoration des 25 ans de la chute du mur de Berlin, en novembre 2014. Peu de temps avant une des célébrations, des militants ZPS avaient subtilement dérobé des croix fixées dans le cœur de la ville de Berlin, en souvenir de citoyens allemands de l’Est du pays, morts en essayant de passer la frontière pour se diriger vers l’Ouest. Comme par hasard, les croix disparues avaient subitement réapparues quelques jours plus tard, aux frontières de l’Europe, endroit stratégique où des réfugiés de Syrie ou d’Afrique meurent en tentant de sauver leur peau, loin de la misère.

C’est donc presque sans surprise que l’on retrouve le groupe d’artistes allemands, cette fois-ci pour une opération encore moins discrète et, qu’ils souhaitent, fera parler d’elle… Ce dont on est sûr, c’est qu’ils n’ont pas fait les choses à moitié. Premièrement, ils ont choisi une date non sans équivoque puisque l’enterrement de la femme syrienne et de sa petite fille a eu lieu quatre jours avant la Journée mondiale des réfugiés. Aussi, ils prévoient de débuter cette manifestation dimanche à 14h par la « marche des déterminés » ; marche qui sera ouverte par une pelleteuse, afin d’amener les tombes des réfugiées devant la chancellerie allemande à Berlin. On vous laisse visionner le clip de la campagne. 

Berlin: symbole de la politique migratoire européenne

Deuxièmement, le fait de commémorer la mort de deux migrantes à Berlin prend une valeur évocatrice quand on sait que l’Allemagne est souvent considérée comme le « centre de l’Europe », et donc le point de chute pour de nombreux migrants. Dimanche 21 juin, le jardin de la chancellerie deviendra un mémorial pour tous ces immigrés qui avaient eu le malheur de croire en une vie meilleure. Le but de cette opération : dénoncer non pas les passeurs mais « les responsables politiques européens qui ont contraint cette femme à prendre le bateau », affirme sans hésitation le responsable du collectif, Stefan Pelzer.

Bien que ZPS s’est servi de la mort de cette femme et de son enfant pour se faire entendre, le groupe refuse de donner l’identité de la femme afin de ne pas mettre en danger la vie de son mari et de ses trois autres enfants, que ce dernier a réussi à sauver de justesse. Ces rescapés ont été autorisés à se réfugier en Allemagne tout en étant interdits de se rendre à l’enterrement de la mère et de la petite fille.

Stefen Pelzer raconte être allé chercher les deux corps sur l’île italienne de Lampedusa et avoir été extrêmement choqué et inquiet des conditions de vie dans lesquelles les cadavres des migrants y étaient entreposés, à l’intérieur de chambres froides. D’après l’Organisation internationale pour les migrations, par rapport à l’année dernière, on compte aujourd’hui trente fois plus de migrants ayant perdu la vie en mer Méditerranée. Eh oui, elle est belle la politique!