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«Le Luxembourg nous a offert une nouvelle vie»
Luxembourg 5 min. 26.09.2019

«Le Luxembourg nous a offert une nouvelle vie»

Mamo et Bilal, lors de leur arrivée au camp de réfugiés à Weilerbach en mai 2015.

«Le Luxembourg nous a offert une nouvelle vie»

Mamo et Bilal, lors de leur arrivée au camp de réfugiés à Weilerbach en mai 2015.
Photo: Guy Jallay
Luxembourg 5 min. 26.09.2019

«Le Luxembourg nous a offert une nouvelle vie»

Sophie WIESSLER
Sophie WIESSLER
Quatre ans et demi après leur arrivée au Grand-Duché, Bilal et Mamo coulent des jours heureux avec leur famille, à Schuttrange. Fuyant la Syrie en guerre, à l'image de milliers d'autres réfugiés, ils ont pris un nouveau départ et ne regrettent rien.

«Bonjour! Vous préférez faire l'interview en français ou en luxembourgeois?» Cette simple phrase, émise dans la langue de Molière, suffit à mesurer tout le travail fourni par Bilal et sa famille pour s'intégrer. Arrivée il y a quatre ans et demi au foyer pour réfugiés de Weilerbach, près d'Echternach, la famille a traversé la Syrie, en proie à la guerre avant de rejoindre le Luxembourg via la Turquie.

Le 5 mai 2015 marque leur «nouvelle date de naissance». Après plusieurs mois de vie en foyer, ils emménagent dans une maison à Schuttrange. De quatre chambres avec commodités partagées, les voici dans une maison avec trois chambres, une cuisine, un salon et un potager, que Mamo cultive avec plaisir. Un véritable chez-eux. 

Le rêve, qui reste toutefois une exception. Au Luxembourg, 2.954 réfugiés vivent actuellement dans 56 structures différentes, réparties dans 32 communes, selon des chiffres de l'OLAI. Des «modules» ou «villages conteneurs», où chacun partage les sanitaires et les pièces de vie commune.

A leur arrivée dans le foyer de Weilerbach, la famille ne parlait pas un mot de français. Ici, les deux petites filles avaient tout juste quatre ans.
A leur arrivée dans le foyer de Weilerbach, la famille ne parlait pas un mot de français. Ici, les deux petites filles avaient tout juste quatre ans.
Photo: Guy Jallay

A l'époque, personne au sein de la fratrie, ne maîtrise les trois langues officielles du pays. Aujourd'hui, les six membres de la famille parlent français et luxembourgeois, en plus de leur langue maternelle. Un apprentissage qui s'est révélé plus simple pour les enfants que pour leurs parents, même si globalement, ils savent se faire comprendre.

«Nous avons pris des cours à l'INL (l'Institut national des langues, ndlr), ça n'a pas été facile, au contraire. Ils nous a fallu beaucoup d'efforts pour apprendre le français», explique le père. Il faut dire que le français reste pour 78% des personnes actives au Grand-Duché, une langue nécessaire sur leur lieu de travail.

Un point très important pour Bilal, qui, alors qu'il était avocat en Syrie, s'est retrouvé au Luxembourg sans savoir parler la langue et sans aucune reconnaissance de diplôme. Une difficulté supplémentaire pour son intégration.

Malgré ses diplômes, il a donc dû se tourner vers un travail alimentaire, au sein d'un restaurant syrien. Il y restera dix mois, avant que l'établissement ne fasse faillite. Désormais au chômage, il ambitionne de revenir à ses premières amours.

«J'aimerais retrouver une expérience similaire au droit ici. En attendant, je prends des cours de comptabilité-juridique et de secrétariat.» Sa femme elle, est commis de cuisine à Contern. «Nous avons beaucoup avancé pour nous intégrer», glisse-t-elle en souriant.  

Les deux aînés, à gauche, parlent désormais arabe, français et luxembourgeois. Toute la famille veut poursuivre son intégration au Luxembourg.
Les deux aînés, à gauche, parlent désormais arabe, français et luxembourgeois. Toute la famille veut poursuivre son intégration au Luxembourg.
Photo: Lex Kleren

A tel point que Bilal souhaite demander la double nationalité à l'horizon 2020. Le temps de se perfectionner dans la langue de Michel Rodange. «C'est vraiment une nouvelle vie pour nous. Le Luxembourg est mieux que ce que nous imaginions. Nous sommes vraiment très heureux», explique-t-il. 

Le 23 juin dernier, toute la famille a même participé à la Fête nationale luxembourgeoise, dans leur commune, en proposant quelques stands avec des spécialités syriennes. «Tout le monde en raffole ici», s'amuse Mamo.

Le stress et la peur des premiers mois passés au Grand-Duché sont désormais derrière eux. La famille, qui craignait des représailles de l'EI à l'époque, s'affiche désormais au grand jour.

Mamo a participé à la Fête nationale le 23 juin dernier, en proposant des spécialités syriennes.
Mamo a participé à la Fête nationale le 23 juin dernier, en proposant des spécialités syriennes.
Photo: DR

Pourtant, les racines syriennes ne sont jamais très loin. Bilal garde toujours le contact avec ses parents, trop âgés pour les rejoindre, mais assure qu'aucun retour au pays n'est envisageable pour sa famille. «J'ai tout perdu. Je suis parfois nostalgique de notre vie d'avant. Mais je me dis que c'est ainsi, c'est le destin», explique-t-il, les yeux rivés sur un match de foot opposant la Syrie aux Philippines.

Pour rappel, la majorité des Syriens est arrivée en Europe avec la vague de fin 2015 et début 2016. Plus de 330.000 personnes ont ainsi entamé un exode, comme Bilal et sa famille.

1.378 demandes depuis le 1er janvier 2019

Même si les arrivées de ces ressortissants ont ralenti depuis la fermeture de la route des Balkans et l’accord que l’UE a conclu en mars 2016 avec la Turquie, les Syriens sont restés en première position en termes de demandes de protection internationale au Luxembourg, selon la direction de l'Immigration.

En 2018, 978 personnes ont obtenu le statut de réfugié, selon le ministère des Affaires étrangères. 40% des demandes sont toutefois toujours en cours de traitement. Les refus se sont élevés à 361, la même année.

Depuis le début de l'année 2019, 1.378 demandes de protection internationale ont été enregistrées au Luxembourg, dont une majorité de Syriens. Pour Jean Asselborn (LSAP), aucun doute: «si ces chiffres restent constants tout au long de l'année, 2019 va être un nouveau record dans l'accueil des réfugiés».

A LIRE AUSSI: Demandes d'asile: l'année 2019 commence fort

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