Pouvoir d’achat : le rapport de l’OFCE grippe l’opération rabibochage du Budget 2020

La politique économique a été réorientée en faveur des classes moyennes, acte mercredi l’Observatoire français des conjonctures. Mais les 15 % des ménages les plus modestes sont les laissés-pour-compte.

 Selon l’OFCE, les « grands gagnants » du Budget 2020 sont plutôt les contribuables dont le niveau de vie est supérieur au niveau de vie médian.
Selon l’OFCE, les « grands gagnants » du Budget 2020 sont plutôt les contribuables dont le niveau de vie est supérieur au niveau de vie médian. LP/Olivier Corsan

Un grain de sable dans la mécanique bien huilée du Budget 2020. Qui pourrait gripper toute la machine? Presque un an après le début du mouvement des Gilets jaunes, le Budget 2020, voté en décembre, devait être celui des baisses d'impôts, du pouvoir d'achat, et de la réconciliation avec les classes moyennes et populaires.

Les mesures sont là − baisse d'impôt sur le revenu en tête − et les ronds-points ont été libérés. Mais patatras! Voilà qu' un rapport, publié ce mercredi par l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE), conclut que les « grands gagnants » de la loi de Finances pour 2020 sont plutôt les contribuables dont le niveau de vie est supérieur au niveau de vie médian (qui partage en deux la population, entre une moitié qui dispose d'une somme inférieure et l'autre moitié d'une somme supérieure).

A l'inverse, le niveau de vie des 15 % de ménages les plus modestes va être « amputé », en particulier par les réformes de l' assurance chômage et des aides au logement. Autre chiffrage hautement inflammable : les 5 % de Français les plus modestes devraient perdre 240 euros par an sous l'effet des mesures 2018-2020, estiment les auteurs; dans le même temps, les 5 % les plus riches devraient empocher… 2905 euros supplémentaires par an.

Cœur de cible, «le salarié de la classe moyenne»

Le rapport de l'OFCE risque-t-il d'attiser un incendie social? Certains cols blancs du ministère de l'Economie et des Finances le redoutent, après deux départs de feu, déjà, l'automne. En octobre, d'abord, France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, mettait en avant que la « flat tax » et la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF), avaient très largement profité aux plus aisés. Puis en novembre, l'Insee, dans son portrait social de la France, arrivait globalement aux mêmes conclusions. Au total, entre 2018 et 2020, « un quart des 17 milliards d'euros de gains cumulés de pouvoir d'achat ont profité aux 5 % des ménages les plus aisés », souligne Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, l'un des auteurs du rapport, joint par téléphone.

Le rapport de l'OFCE est loin d'être un brûlot anti-gouvernement pour autant. « Nous enregistrons une vraie réorientation de la politique économique suite au mouvement des Gilets jaunes, acte Mathieu Plane. Le cœur de cible des mesures, c'est le salarié de la classe moyenne », qui cumule baisse d'impôt sur le revenu (IR), suppression de la taxe d'habitation (TH), défiscalisation des heures supplémentaires, hausse de salaire liée à la suppression des cotisations chômage et maladie, prime Macron… En cumulant l'ensemble des mesures du Budget 2020, l'OFCE aboutit à une hausse du pouvoir d'achat de 5 milliards d'euros, qui va profiter à 70 % des ménages.

«Les plus grands gagnants restent les plus aisés»

« Malgré ce rééquilibrage, entamé dès le Budget 2019, l'image du président des riches reste très forte, souligne Mathieu Plane. D'autant qu'à la fin, en faisant le cumul des budgets 2018, 2019 et 2020, les plus grands gagnants restent les plus aisés ».

Les plus pauvres ne sont pas oubliés, déminait-on, en substance, à Bercy ce mercredi soir. « Les 10 % de Français les plus modestes ont eu une augmentation de 2,3 % de leur pouvoir d'achat depuis le début du quinquennat », indiquait-on au ministère de l'Economie, en déplorant que « l'intégralité de l'effet de la prime d'activité soit mal pris en compte par l'OFCE ». Surtout, « les personnes modestes sont avant tout bénéficiaires du retour à l'emploi », faisait-on valoir, le nombre de chômeurs ayant diminué de 3,3 % en France en 2019.