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Vie de bureau
Un essai corrosif de l'économiste Nicolas Bouzou

Il faut en finir avec le pseudo bonheur au travail

Le premier ministre, Edouard Philippe, a demandé aux partenaires sociaux de plancher sur la qualité de vie au travail. Une réponse à la hausse généralisée des arrêts maladie et au malaise croissant de la société face au travail en entreprise… C’est la faute au management, clame Nicolas Bouzou, économiste, dans un essai décapant co-écrit avec la philosophe Sophie de Funès, La Comédie (in)humaine, aux éditions de l'Observatoire. Il répond aux questions de Challenges.

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Les coauteurs de la "Comédie (in)humaine"

Julia de Funès, philosophe et Nicolas Bouzou, économiste, auterus de Comédie (in)humaine, aux Editions de l'Observatoire

©Hannah Assouline-Editions de l'Observatoire Carré

Challenges. Vous décrivez des salariés stressés, en burn-out ou, pire, en bore-out, autrement dit, qui s'épuisent ou s'ennuient au travail. Le " bonheur au travail " est un mythe ?

Nicolas Bouzou. Il y a deux concepts qui sont au cœur de la vie des gens : leur famille et leur travail. Et si on observe un détachement de plus en plus grand des salariés, et notamment des jeunes générations, pour l'entreprise, ce n'est pas parce qu'ils ne l'aiment pas, c'est plutôt parce qu'ils ne lui trouvent plus de sens. Les dirigeants ont oublié qu'une entreprise, c'est une organisation qui sert à produire, pas à apporter du bonheur.

Ce serait la faute du management ?

Totalement. Il est incapable de réformer l'organisation du travail et passe son temps à motiver les salariés avec des discours qui ne leur parlent pas, centrés sur des concepts abstraits, comme le " bonheur au travail ". On voit même des " Chief Happiness Officers ", chargés d'instaurer ce bonheur forcé : le baby-foot, les plantes vertes et la méditation express du midi se substituent au projet, au travail et au sens. J'aime cette belle phrase de Charles Péguy qui rappelait que le sens vient du plaisir de bien faire les choses. Les salariés, qui cherchent à " bien faire ", voient leur quotidien encombré de réunions, de meetings et de séminaires. Un sondage récent montre que les salariés jugent que 60% de ces réunions sont inutiles.

Les salariés sont perdus ?

En fait, ils ne savent plus ce qu'ils font et sont aux prises avec deux injonctions contradictoires. D'un côté, les entreprises exigent de plus en plus de travail de leurs salariés, de l'autre, les process et les réunions les empêchent de travailler. Et on voit bien que les jeunes générations sont de plus en plus rétives à s'intégrer dans ce modèle. Il faut remettre les idées managériales à l'endroit en valorisant cinq qualités : la capacité à innover, l'audace, l'efficacité, le courage et la réflexion.

Pratiquement, on fait quoi ?

C'est assez simple : on fait confiance au gens. Et sur ce point, le télétravail a fait beaucoup de bien en obligeant les managers à faire confiance à leurs subordonnés. On voit bien que ca fonctionne mieux : des sondages Malakoff-Médéric tendent à montrer que les salariés sont plus productifs en Télétravail. Ensuite, on supprime tout ce qui est inutile et empoisonne la production.

On a compris que votre ennemi, ce sont les réunions. Vous voulez les supprimer ?

Non, pas complètement. Mais on peut décider de diminuer de 50% leur nombre. Ou édicter qu'elles ne peuvent avoir lieu que le matin. Enfin, on supprime quelques mauvaises habitudes. Comme le Powerpoint, par exemple. Comme le souligne Jeff Bezos, cette façon de présenter des arguments simplifie à l'excès la pensée. Nous pensons, Julia de Funès et moi, qu'un simple mémo fait aussi bien qu'une dizaine de slides. C'est du " nudge " : autrement dit, ce sont des petits changements mais ils peuvent avoir de grands effets.

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