Economie

Impôt mondial minimum : «Jour historique» à l’OCDE «pour une plus grande justice fiscale»

Malgré la réticence de quelques pays, la plupart des membres de l’OCDE, ainsi que la Chine et plusieurs paradis fiscaux, ont signé un accord ce jeudi pour taxer les bénéfices des entreprises. Une étape importante avant le G20 mi-juillet.
par AFP et LIBERATION
publié le 1er juillet 2021 à 21h09
(mis à jour le 2 juillet 2021 à 7h56)

Moins d’un mois après le G7, et après des années de négociations, 130 pays, mais pas l’Irlande, se sont mis d’accord jeudi pour mieux taxer les multinationales, avec notamment un taux minimum d’impôt sur les sociétés «d’au moins 15 %». «Après des années de travaux et de négociations intenses, ce paquet de mesures historique garantira que les grandes entreprises multinationales paient leur juste part d’impôt partout dans le monde», a déclaré Mathias Cormann, le secrétaire général de l’Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) qui pilote ces négociations, cité dans un communiqué.

Un petit groupe de pays, dont l’Irlande et la Hongrie, très réticents à la proposition d’accord qui était en négociation, n’ont pas signé la déclaration conclue ce jeudi, selon la liste fournie par l’Organisation. Mais la Chine, dont la position était très attendue, et les pays généralement considérés comme des paradis fiscaux se sont joints à l’accord. La Suisse y adhère sous certaines conditions, a indiqué le département fédéral des Finances, en soulignant que le pays alpin exige notamment «que les intérêts des petits pays innovants soient dûment pris en compte dans la formulation finale des règles et que les procédures législatives des pays concernés soient respectées lors de la mise en œuvre». L’ensemble des pays signataires représentent 90 % du PIB mondial.

«Les sociétés multinationales ne pourront plus opposer les pays les uns aux autres dans le but de faire baisser les taux d’imposition et de protéger leurs bénéfices au détriment des recettes publiques», a réagi le président américain, Joe Biden, dans un communiqué. Ces entreprises «ne pourront plus éviter de payer leur juste part en cachant les bénéfices générés aux Etats-Unis, ou dans tout autre pays, dans des juridictions à fiscalité plus faible». Sa secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a de son côté salué «un jour historique pour la diplomatie économique».

«Accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle»

Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a, lui, évoqué un «pas colossal vers une plus grande justice fiscale». Du côté français, Bruno Le Maire a salué un «accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle». Son adoption pourrait rapporter entre 6 et 8 milliards d’euros en France selon un chiffrage établi mardi par le Centre d’analyse économique, selon que le taux soit de 15 % ou de 21 %. Et pour l’OCDE, avec un taux d’au moins 15 %, l’impôt minimum mondial devrait générer environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires par an au niveau mondial.

Si l’accord met sous pression le modèle des paradis fiscaux les plus agressifs, il devrait essentiellement profiter aux pays riches, a nuancé l’ONG Oxfam. «Les pays riches forcent les pays en développement à choisir entre un accord désavantageux et pas d’accord», a-t-elle fustigé dans un communiqué, dénonçant une «nouvelle forme de colonialisme économique».

La déclaration commune, qui se base sur l’accord conclu au G7 début juin, prévoit aussi de répartir de manière «plus équitable» les bénéfices entre les pays où sont installés les sièges des entreprises et ceux où elles réalisent effectivement leur activité, même sans présence physique. Ce volet vise notamment les géants du numérique. «Ce plan à deux piliers sera d’une aide précieuse aux Etats qui doivent mobiliser les recettes fiscales nécessaires pour rétablir leurs budgets et leurs finances publiques tout en investissant dans les services publics essentiels, les infrastructures et les mesures requises pour que la reprise post-Covid soit forte et durable», a souligné l’OCDE dans son communiqué.

«Ce paquet de mesures ne met pas fin à la concurrence fiscale, et n’a pas vocation à le faire, mais cherche à la limiter selon des règles convenues à l’échelle multilatérale», a insisté Cormann. Les participants aux négociations se sont donnés jusqu’au mois d’octobre pour «parachever les travaux techniques» et pour préparer «un plan de mise en œuvre effective en 2023».

Cette réunion était très attendue, entre celle du G7 début juin à Londres, et celle prévue la semaine prochaine des ministres des Finances du G20 à Venise. Ces derniers devraient entériner l’avancée technique et politique conclue ce jeudi. L’accord trouvé à Londres avait redonné un élan à la négociation, enlisée pendant la présidence de Donald Trump et relancée par l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. La crise sanitaire, qui a vu les Etats dépenser massivement pour faire face à la pandémie et soutenir leurs économies, a aussi renforcé la volonté politique pour aboutir à un accord censé accroître les recettes fiscales.