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    Miracle

    «Sully», patriotisme de haut vol

    Par Olivier Lamm

    Clint Eastwood interroge l’héroïsme du pilote du vol 1549 qui parvint à éviter une catastrophe aérienne.

    «Sully» Sullenberger (Tom Hanks), l’aviateur qui secourut à temps ses 155 passagers.
    «Sully» Sullenberger (Tom Hanks), l’aviateur qui secourut à temps ses 155 passagers. Photo Keith Bernstein. Warner Bros

    Le 15 janvier 2009, rien ni personne n’a défailli aux Etats-Unis. Même quand une nuée d’oiseaux a détruit les deux moteurs de l’Airbus A 320 du vol US Airways 1549 qui venait de décoller de l’aéroport de LaGuardia et menaçait New York d’une réplique - accidentelle, cette fois - du 11 Septembre, hommes, institutions et infrastructures ont manœuvré et collaboré au summum de ce que leur fonction leur permettait. Un héros ordinaire digne de l’Homme de la rue de Frank Capra ou de Charles Lindbergh, surtout, a permis à cette machine efficace comme aucune autre d’accomplir un miracle technique et humain, d’abord en atterrissant sans encombre sur le fleuve Hudson, puis en secourant à temps ses 155 passagers avant qu’ils ne se noient ou succombent d’hypothermie. Aviateur au sang-froid et à l’expérience remarquables, ancien pilote de chasse de l’US Air Force, Chesley Burnett «Sully» Sullenberger III a immédiatement été salué par les médias comme un citoyen exceptionnel et un paladin contemporain, avant de voir sa veste de pilote tapissée de décorations officielles.

    Doute

    Quelle dramaturgie Clint Eastwood et le scénariste Todd Komarnicki entendaient-ils extraire d’une démonstration aussi éclatante d’héroïsme, dont la seule victime collatérale fut un avion ? Outre la cinégénie évidente de la manœuvre, qui permet de représenter une issue heureuse aux visions cataclysmiques des attentats du 11 Septembre - lesquelles hantent le cinéma spectaculaire américain depuis -, Sully revient sur la courte période de doute qui a suivi la catastrophe, entre l’ouverture de l’enquête du Conseil national de la sécurité des transports (NTSB) et sa conclusion, qui avéra non seulement le bien-fondé des décisions prises par le pilote, mais l’héroïsme lui ayant permis de triompher. Le film et Sully lui-même, incarné par Tom Hanks dans un mélange fascinant de dolorisme et de bonhomie, n’ont de cesse de s’interroger : le coup de poker engagé (a big if, «un vertigineux si») aurait-il pu être évité ?

    «Sully» a beau signifier «souiller» en anglais, il n’est jamais question dans le film de culpabilité. Le seul enjeu du récit consiste à interroger l’héroïsme de son protagoniste, étudier ce qu’il engage, au point où il évoque un hypocondriaque en pleine santé qui ne cesserait de se prendre le pouls pour vérifier qu’il est encore en vie. De fait, Sullenberger est, de manière ostentatoire, un personnage bien moins dense et complexe que les héros du cinéma récent d’Eastwood, ceux de Mémoires de nos pères, Gran Torino ou même Impitoyable, dont l’héroïsme façonné, instrumentalisé voire mensonger confrontait précisément les Etats-Unis aux contradictions de leurs fondations. Sully n’engage pas moins largement la nation américaine, mais célèbre par l’acte héroïque d’un pilote de ligne sa remise en question, enfin sa validation, un pays dont les institutions sont admirables jusque dans leur capacité à s’ausculter sous toutes les coutures, même quand elles agissent dans leur bon droit.

    Allégorie

    Film patriote et réconciliateur qui sort au moment où l’Amérique doute plus fort que jamais de ses valeurs et des institutions, Sully surprend pour la manière dont Eastwood, républicain (et désormais pro-Trump) notoire, célèbre le génie américain comme un absolu dont l’essence et l’exemplarité se manifesteraient au-delà de son conflit idéologique le plus fondamental. Le miracle au cœur du film survient en effet très exactement à la conjonction de l’individu et du collectif, de la loi écrite et de l’autodétermination, du peuple et de l’élite. On pourrait rétorquer que le scénario déroule son exposé dans le cadre inoffensif et stérile d’une allégorie trop dénuée d’actualité, de contradiction, de corps étranger pour être valide. Le vœu pieux qu’il exprime, véritable «doudou» idéologique évocateur du cinéma utopiste de Frank Capra, n’en confirme pas moins que le cinéaste Clint Eastwood demeure souvent bien plus complexe, multiple, in fine fréquentable, que l’homme.

    Olivier Lamm

    Sully de Clint Eastwood avec Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney… 1 h 36.

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