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    Tribune

    Sauvegarder le front républicain face aux nationalismes

    Par François Durpaire, Historien, université de Cergy-Pontoise
    Un Mexicain console sa fille après une courte visite rendue à leur famille restée de l’autre côté du mur anti-immigration, à San Ysidro (Californie), le 19 novembre.
    Un Mexicain console sa fille après une courte visite rendue à leur famille restée de l’autre côté du mur anti-immigration, à San Ysidro (Californie), le 19 novembre. Photo Sandy Huffaker. AFP

    La montée de ceux qui veulent revenir aux frontières d’hier paraît non maîtrisable. Si François Fillon reprend des pistes ouvertes par le FN, il découragera les électeurs de gauche. Et la France entrera dans l’ère des nations qui construisent des murs pour se protéger.

    Pour l’historien, il y a rarement des événements isolés. Les faits ont un sens quand on les met en relation. L’«effet Brexit» (juin 2016) a conduit à un «effet Trump» (novembre 2016), après que le candidat républicain avait appelé son électorat à suivre l’exemple britannique. Dans quelques semaines, c’est l’«effet Trump» qui pourrait à son tour influencer les élections aux Pays-Bas et en France. La présidentielle autrichienne - avec la victoire possible de Norbert Hofer - sera un test intermédiaire. C’est que les nationalistes européens bénéficient d’un argument de poids : le président de la première puissance du monde - celle qui a incarné la mondialisation - partage nos idées. Dans ce contexte, pouvons-nous rester la seule nation à ne pas protéger ses frontières ?

    Le sort de nos vies se joue-t-il à l’échelle de nos territoires ou doit-il dépendre de traités internationaux ? Faut-il obéir à la Constitution de notre pays ou à des institutions qui la dépassent ? La coopération avec les pays voisins nous a-t-elle été bénéfique ? Les questions posées par Trump sont familières aux oreilles des citoyens britanniques qui s’étaient prononcés cinq mois auparavant. Si le candidat républicain a réussi à l’emporter, c’est qu’il a réuni les trois conservatismes américains : économique (sur le plan fiscal), sociétal (sur le plan des valeurs familiales) et national (sur le plan de l’immigration et du refus du multiculturalisme). Mais, c’est surtout parce qu’il a ajouté à cette coalition les révoltés de la mondialisation…

    Même si son programme a semblé inabouti voire irréaliste, beaucoup ont plébiscité la clarté du message : «Il n’y a pas de nation sans frontières.» Il nous faut construire un mur. Contre la menace économique des Chinois, la menace terroriste des musulmans et celle identitaire des Mexicains. Cette stratégie a conduit à une élection à front renversé qui a vu les classes populaires (working class et lower middle class) assurer la victoire du républicain dans des Etats traditionnellement démocrates : les Brexit States (Pennsylvanie, Wisconsin, Michigan). L’égalité et la justice sociale, valeurs portées par Bernie Sanders, n’ont pas été incarnées par une Hillary Clinton associée aux milieux d’affaires. Même si le vote majoritaire fut en faveur de la candidate démocrate (64,8 millions de votes, contre 62,5), les jeunes et les plus modestes se sont abstenus. Dans ce contexte, il a suffi que Trump s’assure de la mobilisation de sa base électorale : des «hommes blancs sans diplômes» que les économistes Anne Case et Angus Deaton ont décrits comme le seul groupe à la mortalité en hausse (entre 1998 et 2013). Les perdants de la mondialisation.

    La première réaction de Marine Le Pen, juste après le vote en faveur de Donald Trump, ne portait pas tant sur le contenu politique que sur le geste démocratique en lui-même. C’est qu’elle y voit une façon de faire sauter le dernier verrou qui lui interdirait la victoire finale. Face aux sondages et pronostics des analystes politiques, il suffit de les désigner comme appartenant au système qu’elle demande à ses électeurs de rejeter. D’après une enquête Gallup, les médias traditionnels ont atteint aux Etats-Unis en septembre 2016 un niveau historique de défiance. A l’inverse, les sites et blogs issus de la droite alternative (Breitbart News, Independent Journal Review) ont émergé, dénonçant les élites qui sacrifieraient le peuple américain à des intérêts étrangers. En France aussi, Internet devient de plus en plus le territoire des extrémistes identitaires (cf. la campagne contre «Ali Juppé» lors de la primaire de la droite).

    La vague nationaliste peut-elle être stoppée ? Si des parallèles sont établis avec la poussée nationaliste des années 30, les causes profondes sont différentes. Dans les sociétés occidentales, une part croissante de l’opinion réagit à la poussée du reste du monde : concurrence économique, crainte de la submersion démographique, menace sécuritaire et remise en cause identitaire. Comme si l’assertion de Nehru en 1945 - «l’Europe n’est plus le centre du monde» - venait seulement d’être comprise.

    Face à cette acmé nationaliste, aucune alternative forte ne semble émerger et la classe politique traditionnelle est obsolescente. Incapable de proposer des réponses concrètes à la question politique de notre temps : comment accompagner chacun dans ce virage de civilisation imprimé par la globalisation ? Car on ne peut pas se contenter de répondre à un mineur au chômage dans l’Ohio qu’il y a des emplois high tech dans la Silicon Valley…

    Quand 61 % des Américains estiment que Trump n’est «pas prêt pour être président», et votent néanmoins pour lui, c’est qu’il n’y a plus de plafond de verre et qu’il est temps de sortir du déni. La victoire de ces nationalistes autoritaires ne tient plus qu’à une mécanique électorale…

    Le vainqueur de la primaire de la droite, François Fillon, a affirmé à plusieurs reprises que son programme était le seul en mesure de faire barrage à Marine Le Pen, réactivant l’espoir d’un siphonnage des voix du FN(comme Nicolas Sarkozy le fit en 2007).

    Une première réponse tient au désintérêt des électeurs du FN pour la primaire de la droite (seuls 8 % se déplacent pour le premier tour, et 9 % au second, soit moins que les 15 % d’électeurs issus de la gauche). Des électeurs qui, en dépit de la radicalité de la droite républicaine, préféreront l’original à la copie. En outre, proposer d’appliquer une partie du programme de la droite extrême reviendrait à lui donner le pouvoir sans qu’elle soit élue.

    La deuxième réponse tient au programme de Fillon : si aux Etats-Unis l’électorat populaire peut être séduit par un programme ultralibéral (avant Trump, il y avait eu les Reagan Democrats), il n’en est pas de même en France. François Fillon pourrait donc servir la stratégie importée par Florian Philippot au sein du FN : celle d’un Etat protecteur propre à séduire les classes populaires. La droite traditionnelle prendrait alors le risque d’être doublée par le FN à la fois sur sa droite (sur le plan identitaire) et sur sa gauche (sur le plan économique). Si Fillon restait sur son programme d’origine, il compromettrait la possibilité d’un report des voix de gauche vers le candidat de la droite républicaine lors du second tour de la présidentielle. Il est important de proposer un programme en capacité de réunir une majorité de citoyens. Et qui ne laisse pas de côté l’Etat. Un Etat capable d’anticiper les évolutions, misant sur l’éducation de tous et sur la gestion humaniste du bien commun.

    Auteur de la BD la Présidente, les Arènes 2015. Il y annonce notamment le Brexit, la victoire de Donald Trump et celle de Marine Le Pen.

    François Durpaire Historien, université de Cergy-Pontoise
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