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Le mariage (union entre deux personnes) existe-t-il dans toutes les sociétés ?

EMMANUEL
39 ans
BOURG LA REINE
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Musée de l'hommme
Priscille Touraille, socio-anthropologue au Musée de l’Homme

Non, le mariage n’est pas une tradition « universelle ». On connaît notamment une société humaine qui ne le pratique pas, contredisant les théories anthropologiques selon lesquelles le mariage est un fondement de la parenté dans les sociétés humaines.

 

 

Il suffit d’un exemple pour prouver le contraire. Les travaux de l’anthropologue Cai Hua ont présenté une société dont le système de parenté est différent du reste du monde. Dans son livre Une société sans père ni mari. Les Na de Chine, Cai Hua dépeint le système de parenté d’une minorité de 30 000 habitants dans le Yunnan, une province du sud-ouest de la Chine. Cette population est matrilinéaire. Une unité d’habitation na ne comprend que des femmes, leurs frères et les enfants des femmes, de différentes générations. Les géniteurs des enfants ne vivent pas sous le même toit. La sexualité s’organise à travers l’institution dite de la « visite furtive ».

 

Selon l’usage, et après accord entre les intéressés, qui a lieu durant le jour, les hommes viennent secrètement retrouver les femmes à la nuit tombée et regagnent leur matrilignée avant la levée du jour. L’institution de la visite décourage les liens trop exclusifs – qui existent cependant – et encourage dans l’ensemble les changements fréquents de partenaire sexuels. Même si les gens savent plus ou moins qui sont les géniteurs des enfants, ils n’y attachent pas d’importance : le père n’a pas besoin d’être connu dans la société na. Le mot « père » n’existe pas dans le vocabulaire de parenté na, pas plus que les mots belles-sœurs, beaux-frères ou beaux-parents.

Au final, ni l’institution du mariage ni l’institution de la paternité n’existent chez les Na.

Il ne s’agit que d’un exemple parmi des centaines de milliers de sociétés qui pratiquent le mariage. Mais « il contredit les théories anthropologiques classiques qui ont érigé le mariage comme étant au fondement de la parenté dans les sociétés humaines », dixit Priscille Touraille, 

 

Propos recueillis par Rémi Pin

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