Coronavirus : Comment Facebook continue de laisser prospérer les contenus antivax sur ses plateformes

DESINFORMATION Une vingtaine de comptes, pages et groupes sur Facebook et Instagram diffusant de fausses infos sur la vaccination contre le Covid-19 ont pu prospérer, gagnant au total plus de 370.000 nouveaux abonnés au cours de l’année écoulée

H. B.
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Facebook et Instagram continuent de laisser prospérer sur leurs plateformes les contenus antivax.
Facebook et Instagram continuent de laisser prospérer sur leurs plateformes les contenus antivax. — Lionel BONAVENTURE / AFP
  • Facebook est à nouveau pointé du doigt pour avoir laissé se propager des fake news au sujet de la vaccination, selon un rapport publié par NewsGuard.
  • « Une vingtaine de comptes, pages et groupes ont gagné, à eux tous, des dizaines de milliers d’abonnés, sans qu’aucune action ou presque n’ait été prise par le géant technologique », explique Chine Labbé, rédactrice en chef Europe de NewsGuard.
  • Parmi les comptes signalés figurent de très grands pourvoyeurs d’infox connectés à des sites évalués comme peu fiables, comme FranceSoir.fr

Déjà dans la tourmente depuis les révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, Facebook est à nouveau pointé du doigt pour avoir laissé se propager des fake news au sujet de la vaccination, malgré de nombreuses alertes. Une vingtaine de comptes, pages et groupes sur Facebook et Instagram diffusant de fausses infos sur le Covid-19 et les vaccins ont pu prospérer sur les plateformes, gagnant au total plus de 370.000 nouveaux abonnés ou membres au cours de l’année écoulée, indique un rapport réalisé par l’organisation NewsGuard, spécialisée dans le pre-bunking.

« Nous avons fait parvenir à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) – dans le cadre de notre partenariat – un rapport faisant le point sur les super-propagateurs d’infox sur les vaccins, sur les plateformes Facebook et Instagram [qui appartiennent au même groupe]. Il s’avère que 20 de ces comptes, pages et groupes ont gagné, à eux tous, des dizaines de milliers d’abonnés, sans qu’aucune action ou presque n’ait été prise par le géant technologique », explique Chine Labbé, rédactrice en chef Europe de NewsGuard, qui a développé une extension de navigateur Internet qui permet d’analyser la fiabilité des sources d’information.

Le compte Instagram de FranceSoir.fr a vu son nombre d’abonnés presque doubler

Parmi les comptes signalés figurent de très grands pourvoyeurs d’infox connectés à des sites évalués comme peu fiables par NewsGuard, comme Children’s Health Defence, qui a vu son nombre d’abonnés grimper de 65 % sur Instagram entre février et octobre 2021 (272.000 abonnés), les pages du Informed Consent Action Network (ICAN), suivi par plus de 50.000 abonnés sur Facebook (soit une hausse de 20 % depuis février), ou encore le compte du Docteur Joseph Mercola, dont le nombre d’abonnés sur Instagram (393.000) a augmenté de 40 % cette année.

« Ces 20 comptes sont basés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, mais aussi en France, et le problème n’est pas limité aux comptes en langue anglaise. Le compte Instagram de FranceSoir.fr, un site qui partage régulièrement de fausses informations sur les vaccins, a vu son nombre d’abonnés presque doubler, de 8.982 en avril 2021 à 16.500 en octobre 2021 », indique Alex Cadier, l’un des auteurs du rapport.

Facebook n’a pas développé « les outils suffisants » pour lutter contre les infox

Parmi les posts publiés dans ces groupes Facebook, certains ont affirmé que les enfants étaient en train d’être « assassinés par la piqûre expérimentale qu’on les pousse à faire », des pages ont affirmé que les risques du vaccin anti-Covid-19 sont « infinis et méconnus » et des pages Instagram ont laissé entendre que les vaccins sont du poison. Aucun de ces exemples n’a été vérifié par Facebook ou Instagram, qui ne fournissent à leurs utilisateurs pas d’évaluation de la fiabilité des sources d’information et d’actualité.

« En s’abstenant de fournir à ses utilisateurs des informations sur la fiabilité des sources partagées et recommandées sur sa plateforme, Facebook n’a rien fait pour donner aux utilisateurs les moyens de s’informer sur la fiabilité des informations diffusées dans leurs fils d’actualité ou dans les groupes Facebook », relève ainsi NewsGuard. « Facebook pourrait mettre en place diverses initiatives constructives et aller au-delà de la mesure peu transparente et visiblement incohérente qui consiste à simplement les censurer en supprimant leurs comptes. Cela peut vouloir dire fact-checker les posts, ou ajouter des avertissements pour alerter les utilisateurs », ajoute l’organisation.

Facebook « tue des gens »

Des documents internes, récemment révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, confirment les importantes lacunes de l’entreprise pour lutter contre les publications antivax. Comme le relève Le Monde, un message anglophone associant les vaccins contre le Covid-19 à une expérimentation, n’a pas été pris en compte par l’intelligence artificielle de la plateforme, qui l’a par erreur interprété comme une publication écrite en roumain. Le géant californien aurait par ailleurs rapidement constaté qu’une large part des messages antivax - sous forme de commentaires notamment - échappaient à ses algorithmes. Au mois de février, des recherches internes auraient même montré que 60 % des commentaires liés à des publications concernant la vaccination émanaient d’antivax.

Ce n’est pas la première fois que le groupe de Mark Zuckerberg est ainsi pointé du doigt pour ne pas avoir suffisamment fait d’effort concernant la désinformation sur les vaccins contre le Covid-19. En juillet dernier, alors que la campagne de vaccination ralentissait aux Etats-Unis, le président américain avait lui-même fustigé le réseau social, dénonçant de graves lacunes dans ses outils de modération contre les fausses informations. « Facebook tue des gens. La seule pandémie que nous avons touche des personnes qui ne sont pas vaccinées. Ils tuent des gens », avait alors déclaré Joe Biden.