Les 10 commandements du bien-être au travail

Un salarié qui se sent bien dans son bureau, son poste, sa tête, son corps et avec ses collègues est forcément plus motivé et performant. Les entreprises l’ont bien compris. Tour d’horizon de ces attentions qui changent tout.

 Pour attirer les talents, les entreprises créent aujourd’hui des lieux agréables, conviviaux qui favorisent les rencontres et le partage.
Pour attirer les talents, les entreprises créent aujourd’hui des lieux agréables, conviviaux qui favorisent les rencontres et le partage. LP/Jean-Baptiste Quentin

Le salaire, le poste ou un titre ne suffisent plus à l'épanouissement des collaborateurs. Pour qu'ils se sentent bien et soient performants, l'entreprise doit offrir du sens, une attention, des conditions de travail et des moments de décompression.

1. Bien installé, tu seras

En ce jeudi matin, Jean-Luc a choisi une grande table noire, assez formelle, à proximité de la terrasse avec vue sur les toits de Paris et le Sacré-Coeur. Pierre a préféré les fauteuils de la bibliothèque, portable sur les genoux. Au siège de Nexity, rue de Vienne (VIIIe), au cinquième étage, chacun s'installe où il veut, en fonction de son humeur ou de son envie. Depuis deux mois et demi, les équipes dédiées à l'immobilier d'entreprise ont pris possession de locaux complètement réaménagés avec coin canapés, tables hautes, petite salle de réunion, table qui serpente, triangle de sieste, « troquet » ou poufs moelleux.

« On teste chez nous ce que l'on va proposer à nos clients, s'enthousiasme Véronique Bédague, PDG de Nexity immobilier d'entreprise. Nous avons choisi du bois, des papiers peints dans les tons verts. L'idée c'est de se sentir bien. L'immobilier est un facteur fort de bien-être. »

La société Nexity a réaménagé ses locaux après avoir consulté ses salariés. LP/Jean-Baptiste Quentin
La société Nexity a réaménagé ses locaux après avoir consulté ses salariés. LP/Jean-Baptiste Quentin  

Si la proximité des transports et l'environnement du quartier restent des éléments fondamentaux, la spécialiste constate que l'aménagement intérieur des bureaux est de plus en plus important. « Pour attirer les talents, les entreprises ont besoin de lieux agréables, conviviaux, qui permettent de se sentir bien et de se mettre en mode projet », analyse Véronique Bédague. D'où un fourmillement de petits espaces favorisant les rencontres et le partage. « Je ne regrette pas mon bureau individuel, témoigne Jean-Luc. Ce cadre de travail est plus apaisé, serein et il permet des discussions informelles. Plus besoin de prendre rendez-vous. »

2. De bonnes postures, tu adopteras

Travailler sans attraper torticolis ou mal de dos, n'est-ce pas le début du bonheur ? Frédéric Srour, kinésithérapeute et ergonome en entreprise, anime régulièrement des ateliers pour apprendre aux salariés à adopter les bons gestes. Il est aussi l'auteur avec Emmanuelle Teyras de « Même pas mal, le guide des bons gestes et des bonnes postures » (First Editions).

« Comme on dit en anglais, The good posture is the next posture, la bonne posture, c'est la suivante, annonce Frédéric Srour comme première règle. C'est bouger qui est bénéfique. » Il va même jusqu'à tordre le cou aux idées reçues : « Il vaut mieux changer de posture que de rester dans une bonne posture. » Pour atteindre ce Graal sans passer pour un agité sur sa chaise, le spécialiste conseille de « décoller toutes les dix minutes son dos du fauteuil, de se redresser et de placer l'écran en face de ses yeux, de se placer de temps en temps sur le rebord du siège et de profiter de chaque occasion de la journée pour se mettre debout. »

Oublié donc la tasse de café et les dossiers rangés à portée de main. « On peut mettre volontairement à distance certains éléments dont on a besoin pour se lever », encourage-t-il. Le kiné voit d'un très bon œil l'arrivée, depuis cinq ans dans certaines entreprises, de postes de travail munis de tapis roulants ou de vélos, mais aussi de gros ballons en guise de siège. « Rien n'est interdit ! »

Mais l'ergonome d'interdire… les réunions sans pauses. « Toutes les trente minutes, dix mouvements des jambes et dix mouvements des bras, cela devrait être obligatoire. Ça fait du bien à la personne et augmente l'attention. »

3. Le soir, la connexion tu couperas

Savoir se déconnecter, pour ne pas craquer. « Il faut laisser son ordinateur au bureau, éteindre son téléphone », insiste Lionel Cagniart Leroi, psychologue du travail. Selon l'expert, la prise de conscience existe chez les dirigeants d'entreprise : « Ils sont de plus en plus à obliger leurs salariés à s'arrêter, souligne-t-il. Par exemple, ils peuvent déconnecter les ordinateurs, bloquer les SMS ou appels à partir d'une certaine heure. » Des start-up comme Calldoor ont élaboré des applications pour accompagner les entreprises dans cette démarche.

