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    Provence

    Château La Coste, à voir sans modération

    Par Sébastien Carayol
    Une vue sur les vignes du château La Coste depuis la chapelle (à g.). Le vignoble occupe 130 des 200 hectares du domaine. Le mobile «Small Crinkly» (1976) d'Alexander Calder (à dr.).
    Une vue sur les vignes du château La Coste depuis la chapelle (à g.). Le vignoble occupe 130 des 200 hectares du domaine. Le mobile «Small Crinkly» (1976) d'Alexander Calder (à dr.). Photos Katie Callan

    Dans son domaine viticole au Puy-Sainte-Réparade, le collectionneur irlandais Patrick McKillen a disséminé des œuvres d’art contemporaines et architecturales, souvent créées in situ.

    A l’orée de la forêt de chênes qui semble se refermer sur la voiture, on finit par se rassurer : le gigantesque demi-cylindre d’alu à la dérive sur son océan de vignes d’automne est assez incongru pour que l’on ne se soit pas trompé de chemin, en suivant le discret fléchage depuis Aix-en-Provence. Les sous-bois implacables finissent de desserrer leur étreinte, place à une immensité de ceps aux feuillages jaunissants. C’est ainsi que l’on pénètre dans le domaine du château La Coste, soupçonnant qu’il ne s’y manigance pas que de la fermentation viticole pure, parfois dure, du cru.

    A tribord du chemin caillouteux, un bâtiment fuselé d’aluminium rappelle vaguement les hangars du minimaliste monumental Donald Judd à Marfa (Texas). Il ne s’agit en fait «que» de la cuverie du domaine. Mais elle a été conçue par Jean Nouvel, «starchitecte» tellement hégémonique qu’il a même réussi à poser un grappin sur ce coin isolé de Provence, à vingt minutes au nord d’Aix, en bordure du village du Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône). Emblématique de ce qui se trame à La Coste depuis dix ans, la cuverie fut en 2008 la première installation artistique de commande à pousser au milieu de ces 200 hectares (dont 130 de vignes), domaine où l’on mélange à égales proportions vin, art et architecture. C’est d’ailleurs la parfaite «isocélité» de ce triangle qui fait l’originalité de La Coste : le coup du «chai design» étant aussi vieux que Lafite Rothschild (qui fit appel à l’architecte espagnol Ricardo Bofill pour que 2 200 de ses barriques vieillissent en toute harmonie visuelle dès 1973), le domaine provençal ne pouvait s’en contenter pour exister autrement que par ses flacons.

    Démiurge. Justement, privilégier au détriment des deux autres l’un des trois piliers de la sainte trinité vin, art et architecture, n’a jamais été à l’ordre du jour pour le propriétaire des lieux, l’énigmatique Patrick «Paddy» McKillen, quand il rachète La Coste en 2004. «C’est un passionné de beau et de bon», résume son maître de chai, le très en vue Matthieu Cosse (également vigneron chez Cosse-Maisonneuve, à Cahors), œnologue format rugby appelé à la rescousse en 2006 pour restaurer l’expression d’un terroir. Et de s’enflammer : «Patrick construit la Provence de demain. C’est un visionnaire.» Visionnaire mais invisible : collectionneur d’art ayant réussi «dans l’immobilier», précise vaguement le directeur du centre d’art, l’érudit Daniel Kennedy qu’il envoie pour le représenter, l’Irlandais est aussi aisé que discret.

    «Drop» (2009), de Tome Shannon (à g.). Le Pavillon de musique de Frank Gehry (à dr.) Photos Katie Callan

    On saura simplement qu’il craqua pour La Coste après deux ans de recherches et que le clan McKillen, sans expérience viticole, était fasciné par la région et ses changements de saison. On ne peut qu’imaginer l’engrenage ayant happé le démiurge exigeant : d’abord, créer un écrin digne des joyaux de sa collection ; ensuite, inviter des amis artistes internationaux à venir choisir un bout de propriété pour y créer une pièce in situ. Et tout cet art de haut vol, il ne donnerait pas un peu soif ? Et ainsi de suite… Apothéose en 2011, avec l’ouverture au public de ce petit Naoshima provençal [île japonaise transformée en centre d’art à ciel ouvert, ndlr].

