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Du PACS au mariage pour tous : l’application de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe

le 19 septembre 2018

La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été promulguée le 17 mai 2013. Son adoption a suscité de vifs débats entre ses partisans, défenseurs du principe d’égalité, et ses opposants, inquiets d’une remise en cause des fondements de la famille. Depuis la promulgationPromulgationActe par lequel une loi votée devient exécutoire. Consiste en un décret signé par le président de la République et contresigné par le Premier ministre et les ministres chargés de l’application de la loi. de la loi, plus de 40 000 mariages homosexuels ont été célébrés. En 2013, la France est devenue le 14e pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. D’autres pays l’ont depuis suivie. Le débat se focalise aujourd’hui sur la procréation médicalement assistée (PMA) "pour toutes", dans le cadre de la prochaine révision de la loi de bioéthiqueBioéthiqueQuestions éthiques et sociétales posées par les innovations médicales qui impliquent une manipulation du vivant comme les expérimentations sur l’homme, les greffes d’organes et l’utilisation des parties du corps humain, la procréation médicalement assistée, les interventions sur le patrimoine génétique, etc..

Du Pacs au "mariage pour tous"

Le pacte civil de solidarité (Pacs) a été instauré par la loi du 15 novembre 1999. La France reconnaît alors légalement les unions civiles entre personnes de même sexe ou de sexe opposé.

Si le PACS permet la reconnaissance des couples homosexuels, il ouvre toutefois des droits très inférieurs à ceux du mariage (aucun mode d’accès à la parenté, ni de vocation successorale, pas de droit de faire usage du nom de l’autre ou de percevoir une pension de réversion, etc.). C’est pourquoi, au fil des années, l’idée d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels se développe. Certains pensent qu’une nouvelle étape doit être franchie afin de permettre à ces couples de bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels.

En 2004, le député-maire vert de Bègles (Gironde), Noël Mamère, célèbre le premier mariage gay afin de susciter le débat et de défendre la cause du mariage homosexuel. Cette union illégale est rapidement annulée par la justice. En 2006-2007, Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste (PS) à l’élection présidentielle, s’engage également en faveur du mariage et de l’adoption pour tous. Plusieurs propositions de loi portant sur le mariage homosexuel sont, par ailleurs, déposées mais sans succès. En 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalitéConstitutionnalitéQualité de ce qui est conforme à la Constitution sur l’interdiction du mariage entre deux personnes de même sexe, considère qu’il revient au seul législateur de traiter cette question de société. En 2012, François Hollande, candidat du PS à l’élection présidentielle, promet à son tour d’autoriser le mariage homosexuel dans son "engagement 31-1".

Parallèlement, en Europe et dans le monde, de nouveaux pays autorisent le mariage homosexuel : les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne et le Canada en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012. Ces pays adoptent cependant des législations très différentes en ce qui concerne la filiationFiliationLien juridique entre parents et enfants. Le Portugal, par exemple, refuse l’adoption et la PMA aux couples mariés de même sexe. En revanche, l’Espagne reconnaît aux couples de femmes l’adoption ainsi que la possibilité d’établir un lien de filiationFiliationLien juridique entre parents et enfants avec l’enfant né pendant l’union. La PMA est possible pour les femmes au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suède. Enfin, certains pays permettent la gestation pour autrui (Belgique, Pays-Bas et Angleterre).

En France, les critiques contre le mariage homosexuel se concentrent notamment sur ses conséquences sur la parentalité, et le débat sur le mariage tend vers un débat sur l’homoparentalité.

Le débat sur le "mariage pour tous"

Le débat porte essentiellement sur deux points majeurs : la nature même du mariage et la parentalité. Les opposants se font entendre au ParlementParlementOrgane collégial qui exerce le pouvoir législatif (adoption des lois et contrôle du pouvoir exécutif). En France, le Parlement est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. et dans la rue. Plus de 170 heures de discussions parlementaires sont nécessaires pour l’adoption de la loi. De nombreuses manifestations anti "mariage pour tous" sont organisées.

L’institution du mariage

Jusqu’à la Révolution française, le mariage est une prérogative exclusive de l’Église. En 1791, la Constitution sécularise le mariage : "la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil". Cette conception civile et laïque du mariage est reprise par les rédacteurs du code civil. Néanmoins, le mariage reste pendant des siècles une institution fondatrice de la famille. Avec la reconnaissance progressive des droits des femmes et l’évolution des modes de vie, la famille se transforme. Plus de la moitié des premiers enfants des couples naissent hors mariage. Pour beaucoup, le mariage n’est donc plus qu’un simple contrat civil qui organise la vie commune. Dans ce cas, rien ne s’oppose à ce que des couples de même sexe puissent se marier.

A l’inverse, pour les opposants au mariage homosexuel, le mariage demeure une institution à part entière et une "structure fondamentale de la civilisation" car il a pour finalité la reproduction de l’espèce.