4. Les salariés, tu consulteras

Florian Cordel veut s'attaquer au « sujet de fond » du bien-être au travail. Avec son entreprise « Human predictive intelligence » (HPI), le Lyonnais facilite le travail des responsables des ressources humaines, sa formation initiale. Il a créé, avec deux associés, l'outil numérique « Speak Up », censé mesurer le « climat social » dans une entreprise. « Avant de mettre des tables de ping-pong ou d'organiser des sessions sport entre collègues, il faut d'abord être à l'écoute des salariés ! », argue-t-il.

Grâce à « Speak Up », les RH envoient aux salariés un questionnaire hebdomadaire de dix questions. Avec une demande récurrente : « Avez-vous passé une bonne semaine ? », et d'autres, sur des thématiques variées comme l'égalité homme-femme, les salaires, la charge de travail, l'organisation générale de l'entreprise… Les réponses sont anonymes, pour « libérer la parole ». « Grâce aux remontées hebdomadaires, les RH peuvent lancer des actions ciblées et ajuster la tendance immédiatement, détaille Florian Cordel. En fait, ils peuvent enfin avoir une réelle gestion humaine. »

Les bilans de chaque « sondage » sont communiqués directement aux employés. Pour qu'eux aussi soient « acteurs de leur bien-être ». Un changement radical dans la pratique des grands groupes. Vinci et SNCF Réseau ont, par exemple, déjà adopté la solution. « Jusque-là, ils lançaient des enquêtes interminables avec des dizaines de questions tous les deux ans. Les résultats étaient présentés des mois plus tard, sans que les salariés y comprennent grand-chose », souligne-t-il.

5. Au bureau, tu te détendras

Chez CBRE France, conseil en immobilier d'entreprise, les employés peuvent faire du sport. LP/ Guillaume Georges
Chez CBRE France, conseil en immobilier d'entreprise, les employés peuvent faire du sport. LP/ Guillaume Georges  

Lucas enlève son costume et sa chemise pour enfiler short et t-shirt de sport. Le gestionnaire en patrimoine de 25 ans chez CBRE, spécialiste dans le conseil en immobilier, se prépare à une séance de boxe thaï ce jeudi, sur le temps du déjeuner, avec cinq de ses collègues. « Ça permet de couper la journée et gagner du temps dans notre vie personnelle », confie ce rugbyman adepte du « cross fit », ces séances de préparation physique extrême. « On se défoule ! Moi, ça me détend et ça m'aide à canaliser mon stress, renchérit Ayfer, juriste. Et on rencontre des collègues qu'on ne pourrait pas croiser sinon ! »

Au sous-sol des locaux parisiens de l'entreprise (XVIIe), complètement aménagé avec des vestiaires, ils enchaînent les exercices sous l'œil de Yamani, coach sportif. Le rythme est soutenu, entre ateliers de musculation et mouvements avec les gants de boxe, en évitant les véritables coups. « La séance est courte, il faut qu'ils se dépensent le plus possible pour ressortir relaxés ! » sourit Yamani. Après une heure de séance, Frédéric, en sueur, souffle : « Je suis crevé mais je me suis vidé la tête ! Je vais pouvoir débuter mon après-midi sereinement », sourit l'analyste de 28 ans.

Quand certaines entreprises proposent des lieux pour faire une sieste ou aménagent des espaces détentes, CBRE a choisi le sport pour favoriser le bien-être de ses 550 salariés. Via Train Me, start-up spécialisée dans ce domaine, quatre séances sont programmées par semaine : fitness le lundi, yoga le mardi, self-défense le mercredi et boxe thaï, donc, le jeudi. « Cela facilite les connexions entre les collaborateurs, contribue à l'équilibre personnel de nos salariés et leur épanouissement au travail », résume Mickaël Jacquemin, directeur des ressources humaines.

Vincent, 21 ans, stagiaire auprès d'experts immobilier, participe à toutes les activités proposées. « Je trouve ça génial, s'enthousiasme-t-il, pendant son cours de boxe thaï. Après une bonne séance, on est plus concentré sur nos tâches. » Pour l'étudiant en Master, le « facteur bien-être » sera « déterminant » dans le choix de son futur employeur.

6. Du sens à ton métier, tu donneras

Pour être heureux, il suffirait de choisir un travail qui ait du sens. Oui mais… lequel ? Travailler pour une ONG ou dans l'économie sociale et solidaire serait-il plus épanouissant que d'évoluer au sein d'une équipe sympa ou avoir un métier qui me passionne ?