    Une décennie d’expérimentations plus tard, une évidence : ici, «Paddy» s’est rangé au principe du genius loci (l’aménagement paysager doit toujours être conçu en fonction de l’endroit). Mieux, il a réussi à souligner ces vignobles et chemins forestiers d’œuvres d’art contemporaines ou architecturales, parfois radicales, sans en entamer la beauté naturelle.

    Au départ du centre d’art signé par l’architecte phare de Naoshima, Tadao Ando - majesté de béton vierge triangulaire, de verre et de plans d’eaux-miroirs piqués du mobile Small Crinkly (Calder, 1976), d’une flèche d’acier de Hiroshi Sugimoto et de l’araignée géante Crouching Spider 6695 (Louise Bourgeois, 2007) -, un petit sentier entraîne à flanc de colline dans les sous-bois pour un tour libre, complet, nature. Détail élégant : sur le guide que distribue l’accueil, les cépages et «le potager de Louis Benech» sont autant listés que la vingtaine d’œuvres qui vont se succéder le long de cette errance arty-architecturale de deux heures où les glands croustillent sous la semelle, magie auditive qu’aucun musée n’enlèvera jamais au land art.

    Name-dropping. Jusqu’à l’arrivée au Pavillon de musique quelque peu défraîchi de Frank Gehry, récupéré auprès de la Serpentine Gallery en 2008, le parcours rencontre entre autres le nid-trou noir de la Oak Room (Andy Goldsworthy, 2009), une cloche à vibrations (Meditation Bell, de Paul Matisse, 2012), des portiques d’acier (Richard Serra, 2008), des portails électromagnétiques (Tunga, 2011), un pavillon cubique monolithique (Tadao Ando, 2008-2011), une maison de cloisons métalliques multicolores (Liam Gillick, 2010) ou une ellipse 3D polie et orientable (Tom Shannon, 2009)… Une constante : le niveau général, par la renommée internationale des artistes qu’il pousse souvent hors contexte avec jubilation, surprend en ces paysages. D’autant que, dès 2015, La Coste s’apprête à ouvrir son espace Jean-Prouvé, attend des pavillons de James Turrell, Ai Weiwei et Oscar Niemeyer, des installations de Gehry-Berlant… Déluge de name-dropping, triomphe modeste : «Il n’y a pas vraiment de plan à long terme», jure Daniel Kennedy.

    Un oeuvre de Hiroshi Sugimoto entre le café et Centre d'art, réalisé par Tadao Ando, à Chateau La Coste, en Provence. Chateau La Coste est un lieu unique: à la base un domaine viticole tenu par le riche collectioneur irlandais Patrick Mckillen, où art et architecture a été introduit en 2004. Les artistes et architectes presents sont Tadao Ando, Frank Gehry, Jean Nouvel, Louise Bourgeois, Alexander Calder, Richard Serra, entre tant d'autres. Le site a été ouvert au public en 2011. Commande n° 2014 1540La flèche d’acier d’Hiroshi Sugimoto, entre le café et le centre d’art signé Tadao Ando. Photo Katie Callan

    A la vigne, Matthieu Cosse raisonne, lui, de façon exactement contraire, en s’étant fixé depuis 2006 des objectifs au très long cours. Préservation des cépages historiques, maîtrise des rendements, passage en biodynamique : l’autoproclamé «homme de la terre» a apprécié la soif curieuse d’un Goldsworthy resté en résidence un mois à La Coste, sans jamais se détourner de sa mission première. «On n’est pas dans le prétexte viticole, martèle ce vigneron qui jure par l’équilibre d’un vin, sa légèreté, son caractère identitaire. On ne veut rien inventer, juste rester des interprètes.»

    Derrière l’immense baie vitrée, en écho à ses propos, la structure ovoïde de Tom Shannon scintille alors que le soleil part se réfugier derrière les crêtes et que l’océan des vignes se met à rougeoyer. Sacrée partition.

     

    PRATIQUE

    Y aller

    Depuis la gare d’Aix TGV, comptez environ trente minutes de voiture. Depuis l’aéroport de Marseille Provence : trente-cinq minutes. Pas de transport public desservant le site.

    Y manger

    Budget gastronomique : le café du centre d’art du domaine .

    Budget serré : Zazai, traiteur exotique (à dix minutes, entre Aix-en-Provence et le château).

    Y dormir

    L’Oustaou du Luberon (à environ 5 km) propose un hébergement en gîtes et roulotte.

    Sébastien Carayol
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