La parentalité

Le mariage ouvre la voie à la filiation : c’est la seule institution qui articule conjugalité et parentalité. Dans un couple marié, les deux parents exercent en commun l’autorité parentale. Par ailleurs, seuls les couples mariés peuvent adopter ensemble un enfant. Ouvrir le mariage aux couples de même sexe emporte donc automatiquement la possibilité pour ces couples d’adopter.

La possibilité de se marier peut être une réponse à l’insécurité juridique vécue par les familles homoparentales, celles qui réunissent un parent ou un couple de parents dont l’orientation homosexuelle est clairement reconnue et un ou plusieurs enfants légalement liés à au moins un des parents. Au sein de ces familles, le second parent n’a, la plupart du temps, pas d’existence légale.

Cependant, nombre d’opposants au mariage homosexuel reprochent à l’homoparentalité de supprimer l’altérité père / mère qu’ils considèrent comme essentielle à la construction de l’enfant.

Plus largement, les associations homosexuelles souhaitent voir étendue aux couples de femmes la procréation médicalement assistée (PMA). Ce point n’a pas été intégré au projet de loiProjet de loiProjet de texte législatif déposé au Parlement à l’initiative du gouvernement. sur le mariage pour tous. Les députés PS ont également renoncé à déposer un amendement sur la question, le reportant au futur projet de loiProjet de loiProjet de texte législatif déposé au Parlement à l’initiative du gouvernement. sur la famille (amendement qui a été finalement abandonné). Seuls les députés écologistes ont soumis un amendement en ce sens. Il a été dénoncé par les adversaires à l’ouverture de la PMA au nom des droits de l’enfant.

L’application de la loi

Le premier mariage homosexuel est célébré le 29 mai 2013 à la mairie de Montpellier.

Dans les premiers mois d’application de la loi, plusieurs maires opposés au mariage pour tous refusent d’unir les couples de même sexe, invoquant une "clause de conscience". Ils saisissent le Conseil d’État du sujet, qui transmet une question prioritaire de constitutionnalitéQuestion prioritaire de constitutionnalité / QPCProcédure permettant à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un procès devant une juridiction administrative ou judiciaire, lorsqu’il estime qu’un texte porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit au Conseil constitutionnel. Ce dernier, dans une décision du 18 octobre 2013, écarte une telle clause. Il considère que le service publicService publicActivité d’intérêt général prise en charge par une personne publique ou par une personne privée mais sous le contrôle d’une personne publique. On distingue les services publics d’ordre et de régulation (défense, justice...), ceux ayant pour but la protection sociale et sanitaire, ceux à vocation éducative et culturelle et ceux à caractère économique. Le régime juridique du service public est défini autour de trois principes : continuité du service public, égalité devant le service public et mutabilité (adaptabilité). d’état civil doit être neutre et "qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil - le maire ou ses adjoints - dans la célébration du mariage", la loi sur le mariage pour tous "n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience".

Au 1er janvier 2018, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) recense près de 40 000 mariages de couples de même sexe depuis l’entrée en vigueur de la loi. 7 000 mariages homosexuels sont célébrés en moyenne par an, soit 3% de l’ensemble des mariages. Ce pourcentage est stable depuis 2015, après un pic à 4,36% en 2014.

Quant aux adoptions conjointes d’enfants par des couples de même sexe, aucun chiffre officiel n’est disponible. Toutefois, pour certaines associations de défense des homosexuels, le nombre de couples gays et lesbiens ayant pu adopter en France ou à l’étranger serait inférieur à dix. Ces associations dénoncent des discriminations. En juin 2018, le Défenseur des droits s’est saisi d’office pour enquêter sur les pratiques du service d’adoption du conseil départemental de la Seine-Maritime. Cette auto-saisine fait suite aux propos tenus à la radio par la responsable de ce service, pour qui les couples homosexuels ne sont "pas prioritaires" pour adopter dans ce département.

A l’approche du projet de révision de la loi de bioéthiqueBioéthiqueQuestions éthiques et sociétales posées par les innovations médicales qui impliquent une manipulation du vivant comme les expérimentations sur l’homme, les greffes d’organes et l’utilisation des parties du corps humain, la procréation médicalement assistée, les interventions sur le patrimoine génétique, etc. prévu fin 2018 et qui doit notamment porter sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, le débat sur l’homoparentalité ressurgit. Comme pour le mariage pour tous, des opposants à "la PMA pour toutes" se mobilisent.

Les pays ayant autorisé, à l’instar de la France, le mariage homosexuel depuis 2013

En 2013
Brésil
Uruguay
Nouvelle-Zélande

En 2014
Angleterre
Pays de Galles
Écosse

En 2015
Luxembourg
États-Unis (sur le plan fédéral mais certains États ont autorisé le mariage homosexuel bien avant)
Irlande

En 2016
Colombie

En 2017
Finlande
Malte
Allemagne
Australie

Durant ces années, plusieurs États du Mexique ont également légalisé le mariage homosexuel.

Au total, 25 pays à travers le monde reconnaissent le mariage homosexuel. (données au 13 septembre 2018)

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