Search Direct User 100 Zoom Quiz ? Libération Diamond clock xml netvibes live anciens-numeros data desintox diapo edito election-2017 election essentiel generique idee jo next portrait radio son alerte top-100 star une video scroll politiques food sciences Facebook Whatsapp Twitter insta vine later glass Mail print Facebook Instagram Twitter Calendar download cross zoom-in zoom-out previous next truck visa mastercard user-libe user-doc user-doc-list user-mail user-security user-settings user-shop user-star Ruban abo Losange orange List check Most read Ptit Libé sport blog voyage
    Fusion

    Alstom : terminus outre-rhin ?

    Par Jean-Christophe Féraud et Franck Bouaziz
    Sur le site Alstom de Belfort, en 2009. Alstom avait frôlé le dépôt de bilan en 2003.
    Sur le site Alstom de Belfort, en 2009. Alstom avait frôlé le dépôt de bilan en 2003. Photo Gilles Rolle. REA

    Actée mardi soir, la fusion avec l’allemand Siemens vient conclure quatre-vingt-dix ans d’histoire tourmentée d’un fleuron de l’industrie française. Créé en 1928, le puissant conglomérat a été progressivement démantelé, pour se réduire au seul matériel ferroviaire.

    «Un dernier clou sur le cercueil du capitalisme français.» L’économiste et chercheur au CNRS Elie Cohen voit dans le passage sous pavillon allemand d’Alstom l’ultime épisode de l’histoire tourmentée d’un fleuron de l’industrie française. En moins de quatre-vingt-dix ans, ce qui était un puissant conglomérat français présent dans la construction ferroviaire et navale, mais aussi la production de turbines pour centrales nucléaires et hydroélectriques, s’est réduit comme peau de chagrin pour se limiter au seul matériel ferroviaire. Ultime épisode de ce démantèlement, Alstom a été avalé mardi soir par son ennemi et concurrent de toujours, l’allemand Siemens,

    Le groupe basé à Munich va donc devenir le principal actionnaire du fabricant du TGV, en obtenant 50 % du capital d’Alstom, en échange de l’apport de ses activités ferroviaires (lire Libération de lundi). Sans réel contrepoids français. L’Etat a en effet renoncé à être au capital d’Alstom alors qu’il avait la possibilité de racheter les actions de Bouygues. Une opération qui lui aurait permis de détenir jusqu’à 20% du groupe.

    Le gouvernement a persisté jusqu’au bout à vendre cette affaire comme un «Airbus du rail» et «un mariage entre égaux», comme l’a répété mardi à l’Assemblée le secrétaire d’Etat à l’Economie, Benjamin Griveaux. Et ce malgré la levée de boucliers dans les rangs de l’opposition de droite comme de gauche, qui dénonce un «démantèlement» et hurle au bradage d’un des derniers fleurons industriels tricolores. A Paris comme à Berlin, on vante la création d’un champion européen. Le nouvel ensemble Alstom-Siemens sera le numéro 2 mondial du secteur ferroviaire, avec 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 60 000 salariés, pour faire face au géant chinois CRRC, qui pèse deux fois plus lourd et menace les constructeurs européens (lire ci-contre). Mais, dans les faits, le nouvel Alstom - qui conservera son siège à Saint-Ouen - sera bel et bien, piloté par l’actionnaire allemand, avec de fortes inquiétudes pour l’emploi du côté des 10 000 salariés français sur les 32 000 que compte le groupe. Le dernier acte d’une aventure industrielle «made in France» commencée en 1928…

    Au faîte de sa gloire, dans les années 60, 70 et 80, Alsthom s’écrivait avec un «h» et figurait parmi les pépites d’un grand groupe industriel : la Compagnie générale d’électricité (CGE), dirigée durant douze ans par le parrain du capitalisme français, Ambroise Roux. C’est l’époque des costumes trois pièces et des conseils d’administration où personne ne moufte. «Alsthom illustre alors le particularisme du capitalisme français : l’entreprise est sous-capitalisée, elle vit de la commande de grands groupes publics comme la RATP, la SNCF ou EDF, et elle pratique un management féodal. Un patron règne sur une série de vassaux qui dirigent chacune des filiales», détaille Elie Cohen. Durant cette période, Alsthom ajoute une nouvelle activité à sa palette de métiers : la construction navale, en rachetant, en 1976, les chantiers de l’Atlantique.

    Scoumoune

    Le vent tourne en 1982, quand la maison mère, la CGE, figure sur la liste des entreprises à nationaliser. Ambroise Roux est poussé vers la porte par le gouvernement Mauroy. Cinq ans plus tard, nouveau changement de cap. La CGE est privatisée par le gouvernement Chirac, avant de prendre, en 1991, le nom d’Alcatel-Alsthom. Un double patronyme pour deux familles de métier très différentes. Alcatel opère dans les télécoms, aussi bien en France qu’à l’international, tandis qu’Alsthom poursuit son chemin dans l’industrie. Le groupe investit également dans la presse. Il est alors propriétaire du Point et de l’Express.

    En 1998, la mode est à la séparation des activités pour mieux valoriser les «pure players» : ceux qui réussissent dans un seul métier. Le nouveau boss d’Alcatel-Alsthom, Serge Tchuruk, entreprend donc de séparer les deux entités en introduisant Alstom (93 milliards de francs de chiffre d’affaires) en Bourse. Au passage, l’entreprise perd son «h», pour mieux séduire, explique-t-on alors, les marchés financiers. Mais surtout, Alcatel et le Britannique GEC, tous deux actionnaires d’Alstom, siphonnent 1,2 milliard dans sa trésorerie. Le français se retrouve donc plus fragile et sous-capitalisé.

    Le début des ennuis. Ils s’amplifient lorsqu’Alstom s’aventure, au côté du suédois ABB, dans une coentreprise de turbines de nouvelle génération, qui vont s’avérer truffées de problèmes techniques. L’affaire lui coûte 1,6 milliard d’euros. Et la scoumoune se poursuit du côté des chantiers navals. Les attentats du 11 septembre 2001 tétanisent le marché des paquebots de croisière.

    Ultime métier

    En 2003, Alstom, qui compte alors 118 000 salariés, est au bord du dépôt de bilan. Ses dettes atteignent 5 milliards d’euros, pour 900 millions seulement de fonds propres. Seul l’Etat peut éviter que l’entreprise ne prenne le chemin du tribunal de commerce. Il doit donc convaincre les banques d’apporter 2,5 milliards d’euros d’argent frais, tandis que Bercy lui-même se fend d’un chèque de 800 millions d’euros. En échange, Bruxelles exige qu’Alstom cède, en 2006, les chantiers navals de l’Atlantique. L’estocade vient en 2014, avec la vente des activités de construction de turbines électriques à l’américain General Electric. Déjà, à ce moment-là, Siemens est en embuscade et se verrait bien remporter l’affaire. Mais, les risques de doublons et de casse sociale sont jugés trop importants. Alstom se retrouve, alors, dans une situation de mono-activité. Le conglomérat ne fabrique plus que des trains et des métros. C’est cet ultime métier qui va donc tomber dans l’escarcelle de Siemens. Rideau.

    Jean-Christophe Féraud , Franck Bouaziz
    l'actu libé, tous les matins

    Un mot à ajouter ?