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Responsable du bonheur au travail : un nouveau métier qui fait débat

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Présents dans des entreprises françaises depuis quelques années, les "Chief Hapiness Officer" ont pour rôle de veiller à l'épanouissement des collaborateurs. Mais leur poids réel sur le bien-être en entreprise suscite encore certaines méfiances.

Au royaume du bien-être au travail, les "Chief happiness officer" (CHO) s'imposent depuis plusieurs années maintenant comme les nouveaux princes à la mode. Chargés de veiller à l'épanouissement des collaborateurs, le rôle de ces "responsables du bonheur" revêt des missions diverses, qui vont de l'organisation de déjeuners ou de séances de sport entre collègues à l'animation d'ateliers, en passant par l'accueil des nouveaux venus. En clair, ces derniers doivent permettre de favoriser le dialogue et de créer une ambiance propice à un travail serein.

Un concept vendeur, à l'heure où l'engagement des salariés est devenu un enjeu crucial pour les entreprises, un travailleur heureux étant un travailleur plus productif et plus engagé. Ainsi, selon une étude de Harvard et du MIT, les salariés épanouis seraient deux fois moins malades, six fois moins absents, neuf fois plus loyaux, 31 % plus productifs et 55 % plus créatifs. Pourtant, le poids réel des CHO dans ce développement provoque certains doutes.

Le piège du superficiel

Car si l'arrivée d'une personne en charge du capital humain au sein de l'entreprise constitue un "signal positif", elle doit se doubler d'une véritable fonction stratégique, analyse Bertille Knuckey, en charge du fonds Happy@Work chez Sycomore AM, qui investit dans des entreprises cotées attachant une importance particulière à l'épanouissement de leurs collaborateurs : "Ce qui ne fonctionne pas forcément, c’est que ces personnes n'ont pas nécessairement de budget ni de feuille de route très claire, et sont plus là en tant qu'animateurs. Il ne suffit pas de nommer un CHO pour changer la culture d’une boite ou pour conserver un esprit start-up".

Le risque étant, pour certaines structures, de se tromper de cheval de bataille, en privilégiant l'aspect cosmétique et marketing du poste plutôt que des réformes en profondeur du modèle : "Le piège serait, pour les grands groupes qui ne vont pas très bien et qui ont identifié des problèmes d’engagement de leurs salariés, de croire qu’un CHO qui ne serait pas convié aux différents comités stratégiques, qui n’aurait pas de poids réel sur l’organisation, pourrait résoudre les choses". Une nuance déjà exprimée par Alexandre Jost, fondateur de la Fabrique Spinoza -think tank du bonheur citoyen-, lors d'un entretien avec Challenges, qui pointait alors la possibilité de "happy washing", en référence au greenwashing.

Un rôle stratégique

Pour palier cet écueil, il est notamment nécessaire, pour Bertille Knuckey et d'autres, de veiller à ce que les CHO bénéficient d'une présence au plus haut niveau de l'entreprise : "L'important, c'est que cette personne ait une voix qui porte, en faisant partie du comité exécutif mais aussi en réalisant des présentations régulières en conseil d’administration ou de surveillance. Si les dirigeants ne leur donnent pas les moyens de transformer l'entreprise ou de faire perdurer sa culture, cela ne fonctionnera pas. L’enjeu clé, c’est de voir aussi comment cette transformation infuse à tous les niveaux de l’organisation."

Avec l'idée que la fonction puisse réellement servir d'instrument à la transformation des entreprises, en permettant de ramener les préoccupations réelles des salariés à la table des discussions lors de l'élaboration des stratégies. En attendant, estime-t-elle, l'apparition des CHO témoigne d'un mouvement plus général : "Pendant longtemps, on a perçu la responsabilité sociétale des entreprises comme une contrainte.  Aujourd'hui, les nouveaux types d’organisations comme les start-up ont bien compris qu’il fallait donner du sens et de l’autonomie à tous pour qu’ils soient épanouis".

Selon un sondage Monster, parmi les avantages octroyées susceptibles de contribuer au bien-être des salariés, la création d'un CHO (12 %) arrive encore après des jours de congés supplémentaires (28 %), une plus grande souplesse dans les horaires de travail (27 %) ou encore le respect du droit à la déconnexion (17 %).