Immigration : «La France ne peut pas accueillir tout le monde», affirme Macron

À cinq jours du débat sur l’immigration à l’Assemblée, le président de la République estime qu’il faut corriger les excès, du droit d’asile, de l’AME, réparer « l’échec » des reconduites à la frontière, conditions sine qua non pour « accueillir mieux ».

 Emmanuel Macron, ici lors d’un entretien avec la presse à l’Elysée, avait souhaité l’an dernier que l’immigration soit débattue dans la grande consultation nationale qui a suivi la crise des Gilets jaunes.
Emmanuel Macron, ici lors d’un entretien avec la presse à l’Elysée, avait souhaité l’an dernier que l’immigration soit débattue dans la grande consultation nationale qui a suivi la crise des Gilets jaunes. LP/Olivier Corsan

Il y a du Rocard dans ces mots-là. Emmanuel Macron estime que « la France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien », et qu'elle ne doit pas être « un pays trop attractif » pour « continuer à accueillir tout le monde dignement », au sujet de l'immigration, dossier inflammable qu'il a rouvert devant les parlementaires de sa majorité il y a dix jours.

La phrase sonne comme écho à celle de Michel Rocard, mentor à gauche, avec Jean-Pierre Chevènement, d'Emmanuel Macron au début de son engagement politique. « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu'elle est, une terre d'asile politique […] mais pas plus », avait déclaré l'ancien Premier ministre en 1989.

Dans un entretien à Europe 1 enregistré à New York et diffusé ce mercredi, le chef de l'Etat dit « croire au vrai en même temps sur la politique migratoire aussi ». Il faut « être humains et efficaces » mais « sortir de certaines postures dans lesquelles nous sommes enfermés », entre « bonne conscience » et « faux durs ». Une sorte de crête philosophique donnée à l'Assemblée, qui va en débattre le 30 septembre, et au Sénat, qui poursuivra le 2 octobre.

«Notre droit d'asile détourné de sa finalité»

À six mois des municipales surgit donc le sujet, ultrasensible, que la majorité avait exclu des thématiques du Grand débat national l'an dernier. En décembre dernier, le mouvement des Gilets jaunes avait été marqué par des incidents xénophobes. À la lumière des positions de figures du mouvement, la question se posait de savoir pour qui votaient les manifestants. Le sujet avait été renvoyé à la rentrée.

Le 16 septembre, devant les parlementaires, Macron a été clair : « Je crois dans notre droit d'asile, mais il est détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent. […] Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face. Devons-nous être le parti bourgeois ou pas ? Les bourgeois ne croisent pas l'immigration. Ce sont les territoires les plus pauvres qui sont le réceptacle. Les classes populaires, elles, subissent le chômage, la pauvreté, mais elles subissent aussi ce sujet », avait-il dit, aussitôt accusé de chasser à droite en vue des municipales, voire plus loin.

Auprès d'Europe 1, il reconnaît qu'il « n'a pas réussi à tenir » l'engagement pris à Orléans en juillet 2017 et qu'il y a eu une très forte augmentation du nombre de demandeurs d'asile, en raison d'une insuffisante coopération en Europe. Il admet aussi un « échec » sur les reconduites à la frontière parce que « les procédures durent trop longtemps ». Quant à l' augmentation du nombre de demandes, alors que les entrants en Europe sont moins nombreux, il l'impute à la mauvaise organisation de l'Union européenne.

«Une explosion des entrées liées au sujet sanitaire»

S'agissant de l'aide médicale d'Etat (AME) aux immigrés, il souhaite « évaluer » son « panier de soins », s'interrogeant sur la possibilité d' « excès ». « On a une explosion des entrées liées au sujet sanitaire, avec des gens qui viennent pour se faire soigner en France. […] La France ne peut pas continuer dans cette situation ». Mais supprimer l'AME serait « ridicule », tempère-t-il.

Si la France parvient à réguler les « excès » et à mieux accueillir « ceux qui ont besoin de notre protection », elle sera « à la hauteur de ses valeurs ». Mais le président ne veut pas être « un pays dans lequel parfois on ajoute la misère à la misère ». Une conclusion rocardienne.