Stress et laisse électronique

Par Bernard Salengro, secrétaire national CFE-CGC 
en charge de la santé au travail.
Bernard Salengro
Lundi, 17 Janvier, 2011
L'Humanité

« Quand il tire 
sur la laisse, votre employeur vous doit une compensation. »

Selon la dernière édition du baromètre du stress, 
de la CFE-CGC, le niveau de stress de l’encadrement n’a jamais été si élevé depuis que ce sondage est réalisé. On constate une augmentation de la fréquence des symptômes de stress, qu’il s’agisse des douleurs lombaires en rapport avec le travail, du désir de quitter son travail, 
du désir de retraite anticipée ou de la tendance à consulter un psy. Plus des deux tiers des cadres interrogés évoquent des troubles du sommeil en rapport avec 
le travail, un quart d’entre eux mentionnent des difficultés conjugales liées à leur travail, évoquant même pour 
6 % d’entre eux des idées suicidaires. Malgré ces malaises suscités par leurs conditions de travail, 78 % des cadres interrogés estiment que l’entreprise ne s’en préoccupe pas !

À l’occasion du dernier sondage, un point particulier a été exploré : l’usage des outils de communication. La question a été posée : avez-vous le sentiment de pouvoir vous déconnecter ? Les réponses sont troublantes : pour 70 %, c’est évident en congé, mais en week-end ils ne sont plus que 64 %, et en soirée 58 %, à avoir le sentiment qu’ils peuvent se déconnecter ! Ils reconnaissent à plus de 80 % que les délais de réponse attendus avec ces outils sont très courts et que cela accroît fortement le volume de travail.

On ne s’étonnera pas qu’en un an le pourcentage d’employeurs qui offrent un smartphone ait grimpé de 16 %. Cadeau désintéressé ? On constate également un taux 
de 70 % d’entre eux pour qui l’entreprise a offert l’accès au réseau à distance ! Incontestablement, on a là une explication aux cas de « workaholisme » de plus en plus souvent rencontrés. Le workaholique est centré, voire obsédé par son travail qui occupe toute sa vie ; 
la décompensation de ces gros travailleurs apparaît 
d’une façon ou d’une autre sans coup férir.

Faudra-t-il, comme cela se fait aux États-Unis, intenter une action en justice pour réclamer les heures supplémentaires ainsi produites ? Ces merveilleuses machines disposent en effet de mémoires électroniques sur lesquelles on peut s’appuyer pour étayer sa plainte, et comme le dit un avocat de salariés américains, maître Geiger : « Quand il tire sur la laisse, votre employeur vous doit une compensation. »

Les nouveaux outils que sont l’ordinateur et les outils de communication à distance modifient complètement les situations de travail. Non seulement par cette laisse électronique qui expulse les moments de respiration dans le travail et envahit la vie privée, mais également par tous ces merveilleux logiciels (type ERP, experts, SAP et autres) qui imposent leur rythme et leur procédure. Ne serions-nous pas dans une phase d’industrialisation du travail tertiaire analogue à la phase d’industrialisation qui a vu les artisans manuels se retrouver rivés à la chaîne de montage chez Ford ou Citroën, désespérés de ne plus avoir le plaisir de leur œuvre ! C’est dire si, face à cette révolution du travail, 
des outils de prévention sont nécessaires, permettant 
de rendre visibles et de réguler ces difficultés, en particulier par une réforme de la santé au travail. Cette instance 
est la seule qui soit restée à la main des employeurs, 
les autres institutions (branche accidents du travail-maladies professionnelles, INRS, Eurogip, Anact, OPPBTP) bénéficient d’un contrôle par une gestion où les représentants 
des salariés sont en situation d’orienter et de contrôler les activités. Pour que cette organisation soit réellement protectrice de la santé des salariés, il faut une indépendance de ses acteurs (médecins du travail, IPRP) garantissant que leurs actions sont réellement au profit des salariés. 
C’est l’enjeu d’une gouvernance au minimum réellement paritaire qui, seule, permettrait un fonctionnement transparent en rapport avec les objectifs affichés. 
C’est tout l’enjeu de la prochaine réforme que va voter prochainement votre parlementaire.

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