SNCF : pourquoi un TGV et une voie ferrée valent-ils moins aujourd’hui qu’hier ?

Si la SNCF déprécie la valeur de son parc de TGV d’un milliard d’euros et celle du réseau ferré de 9,6 milliards, c’est que les perspectives de revenus et de rentabilité sont moins bonnes.

Par Publié le 08 mars 2016 à 11h06 - Mis à jour le 08 mars 2016 à 12h24

Temps de Lecture 4 min.

Lors de la présentation de ses comptes, prévue jeudi 10 mars, le groupe ferroviaire public va réactualiser de manière brutale la valeur de ses actifs en les dépréciant de 12 milliards d’euros. Une somme spectaculaire, d’autant que le résultat net récurrent, s’il reste positif à 377 millions d’euros – grâce notamment au développement international du groupe –, ne suffira pas à couvrir la dépréciation.

La dernière ligne de résultat de l’entreprise, qui réunit depuis la loi ferroviaire d’août 2014 SNCF Mobilités et Réseau, affichera une perte historique pour le secteur en France de plus de 11 milliards d’euros.

  • Une « opération vérité » sur les comptes qui n’est pas une première

L’ampleur de la dépréciation n’est pas si inédite que cela dans ce secteur. En 2008, SNCF Réseau, alors appelé Réseau Ferré de France (RFF), avait déprécié de 9 milliards d’euros la valeur du réseau ferroviaire, avant de la réapprécier un an plus tard de 10 milliards. Le parc de TGV a aussi déjà été déprécié en 2011 et en 2014.

En 2015, la dépréciation de 12 milliards se divise entre les deux entités du groupe public. SNCF Mobilités a décidé de déprécier pour quelque 2,5 milliards d’euros ses actifs, essentiellement les TGV et les gares, tandis que Réseau déprécie les siens de 9,6 milliards d’euros.

« Ces dépréciations sont de pures écritures comptables. Elles n’ont aucun impact concret. Elles ne changent pas un euro, ni sur le budget 2016 ni sur les suivants, précisent, dans un entretien aux Echos, Guillaume Pepy, le président de SNCF Mobilités, et Jacques Rapoport, celui démissionnaire de Réseau. Elles résultent des normes comptables qui s’appliquent à toutes les entreprises pour mesurer la rentabilité financière d’un actif, mais qui se déclinent très mal dans le cas d’un monopole public comme le nôtre ».

  • Le recul de la rentabilité de la branche TGV

Pour le TGV, malgré une reprise du nombre de voyageurs de 0,5 % en 2015, l’avenir financier de cette activité traditionnellement rentable reste sombre. Du fait de la concurrence de l’avion à bas coût, du bus ou du covoiturage, les perspectives de trafic baissent.

Pour contrer cette tendance, la SNCF va stabiliser le prix moyen des passagers loisirs, en multipliant les « petits prix » et les offres à bas coût, type « TGV Ouigo ». Bref, la rentabilité de cette branche devrait au mieux se stabiliser autour de 10 %, contre plus de 25 % au début du TGV.

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La conséquence comptable est une baisse du prix du parc des rames TGV. L’entreprise a décidé de les déprécier, en 2015, d’un milliard d’euros. De même, l’ouverture de la nouvelle ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux en 2017 – que la SNCF prévoit d’ores et déjà déficitaire – pousse cette dernière à déprécier les nouvelles rames récemment achetées d’un autre milliard d’euros…

Après trois dépréciations (2011, 2014 et 2015), le parc TGV vaut 1,6 milliard d’euros dans les comptes, au lieu de 5,9 milliards. « Ce calcul comptable est réversible, indique M. Pepy, si les marges de l’activité s’améliorent et n’ont d’impact ni sur notre développement ni sur le matériel TGV du futur. »

Parallèlement, Gares et Connexions, la filiale chargée des gares, a décidé de déprécier de 450 millions d’euros ses actifs, suite à une décision de l’Arafer, l’autorité de régulation ferroviaire, qui l’obligeait à réviser à la baisse ses tarifs d’utilisation de ces équipements.

  • Des revenus en baisse pour les voies ferrées

Mais le gros de la dépréciation d’actifs de 2015 concerne SNCF Réseau. En 2015, la valeur des voies ferrées est évaluée à 33 milliards d’euros, contre 43 milliards un an auparavant, soit un changement d’écriture de quelque 10 milliards d’euros.

Cette nouvelle valeur s’explique en grande partie par la réunion des deux entreprises publiques, qui ont ainsi harmonisé leurs projections de trafic et de péages sur les quinze prochaines années.

« L’ex-RFF avait tendance à être très optimiste en prévoyant une augmentation des péages, et donc de ses revenus à moyen terme, quand la SNCF était bien plus prudente et conservatrice avec l’augmentation de la concurrence modale, entre le covoiturage et les bus pour le passager, ou le camion pour le fret, décrypte un porte-parole du groupe. En recalculant les hypothèses de revenus à la baisse, la valeur globale de l’actif a fortement baissé. »

  • Les futurs emprunts pourraient être affectés

Si elle ne doit certes pas remettre en cause le budget de SNCF Réseau, cette dépréciation pourrait tout de même affecter à l’avenir la capacité d’emprunt du gestionnaire d’infrastructure.

En effet, la dette de Réseau – 34 milliards d’euros – est refinancée chaque année à hauteur de 6 milliards auprès des banques, souvent étrangères.

Une dépréciation de cet actif, même s’il appartient à l’Etat, peut dont peser négativement dans la négociation avec ses créanciers.

  • D’autres dépréciations ne sont pas exclues

A l’avenir, SNCF Réseau n’est pas à l’abri d’une nouvelle dépréciation de ses actifs. Le 1er mars, l’Arafer a refusé de valider l’augmentation des tarifs de péage qui lui était demandé pour l’année 2017. De même, le gendarme des transports a réclamé à SNCF Réseau de revoir de fond en comble d’ici à 2018 la façon de fixer ses tarifs, aujourd’hui jugés trop important sur les TGV.

« Si SNCF Réseau devait baisser le prix des péages TGV, cela nuirait aux investissements et à la maintenance du réseau, et donc à sa valeur. En revanche, cela bénéficierait à SNCF Mobilités, qui retrouverait des marges de manœuvres financières pour notamment diminuer les prix auprès du grand public », relève un observateur.

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Bref, que faut-il valoriser, l’entretien et le renouvellement du réseau payé par les usagers et les pouvoirs publics ou les TGV à prix abordable ? Cette question insoluble est au cœur de la crise ferroviaire actuelle.

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