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    Reportage

    A Châtillon, la SNCF face à un nouveau front social

    Par Gurvan Kristanadjaja
    Les cheminots grévistes de Châtillon, mardi devant le siège de la SNCF.
    Les cheminots grévistes de Châtillon, mardi devant le siège de la SNCF. Photo Albert Facelly pour Libération

    La grève des cheminots du technicentre débutée le 21 octobre se fait sentir depuis lundi, avec deux TGV sur trois vers l’Ouest à l’arrêt. Distincte des mobilisations contre la réforme des retraites, cette «bataille locale» n’en a pas moins un impact national.

    La grève du technicentre de Châtillon dit quelque chose de notre époque. Lundi 21 octobre, plus de deux cents cheminots du site ont «posé la caisse à outils» spontanément pour protester contre leurs conditions de travail. Lorsque la direction de la SNCF a souhaité voir disparaître un accord local vieux de vingt ans permettant aux salariés de bénéficier de douze jours de repos supplémentaires, ça a été la «goutte d’eau». «Ça fait des mois et des mois que les conditions de travail se dégradent. Cet accord permettait à certains gars qui avaient des roulements de service avec six nuits d’affilée et des changements d’horaires fréquents de vivre», expliquait mardi l’une des grévistes en marge d’un rassemblement de soutien devant le siège de la SNCF à Saint-Denis.

    Pendant une semaine, cette grève est restée en huis-clos entre les grilles du technicentre. La presse n’en a été informée que lundi quand deux trains sur trois en direction de l’Ouest sont restés immobilisés. Après l’accident de TER survenu début octobre dans les Ardennes, les cheminots avaient fait valoir leur droit de retrait, paralysant déjà une partie du trafic. Résultat, à l’annonce de ce nouvel arrêt de travail en début de semaine, l’info tournait en boucle sur toutes les chaînes. Avec une question : cette mobilisation est-elle la petite sœur de la précédente et la grande de celle à venir le 5 décembre contre le projet de réforme des retraites ? Réponse nette d’un cheminot du technicentre, présent au rassemblement devant le siège de la SNCF, mardi : «Non, ça n’a rien à voir, c’est une grève locale. On se bat pour nos revendications, les retraites, ça sera autre chose.»

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    Au sein de SUD rail, syndicat majoritaire à Châtillon, la mobilisation semble également échapper au cadre habituel. «C’est une protestation qui vient de la base, nous, on ne fait que les accompagner. Vous en savez sans doute autant, voire plus que nous», glisse Karim Dabaj, délégué SUD rail à Paris Nord, croisé sur le chemin vers le rassemblement de Saint-Denis. «C’est un peu particulier, on les accompagne mais on ne veut pas récupérer leur mobilisation. Ils ne parlent jamais de la réforme des retraites par exemple», poursuit-il. Si bien que lorsque deux policiers en civil se tournent vers les militants du syndicat présents à Saint-Denis pour leur demander «qui est l’organisateur de la manifestation ?», ceux-ci répondent, l’air amusé, «on ne sait pas monsieur, il n’y en a pas».

    «Monde de Fake news»

    La surexposition médiatique soudaine a aussi rendu les grévistes mutiques, voire méfiants envers la presse et la plupart d’entre eux refusent toujours de s’exprimer mardi. «On est dans un monde de fake news, les médias transforment tout ce qu’on dit. Du coup on fait comme tout le monde, maintenant on maîtrise ce qu’on dit», se justifie l’un d’eux. L’absence de syndicats pour faire l’intermédiaire rend aussi la méfiance encore plus visible. Plus les micros se tendent, plus les cheminots reculent et ils finissent par former un groupe homogène loin des caméras.

    Lorsqu’on demande son identité à l’un des représentants autodésignés du groupe, il lance : «Appelez-moi Karim, c’est comme ça que vous m’avez appelé quand je vous ai dit que je m’appelais Rachid.» Il précise tout de même les revendications des cheminots, restées floues jusque-là : le paiement des jours d’arrêt de travail par la SNCF - «on en est là à cause d’une erreur de la direction, c’est à elle d’en assumer les conséquences» -, l’absence de poursuite des grévistes et l’amélioration des conditions de travail. «On laisse partir des rames en sachant très bien que le travail n’est pas bien fait. Derrière, les clients montent dans ces trains… mais on est en sous-effectif, ce n’est plus possible», regrette un technicien de Châtillon.

    En retrait, d’autres cheminots venus en soutien observent la scène prudemment. Ils le confirment, ce qui se joue actuellement à Châtillon est une bataille locale. Mais ils prophétisent : «Ce qu’ils dénoncent, des tas d’autres cheminots le vivent aussi. Il y a dix technicentres autour de Paris, dont quatre pour les TGV. Tous vivent la même chose et la situation sera rapidement explosive.» Un ressenti confirmé par l’une des grévistes, anonyme : «C’est parti de chez nous, mais ça pourrait partir d’ailleurs bientôt aussi. Le problème, c’est qu’on augmente notre productivité au détriment de notre vie. La SNCF est une cocotte-minute sur le point d’exploser.»

    «Vacances ratées»

    S’ils ont rapidement obtenu de la direction que l’accord local ne soit pas remis en cause, la SNCF n’a pas bougé sur le reste. Pour trouver une issue au conflit, les grévistes du technicentre ont donc demandé un rendez-vous avec la direction. Mais le face-à-face avec une porte-parole du groupe, entouré d’une nuée de caméras et d’un cordon de police, a tourné court. «Vous ne serez pas reçus aujourd’hui», leur a-t-elle opposé sans plus d’explications. «Cette histoire aurait pu être pliée dès mercredi dernier. On est là pour trouver une solution, pas mal de Français ont raté leurs vacances, c’est un conflit local avec un impact national. On voit bien qu’il n’y a aucun geste de la part de la direction», lui a répondu le représentant des grévistes du technicentre. A l’issue de cet échange, la grève a été reconduite par les cheminots de Châtillon.

    Gurvan Kristanadjaja
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