« L'idéal serait dans l'alignement complet de tous ces niveaux, mais c'est rare, constate Laurence Monnet-Vernier, associée du cabinet d'audit Deloitte et auteur de l'étude « Sens au travail ». 30 % des 2500 personnes interrogées relient le sens à leur activité quotidienne, un quart aux valeurs de l'entreprise et un quart au travail en équipe. Ils ne sont que 2 % à le rattacher au produit, 5 % au secteur d'activité et 12 % au métier exercé. »

Dès lors, comment donner plus de sens à mon travail au quotidien pour être plus heureux ? « Dans un contexte professionnel où tout se passe en accéléré, les salariés ont besoin de souffle, de temps de réflexion, de partage, au cours desquels ils vont construire de l'engagement dans leur travail, analyse l'associée, spécialisée dans la transformation des organisations. En clair, les temps de respiration sont plus importants que les grand-messes stratégiques. »

Laurence Monnet-Vernier constate : « Parfois, les entreprises consacrent des budgets considérables à une transformation, digitale par exemple. Mais ils en oublient que pour que leurs salariés soient heureux, il suffit de régler leurs petits soucis techniques quotidiens, que les managers reconnaissent leur travail, lui donnent du sens et leur disent merci. »

7. De saines nourritures, tu serviras

LP/Arnaud Journois
LP/Arnaud Journois  

Oublié le sandwich triste avalé devant l'ordi ou la ruée sur les barres chocolatées! Le « manger-sain » investit aussi les entreprises. Le premier fabricant français de produits bio Léa Nature met ainsi à disposition de ses salariés des fruits de saison dans le hall de son siège, à côté de la Rochelle (Charente-Maritime). Le midi, ils peuvent déjeuner dans leur cantine bio avec vue sur le mandala géant d'herbes aromatiques. La tendance se confirme avec le succès d'entreprises, telles Les Vergers de Gally, qui livrent dans les bureaux des paniers de fruits frais pour qu'ils soient offerts aux salariés.

8. Le « flex-office », tu adopteras

Souplesse des horaires, télétravail, coworking, mobilité dans l'espace de travail… Les nouvelles organisations, et en particulier le flex-office, ne sont pas un effet de mode. C'est la conviction de CBRE, le numéro un mondial de l'immobilier d'entreprise, qui vient d'appliquer ce principe à lui-même dans ses nouveaux locaux du XVIIe arrondissement de Paris.

« D'un point de vue mathématique, le flex-office consiste à mettre moins de bureaux que de salariés, décrit Olivier Cros, directeur stratégie des espaces de travail pour CBRE. Le fait est que selon les jours, beaucoup de postes sont vides. Cela permet de réutiliser ces mètres carrés pour des espaces récréatifs (café, terrasse, sieste, sport, silence…), de brainstorming, de réception… »

Selon une étude conduite par CBRE en 2018, si le bureau fermé reste la norme au niveau national (46 %), les grands groupes se mettent au flex-office les uns après les autres. Depuis 5 ans, on peut citer BNP Paribas Personal Finance, L'Oréal, Sanofi, BETC, SFR, Engie, PSA, Danone, le Crédit Agricole, Bouygues… Le flex-office concerne à ce jour 6 % des salariés en France, mais 17 % dans les grandes entreprises. « Il est plus facile de s'isoler, de s'éloigner d'un collègue que l'on aime moins et se rapprocher d'un autre, fait valoir Olivier Crus. Quand les règles sont beaucoup plus souples, cela améliore incontestablement le bien-être. Bien mené, même s'il est contre-intuitif, le flex-office apporte un taux de satisfaction des salariés plus élevé que sans. »

9. Bien protégé, tu seras

Les normes de sécurité au travail sont légion et parfois contraignantes. Des entreprises, en particulier dans le BTP, vont plus loin et innovent pour mieux protéger leurs salariés. Sur certains chantiers de Bouygues et Eiffage, par exemple, les équipes s'échauffent avant de prendre leur poste. La méthode est aussi parfois utilisée dans les hôpitaux, usines ou les métiers de stockage. Le corps est mieux préparé et les accidents du travail baissent, comme les frais liés aux remplacements.

10. La mobilité, tu favoriseras

Selon une étude Ifop sur «les perceptions de la mobilité professionnelle», menée et publiée en 2018 , 43% des actifs ont vécu une mobilité professionnelle au cours des cinq dernières années : un changement de poste, de grade, de secteur ou géographique. Et 62 % d'entre eux ont trouvé l'expérience positive.Ce phénomène se développe (+5% en un an) et s'accentue « avec l'arrivée de la jeune génération, qui a complètement intégré le nomadisme économique : d'une société à l'autre ou en changeant de fonction à l'intérieur de la même entreprise», confirme un spécialiste.

Les clés

67 % des salariés désirent pouvoir bénéficier de nouvelles méthodes de travail (organisation du temps et des locaux, modes de collaboration au sein des équipes...)

30 % ont accès à un restaurant d'entreprise, 10 % à une salle à usage libre, 9 % à une salle de sport avec des équipements, 7% à une conciergerie, 5% à une crèche, mais 58 % des salariés ne disposent d'aucun de ces éléments de confort

46 % des salariés ont un bureau fermé, 27 % travaillent en open-space, 8 % de chez eux et 6 % en flex-office

36 % déplorent une mauvaise couverture wi-fi et gsm dans le bâtiment de leur entreprise

Source : étude conduite par CBRE, n° 1 mondial du conseil en immobilier d'entreprise, auprès de 1300 salariés français fin 2018.