Economie

Accord sur un impôt mondial : une «révolution fiscale» pour le G20, les ONG plus tempérées

Les ministres des Finances des pays riches ont signé un accord samedi à Venise. Attac et CCFD-Terre Solidaire rappellent les écueils de ce niveau d’imposition, jugé trop bas pour combattre efficacement l’optimisation fiscale.
par Damien Dole et AFP
publié le 11 juillet 2021 à 11h42

Si les analystes qui y voient un big bang fiscal semblent un poil optimistes, l’accord de samedi au G20 n’en reste pas moins une étape vers une fiscalité plus juste des multinationales. Comme prévu depuis l’accord au G7 le mois dernier portant sur un impôt d’au moins 15 % pour ces dernières, les ministres des Finances des 20 pays les plus puissants économiquement ont approuvé samedi à Venise la réforme de la taxation des plus grandes entreprises, qui doit être peaufinée d’ici octobre et mise en vigueur dès 2023, et qui vise à mettre fin aux paradis fiscaux.

Alors que la réforme a déjà été validée par 132 Etats, les ministres des Finances ont invité les pays récalcitrants à se rallier à l’accord, un appel qui a été entendu par Saint-Vincent-et-les-Grenadines, petit pays des Caraïbes et paradis fiscal, qui a finalement signé la déclaration. Mais plusieurs membres du groupe de travail de l’Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) ayant conclu un accord de principe le 1er juillet manquent toujours à l’appel, comme l’Irlande ou la Hongrie. Le feu vert du G20 «mettra la pression sur tous les pays pour qu’ils se rallient» et devrait «créer les conditions» pour «parvenir à un accord unanime au sein de l’UE», a estimé le ministre italien de l’Economie, Daniele Franco, dont le pays préside le G20.

L’accord a suscité un concert de réactions enthousiastes parmi les dirigeants, de la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen qui a appelé le monde «à agir rapidement pour finaliser» la réforme, au commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni qui a évoqué une «victoire pour l’équité fiscale». «Enfin, les grandes entreprises ne peuvent plus échapper à leurs obligations fiscales. Je me suis battu pour cela pendant longtemps», a tweeté le ministre de l’Economie allemand, Olaf Scholz. Il «n’y a plus de retour en arrière possible», s’est félicité de son côté son homologue français, Bruno Le Maire, saluant une «révolution fiscale». «Esbroufe ! a réagi l’ONG Attac aux propos de Le Maire. L’accord acté au G20 ne mettra pas “fin à l’optimisation fiscale” et les géants du numérique ne paieront hélas toujours pas “leur juste part d’impôt”.»

«Impact déséquilibré sur les pays du Sud»

Nombre d’opposants, présents à Venise, et d’ONG tempèrent d’ailleurs l’enchantement des pays les plus riches. «L’accord en négociation est très problématique tant sur son ambition pour imposer les multinationales en fonction de leurs activités réelles, que sur son impact déséquilibré sur les pays du Sud, analyse Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire. Si le taux d’imposition minimum effectif reste défini à 15 %, cela risque de graver dans le marbre une faible imposition des multinationales et une course à la baisse des taux, alors que les Etats ont besoin de recettes fiscales pour faire face aux grands défis actuels, comme la réduction des inégalités et les dérèglements climatiques.» Une analyse qui rejoint celle que l’économiste Henri Sterdyniak faisait dans Libération, craignant «que ces 15 % [ne] deviennent le taux de référence».

Moins de 10 000 grandes entreprises, celles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros, seraient d’ailleurs concernées par l’impôt mondial prévu par la réforme. Un taux minimal effectif de 15 % permettrait malgré tout de dégager des recettes supplémentaires de 150 milliards de dollars par an, selon l’OCDE. Un premier pas plus qu’une «révolution» donc.