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    TGV

    Pour Alstom, un sauvetage et des questions

    Par Jean-Christophe Féraud
    Belfort, le 15 septembre 2016. Les salariés d'Alstom rassemblés devant l'usine pour le départ de la manifestation contre la fermeture de la branche transport d'Alstom à Belfort.
    Belfort, le 15 septembre 2016. Les salariés d'Alstom rassemblés devant l'usine pour le départ de la manifestation contre la fermeture de la branche transport d'Alstom à Belfort. Photo Pascal Bastien pour Libération

    Les commandes promises par le gouvernement sauvent l’activité à Belfort, sans toutefois résoudre les problèmes de fond.

    C’est la fin supposée d’un psychodrame social et politique qui risquait de pourrir les derniers mois de François Hollande à l’Elysée. Pressé d’éviter un nouveau Florange, avec cette fois 400 emplois menacés, l’Etat pompier a dégainé mardi un plan de sauvetage à grande vitesse pour remettre sur les rails l’usine historique d’Alstom à Belfort. Le site qui a vu naître le TGV et risquait de fermer dès 2018, après la décision du groupe de transférer la production à Reichshoffen (Alsace). Le secrétaire d’Etat à l’Industrie, Christophe Sirugue, est venu annoncer mardi aux Belfortains «un plan alternatif» en trois axes : une rafale de commandes publiques pour donner du travail à Belfort, un programme d’investissement local signé Alstom et des projets pour le site. Le Premier ministre, Manuel Valls, a immédiatement crié victoire sur Twitter : «Grâce à la mobilisation de l’Etat et à l’engagement de tous, le site d’Alstom de Belfort est sauvé.» Oui, mais comment et pour combien de temps ?

    Que donne le gouvernement à Alstom ?

    Pour remballer son projet de quasi-fermeture du site de Belfort, le patron d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, a obtenu ce qu’il voulait : de la commande publique pour donner de la charge de travail à son usine en difficulté après 2018 et au moins jusqu’en 2020. Au nom du gouvernement, Christophe Sirugue a annoncé ou confirmé trois contrats : une commande directe de l’Etat portant sur quinze rames TGV Euroduplex (à étages) destinées aux lignes Bordeaux-Marseille et Montpellier-Perpignan pour un total de 450 millions d’euros ; l’achat de six rames TGV supplémentaires par la SNCF, moyennant 200 millions d’euros, pour la liaison Paris-Turin-Milan ; et vingt locomotives diesel de dépannage pour 80 millions de mieux, toujours par la SNCF. Une manne totale de 21 TGV, qui permettra de «maintenir sur le site de Belfort une activité ferroviaire et industrielle» tout en «confortant» les autres usines d’Alstom. De fait, à raison de deux motrices - spécialité de Belfort - par rame TGV, «la Traction», comme l’appellent les habitants de la ville au Lion, obtient 42 unités à construire. Ces nouveaux TGV donneront aussi du travail à d’autres sites comme La Rochelle (wagons), Tarbes et Ornans (tractions) ou Le Creusot (bogies).

    Que promet le constructeur français en échange ?

    Déjà, le site de Belfort ne sera pas fermé, même si rien n’est écrit noir sur blanc. Il n’est plus question de «redéployer» l’activité à Reichshoffen. Mais comme le TGV ne suffira pas à pérenniser le site, Alstom a promis d’investir 30 millions d’euros d’ici à 2018 à Belfort pour développer et produire «une plateforme de locomotive de manœuvre» hybride électrique-diesel «bien adaptée au marché» : cette future Prima H4 permettrait à Alstom de redevenir compétitif sur ce créneau après l’appel d’offres d’Akiem (filiale de leasing de la SNCF) sur 44 locomotives, perdu par le français au profit de son concurrent allemand Vossloh. Autre engagement d’Alstom : faire de Belfort son centre européen de maintenance de locomotives avec 5 millions d’euros d’investissements à la clé d’ici à 2019 et l’objectif d’employer 150 personnes sur cette activité. Enfin, le groupe dépensera 5 millions de plus pour «diversifier» son usine dans le bus électrique d’ici à 2020. 40 millions au total pour Belfort en échange d’environ 700 millions de commandes publiques ? Bon deal pour Alstom, qui a formidablement manœuvré dans cette affaire. Auditionné par les députés, Henri Poupart-Lafarge a démenti farouchement tout «chantage à la fermeture», mais on s’interroge.

    S’agit-il d’un «bricolage» ou d’un vrai plan industriel ?

    «Bricolage», «rapiéçage», «rafistolage»… la droite a usé de tous les qualificatifs pour dénoncer une opération de sauvetage préélectorale. En cause, le choix assez baroque de commander 15 TGV pour des lignes Intercités : ces trains capables de rouler à 320 km/h circuleront en fait sur des voies ordinaires à une vitesse maximum de 200 km/h comme de bons vieux trains Corail… Mais alors pourquoi acheter des TGV ? «Par anticipation de l’arrivée des lignes à grande vitesse» sur Bordeaux-Marseille et Montpellier-Perpignan, répond Christophe Sirugue. Mais vu l’état des finances publiques, ces LGV à 18 millions d’euros le kilomètre ne sont pas pour demain. En fait, il fallait commander des TGV pour faire travailler Belfort. D’autant que, contrairement à Siemens et Bombardier, Alstom n’a ni en stock ni en production de train Intercités capable de rouler à 200 km/h. Coup de chance pour le français, la commande directe de TGV, sans ouvrir de nouvel appel d’offres, est rendue possible par le fait que l’Etat est l’autorité organisatrice des lignes Intercités et l’extension d’un contrat Euroduplex existant.

    Au bout du compte, le dispositif donnera deux à trois ans de travail à Belfort. De quoi tenir jusqu’à l’arrivée du «TGV du futur». L’Etat stratège devenu pompier a joué son rôle pour aider Belfort à passer le creux de charge. Mais ce plan ne résout pas le problème de fond : pour exporter ses TGV, l’industriel doit «relocaliser» leur production, comme le montre le récent contrat Amtrak remporté aux Etats-Unis. Or, pour maintenir l’emploi en France, Alstom «ne pourra pas vivre indéfiniment aux crochets de l’Etat», comme le souligne André Fages, délégué syndical CFE-CGC.

    Jean-Christophe Féraud
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